À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
MÉDIAS

Audiovisuel public : vers un modèle low cost

5 septembre 2019 | Mise à jour le 5 septembre 2019
Par | Photo(s) : © Lionel Antoni / Photo Sociale
Audiovisuel public : vers un modèle low cost

Alors que la réforme de l’audiovisuel public semble se concrétiser, la défiance est de mise parmi les organisations syndicales qui n’ont pas été consultées en amont. Entretien avec Véronique Marchand, journaliste et déléguée syndicale centrale CGT à France Télévisions.
Le ministre de la Culture, Franck Riester, vient de lancer de nouvelles consultations au sein du secteur audiovisuel, en vue de boucler un projet de loi qu’il doit présenter cet automne et qui est censé être voté en janvier 2020. La réforme de l’audiovisuel semble se concrétiser…

Nous avons découvert cette information dans la presse. Mais il n’y a pour l'instant aucun texte, et nous n’avons aucun élément à ce sujet. On apprend cependant que le gouvernement souhaite réunir les professionnels de l’audiovisuel pour évoquer la loi audiovisuelle… Nous disons « chiche ! » Mais y aura-t-il des salariés ou des organisations syndicales de salariés parmi ces professionnels ?

Quand on a l’ambition de révolutionner tout un secteur industriel par une loi, la moindre des choses c’est de faire de la concertation honnête, c’est-à-dire, de prendre l’avis de tous les professionnels et, donc, des salariés à travers leurs organisations syndicales. Ils sont les premiers concernés car ce sont précisément eux qui, au fil des décennies, qu’ils soient journalistes, techniciens ou administratifs ont construit l’audiovisuel public – et non leurs dirigeants éphémères qui restent un mandat ou deux.

J’attends donc de voir quand ils seront invités à donner leurs avis, à exprimer leurs attentes. Car, pour autant que je sache, il n'y a eu pour l'instant aucune concertation avec les représentants des salariés.

Que pensez-vous de l’idée d’une BBC à la Française ?

C’est un poncif qui n’a aucun sens en France. À la différence de l’audiovisuel public français, la BBC a été construite au début du XXsiècle et a investi, durant des décennies, des milliards pour la fabrication de programmes universels.

Elle a longtemps été dirigée de manière indépendante, en incluant même des représentants des spectateurs. En revanche, durant ces dix dernières années, la BBC s'est mise à licencier des dizaines de milliers de salariés. Alors, la « BBC à la française », ce ne serait en réalité que cette dernière partie : « On dégomme tout ». Non, merci !

Nous avons deux PDG, Sybile Veil et Delphine Ernotte, qui se tirent la bourre pour être considérées chacune comme la meilleure en termes d’économies […] Elles font une course à l'échalote pour plaire au gouvernement.
Que pensez-vous de la création d’une holding regroupant France Télévisions, Radio France, France Médias Monde (maison mère de RFI et France 24) et l’INA ?

Ah oui ? C'est-à-dire faire sur France Bleu, en régions, des matinales de radio filmées et diffusées par France 3 ? Mettre ainsi, dans le même sac, radio et télé, avec tout le monde sous une seule tête, mais en divisant les moyens ? Un genre d' ORTF en version pauvre ? Nous n’en voyons pas l’intérêt… En réalité, nous voulons d'abord savoir quel est le projet derrière la holding, et on jugera ensuite.

En revanche, nous voyons d'ores et déjà ce que génère l’idée de cette holding. Nous avons deux présidentes directrices générales, Sybile Veil et Delphine Ernotte, qui se tirent la bourre pour être considérées chacune comme la meilleure en termes d’économies, d’innovation… Elles font une course à l'échalote pour plaire au gouvernement.

Ce qui se traduit concrètement, du côté de Radio France, par des propositions de baisse de qualité en termes de conditions de travail, avec des suppressions de postes assez terribles – ce que nous avons déjà connu chez nous [à France Télévisions, ndlr].

Et, cerise sur le gâteau, de prétendues mutualisations qui nous font diffuser pendant deux heures de la radio filmée, ce qui est un non-sens télévisuel en termes de qualité. Si ce sont là les premiers effets de la holding… non, merci ! Mais, à ce jour, encore une fois, nous ne savons pas ce qu’il y a dans le texte proposé par Franck Riester.

Il s’agit effectivement d’y ajouter France Médias Monde…

Et là, nous avons un souci car France Médias Monde [FMM, ndlr] est sous tutelle du ministère des Affaires étrangères. Or, ce ministère considère FMM comme sa voix, comme celle de la France à l’étranger. C’est un problème en termes d’indépendance éditoriale.

Si la holding doit avoir pour but, non seulement de faire des économies, mais aussi de ramener l’audiovisuel sous tutelle, il va de soi que ce projet suscite notre vigilance et même une certaine défiance, pour l’instant.

En revanche, s’il s’agit de garantir à l’audiovisuel public – et en particulier à France Télévisions – davantage de productions en interne avec des personnels, et non pas l’obligation de financer des sociétés privées pour produire, alors là, je dis oui ! C’est une de nos demandes depuis toujours. L’audiovisuel public doit pouvoir être producteur et pas seulement diffuseur.

Or, à la lumière de ce que je vois actuellement, en particulier sur l’info où, de plus en plus, y compris en régions, on « délègue » la fabrication d’émissions d’information au privé, cela nous inquiète…