8 janvier 2025 | Mise à jour le 8 janvier 2025
Il y a dix ans, le 7 janvier 2015, deux fanatiques religieux massacraient la rédaction du journal satirique. Alors que le pays se rappelait qu'on peut toujours mourir pour ses idées, des millions de Français bouleversés se rassemblaient pour résister à la terreur. Dix ans plus tard, l’esprit de concorde a cédé du terrain à la progression des idées d’extrême droite, les lois visant à restreindre les libertés se sont multipliées au nom de la lutte contre le terrorisme.
Certaines dates restent gravées dans la mémoire. Le 7 janvier 2015 en fait partie. Vers 11 h 30, ce mercredi-là, les frères Saïd et Chérif Kouachi, lourdement armés, forcent la porte de la rédaction de Charlie Hebdo, à Paris, et ouvrent le feu. Parmi les victimes (12 morts, 11 blessés), les dessinateurs : Charb, qui collaborait à la Vie Ouvrière, Cabu, Wolinski, Tignous et Honoré, tous tués pour leurs caricatures. La folie meurtrière continue, dès le lendemain. à Montrouge (Hauts-de-Seine), un complice, Amedy Coulibaly, tire sur une policière municipale, la tue et blesse grièvement son collègue. Le vendredi, il entre dans l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes, se revendique de l'État islamique et prend en otage employés et clients. Il tuera quatre personnes avant d'être éliminé par les policiers du Raid et de la BRI ; au même moment, les frères Kouachi, retranchés dans une imprimerie de Seine-et-Marne, sont abattus par le GIGN. Complètement groggy, la France se rappelle que le fanatisme religieux est prêt à tout pour répandre la terreur et anéantir la liberté d'expression. Le slogan « Je suis Charlie » sature les réseaux sociaux. Le dimanche, des millions de Français se rassemblent dans tout le pays. À Paris, la foule immense fait du surplace, derrière le président François Hollande, entouré de chefs d'État qui ne sont pas tous de grands démocrates. La semaine suivante, le « numéro des survivants » s'arrache à près de huit millions d'exemplaires. En 2018, Philippe Lançon, rescapé, raconte, dans Le Lambeau, son retour à la vie : « Nous avions été victimes des censeurs les plus efficaces, ceux qui liquident tout sans avoir rien lu. […] Ce “petit journal” avait une grande histoire et son humour avait, bien heureusement, fait du mal à un nombre incalculable d'imbéciles, de bigots, de bourgeois, de notables qui prenaient leur ridicule au sérieux. Depuis quelques années, il était presque moribond ; depuis la veille, il n'existait plus. Mais il existait déjà autrement. Les tueurs lui avaient donné sur-le-champ un statut symbolique et international dont nous, ses fabricants, aurions préféré nous passer. »
Un statut symbolique
L'année se termine comme elle a commencé, dans la terreur et le sang, avec, le 13 novembre, une suite d'attentats islamistes qui feront plus de 130 morts et plus de 400 blessés. S'ensuivront une recrudescence d'actes islamophobes et un état d'urgence de deux ans, dont certaines mesures sont entrées dans le droit commun. Dans son rapport « Cinq ans après l'attaque contre Charlie Hebdo, les droits de l'homme sacrifiés sur l'autel de la sécurité », la Commission nationale consultative des droits de l'homme alertait sur la restriction disproportionnée des libertés et la stigmatisation des musulmans, avec un impact dévastateur sur la cohésion sociale.