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INDUSTRIE

Brandt : « Les dirigeants avaient un discours rassurant »

23 décembre 2025 | Mise à jour le 23 décembre 2025
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Brandt : « Les dirigeants avaient un discours rassurant »

Les salariés de Brandt à Vendôme ont appris avec stupeur la mise en liquidation du groupe centenaire, à la veille de Noël le 11 décembre 2025

Le procureur de Nanterre avait jusqu'à dimanche 21 décembre 2025 pour faire appel de la décision du tribunal des affaires économiques de Nanterre, qui a prononcé il y a deux semaines la liquidation judiciaire de la dernière entreprise française de gros électroménager. En attendant la publication de la décision, retour sur les derniers jours d'une mobilisation de la dernière chance.

L'annonce est tombée comme un couperet à quelques jours de Noël quand le tribunal des activités économiques de Nanterre a annoncé la liquidation de Brandt, dernier fabricant français de gros-électroménager. Propriété du conglomérat algérien Cévital depuis 2014, Brandt et ses 700 employés étaient déjà sur la sellette depuis début octobre et l'annonce du redressement judiciaire de l'entreprise. Mais pendant des semaines, la direction a communiqué avec confiance sur une reprise potentielle, comme le confirme Pascal Sudre, secrétaire de l’Union Départementale de la CGT dans le Loiret. « Les dirigeants du groupe avaient un discours rassurant en répétant que même en cas de liquidation judiciaire, il y aurait forcément un repreneur. Et puis, en 72 heures ils ont fait volte-face et c'était la panique à bord. Il a fallu faire une autre proposition de toute urgence, et c'est là qu'est venue l'idée de la Scop. »

Stupeur et sidération

C'est donc seulement fin novembre que les salariés, syndicats et collectivités ont été informés de l'absence de repreneurs sérieux pour l'entreprise. « Il y a eu de la stupeur et de la sidération du fait de cette annonce de dernière minute qui nous a empêchés de réellement créer un rapport de force au sein de l'entreprise avant qu'il ne soit trop tard, poursuit l'élu cégétiste, mais nous avons reçu beaucoup de soutien. »

Christophe Léveillé, secrétaire général de la section départementale de Force Ouvrière dans le Loiret se félicite de la réactivité des pouvoirs publics à ce sujet : « La Région Centre-Val de Loire, la métropole et la ville d'Orléans ont réussi à lever des fonds pour soutenir le projet de Scop. Tout le monde a joué le jeu ».

Sur le site de Brandt à Vendôme, le délégué syndical CFE-CGC Jorge Carranho estime aussi avoir été soutenu par les politiques locaux. Pour lui, l'échec du projet de Société coopérative vient d'ailleurs : « L'Etat nous avait promis 5 millions d'euros, les collectivités locales avaient réussi à mobiliser entre 11 et 15 millions, et les banques envisageaient de nous prêter jusqu'à 1,5 million ». Mais le projet devait réunir au minimum 25 millions d'euros pour être viable, une condition sine qua non pour laquelle le tribunal des affaires économiques de Nanterre a rejeté l'offre.

Une Scop pas forcément providentielle

Présenté comme la solution de la dernière chance, le projet de Scop était pourtant loin de faire l'unanimité au sein de l'entreprise et des organisations syndicales.

La première version de ce projet, ficelée en moins de trois jours selon Pascal Sudre de la CGT, prévoyait a minima le maintien de la moitié des 700 salariés de l'entreprise. Impensable pour le syndicat qui estime qu'avec une diversification de la production, il aurait été possible de sauver tous les emplois. « Mais il nous faudrait un délai de 30 à 60 jours pour trouver les financements et construire un projet solide et crédible pour tous les partenaires impliqués » ajoute le secrétaire départemental de la CGT dans le Loiret.

Ce constat d'un manque de temps est partagé par Jorge Carranho, qui émet cependant des réserves sur l'idée même de coopérative : « Brandt, c'est trois usines sur des sites de tailles différentes. A Orléans ils sont 300 et à Vendôme on est 100. Alors le modèle de la Scop où un ouvrier est égal à une voix, ça pose des soucis de gouvernance démocratique. Quel site va finir par imposer sa volonté ? » s'interroge-t-il. Pour l'élu syndical, toute comparaison avec l'entreprise Duralex, elle aussi basée en région Centre-Val de Loire, et qui a réussi son passage en statut de Scop en 2024, n'a pas lieu d'être. « Nous n'avons pas le même matériel sur chaque site, on ne peut pas produire les mêmes choses. A mon avis, il aurait fallu dans notre cas que la structure de Vendôme quitte le groupe Brandt pour se réorienter dans la production de drones par exemple. Mais une Scop avec plusieurs maisons, moi je n’y crois pas du tout » finit-il par avouer.

Préparer l'avenir

Le procureur de Nanterre avait jusqu'à dimanche 21 décembre 2025 pour faire appel de la décision de liquidation judiciaire. Une décision qui n'a toujours pas été rendu officielle mais qui était soutenue par le personnel politique ou encore le Conseil économique, social et environnemental régional (CESER), qui avait voté un vœu à l'unanimité en ce sens la semaine dernière, afin de sanctuariser notamment « la souveraineté industrielle du pays ».

Malgré tout, Pascal Sudre insiste sur le fait que le projet de Scop sera défendu « bec et ongles », car « cela reste le projet qui a le plus de chances d'aboutir ». De son côté, Jorge Carranho, délégué syndical CFE-CGC et salarié depuis 18 ans se montre plus résigné. « Sur le site de Vendôme, tout le monde ou presque est en train de chercher du travail ailleurs. Les gens se projettent vers l'avenir parce qu'ils savent que Brandt pour eux, c'est terminé. Maintenant on sait plus ou moins qu'on va être dévorés ou aspirés par des requins de la production d'électroménager. » Christophe Léveillé, qui siège au CESER, partage son scepticisme : « Sans appel de cette décision, je pense que c'est tout le projet de Scop qui partira à l'eau ».

La liquidation judiciaire de Brandt ne représente qu'une goutte d'eau dans un océan de plans de licenciement. La CGT recense dorénavant 483 plans de licenciement dans tous les secteurs d'activité. Face à l'inconséquence coupable de l’État, le syndicat a annoncé la tenue de ses rencontres du Made in France, le 12 mars 2026, à La Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret), siège de Duralex.

Noah Gaume