8 avril 2020 | Mise à jour le 6 mai 2020
Les nomades du nucléaire de Westinghouse s'inquiètent de leurs conditions de travail et de vie qui sont des boulevards pour la propagation du Covid-19. Aux alertes lancées par la CGT, la direction a répondu par la reprise du travail, au nom de la continuité de la production d'électricité.
Damien Geoffroy aura prévenu : «En maintenant les interventions sur les arrêts de tranche, on risque de fabriquer des foyers de contamination exponentielle du virus au sein des sites EDF et aux alentours des centrales nucléaires », a fait valoir le délégué syndical CGT de Westinghouse lors des deux CSE extraordinaires des 19 mars et 1er avril.
Deux réunions « spécial Covid-19 » où, à rebours de toute logique, la direction a décidé de maintenir les chantiers programmés par EDF, « alors que les risques de contamination sont particulièrement élevés et qu'il n'est pas rare de reporter des arrêts de tranche », précise Damien Geoffroy.
Travailler en milieu confiné
Outre la pénurie de moyens de protection (gants, masques, gel, etc.), les représentants des salariés s'inquiètent des conditions de travail spécifiques à ce type de chantier : « Un arrêt de tranche, c'est environ mille salariés qui interviennent au sein de bâtiments confinés où il est très difficile de respecter la distance de sécurité entre les personnes », explique Damien Geoffroy.
Et ce n'est pas tout : pour accéder à leur lieu de travail, les salariés doivent franchir, deux fois par jour, des portiques de détection de la contamination radioactive. Dotés de capteurs appliqués à même la peau, ces portiques devraient être systématiquement désinfectés après chaque passage, or ils ne le sont qu'une fois sur quatre.
Les risques cumulés de l'itinérance et de la promiscuité
Autre facteur de risque, le passage obligé par les vestiaires où le changement de vêtements au sein d'un espace étroit et la volatilité induite par ces gestes accélère la propagation du virus.
À quoi s'ajoutent les risques liés aux conditions de logement et à l'itinérance. En effet, ces prestataires du nucléaire naviguent en permanence aux quatre coins de l'Hexagone et sur l'ensemble de nos centrales, notamment pour les recharger en combustible ou pour effectuer le nettoyage des ventilateurs à vapeur : « Autant de boulevards pour la propagation du virus », estime Damien Geoffroy.
Or, durant le temps de leur mission et avant leur retour à leur domicile, ces nomades du nucléaire logent à proximité des sites, en colocation à deux ou trois personnes dans des bungalows ou des gîtes où, promiscuité oblige, les mesures de protection barrière sont totalement inopérantes.
Confinés… en disponibilité
Lors de la toute première phase de confinement national décrétée par le gouvernement, Westinghouse avait obtempéré et placé ses salariés en confinement à leur domicile, mais en les gardant « en disponibilité », c'est à dire susceptibles de reprendre le travail à tout moment. Et, de fait, ils ont été appelés à reprendre du service dès le 19 mars sur diverses centrales.
Motif officiel avancé par la direction : assurer la continuité de la production d'électricité, conformément à la décision du gouvernement de classer comme « essentielles » les activités d'EDF – donneur d'ordres de Westinghouse. Petit bémol : la maintenance des arrêts de tranche n'a qu'un faible impact sur la production énergétique. D'où la demande de la CGT de reporter ces interventions à « l'après-confinement », de façon à protéger les salariés et leur entourage.
« Lors du CSE du 1er avril, on a de nouveau interpelé la direction sur la nécessité de maintenir des arrêts de tranche que le donneur d'ordres, EDF, n'a toujours pas justifiés. On nous a simplement répondu que c'était EDF qui décidait. »
Une charte pour affichage
Seule avancée, pour ainsi dire, l'édiction d'une charte nationale préconisant les mesures de protection barrière à appliquer sur les chantiers et qui précise qu'en cas de non-conformité, Westinghouse se réserve le droit de retirer ses effectifs. « Un simple affichage qui sert surtout à protéger la direction », considère Damien Geoffroy en faisant valoir le renoncement des salariés à exercer leur droit de retrait par crainte de voir remettre en cause leur emploi.
Quant à la problématique de la contamination, la réponse de la direction se résume à cette parade : « En cas de symptômes, prévenir le chef de chantier ou le manager. » Dans cet arbitrage terrible entre la vie des travailleurs et l'économie, Westinghouse a pris son parti.
Contre la répression antisyndicale, les salariés de Westinghouse continuent leur combat