Chili, reconstruire la mémoire

Enfant, l'un des petits-cousins de Leo lui glissa un jour en douce le texte du dernier discours de Salvador Allende enregistré avant sa mort lors du coup d'État militaire du 11 septembre 1973, qui sonna le glas des espoirs d'un Chili de gauche. Il faudra cependant plusieurs décennies pour que les yeux de Leo se dessillent.

Avec des parents fervents partisans d'Augusto Pinochet – dont cette bande dessinée rappelle qu'il se vit confier de hautes responsabilités par Allende avant de le trahir – Leo n'entendit qu'un son de cloche, qu'une version de l'histoire, d'abord écrite par les vainqueurs.

Leo ignore donc tout ou presque de la réalité de cette sanglante dictature militaire et des espoirs démocratiques dont était dépositaire le président Allende. Car la famille de Leo avait choisi l'exil –
en Afrique du sud sous apartheid –, suite à l'élection d'Allende. Produit d'une éducation foncièrement anticommuniste, Léo découvre une toute autre histoire, au cours d'un voyage en Angleterre, où Pinochet a trouvé asile auprès de sa grande amie Margaret Thatcher…

Rattrapé en Angleterre par toutes les victimes de son régime qui demandent justice, Pinochet y est en effet momentanément retenu. Avec sa compagne française, Leo décide ensuite de partir au Chili et de renouer le fil d'une mémoire occultée.

Très original par son thème, Maudit Allende ! l'est aussi par son traitement graphique signé Jorge Gonzalez qui mêle dessin et peinture. Il signe sur le scénario d'Olivier Bras un ouvrage qui témoigne qu'on peut être aussi exilé de sa mémoire.

Maudit Allende ! d'Olivier Bras et Jorge Gonzalez.

Éditions Futuropolis. 128 pages. 20 €