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CHÔMAGE

Chômeurs et précaires actifs

13 octobre 2014 | Mise à jour le 19 avril 2017
Par | Photo(s) : A. Solé, Bapoushoo
Chômeurs et précaires actifs

À Lorient, le « comité de lutte pour l'emploi » regroupe 70 syndicalistes dont 
une vingtaine de salariés en activité. Il développe une activité spécifique et participe 
à toutes les initiatives interprofessionnelles. Une démarche que la CGT veut généraliser 
à travers tout le pays. Reportage en Bretagne, portraits et retour sur les perspectives 
à l'échelle nationale.

Un mardi matin, 9 heures 30. Il règne déjà une belle activité dans les locaux de l'Union locale CGT de Lorient. La salle du comité de chômeurs a porte ouverte qui laisse voir des dossiers, des affiches et des tracts. Un aménagement prochain devrait offrir plus de place aux privés d'emploi et précaires. Vivianne s'affaire à la découpe des oignons.

Aujourd'hui, le comité fait son « casse-croûte revendicatif » devant une agence Pôle emploi. Une façon de partir à la rencontre des chômeurs et des précaires, d'écouter et d'inviter à l'action collective. Et d'être visible. Le lieu n'a pas été choisi au hasard. Ce n'est pas le seul point d'accueil pour les chômeurs du bassin d'emploi de Lorient. Mais l'agence Marine est celle qui avait reçu Jean-Marc Ayrault, alors premier ministre, en décembre 2013. Ce jour-là, les chômeurs CGT avaient souhaité rencontrer le chef du gouvernement. Mais ils s'étaient vu refouler d'un site « privatisé », le temps de cette visite officielle.

CHÔMEURS REBELLES

Le vocabulaire a parfois l'effet d'un coup de poignard ou d'une bombe. Depuis, « les chômeurs rebelles » y assurent une présence systématique le premier mardi de chaque mois. Le menu varie : soupes diverses, sandwichs, etc., mais le calendrier est fixe car « la régularité est importante ».

Annaïg se présente dans les locaux. « Toujours à l'heure », dit celle qui est venue « prêter la main ». Elle n'est pas syndiquée, mais elle dit « avoir une âme de militante ». Et une grande résistance. Elle a ainsi tenu le coup pendant plusieurs années de mise au placard et de harcèlement avant d'être licenciée en 1998 d'une entreprise parisienne où elle était agent de maîtrise. Arrivée en Bretagne peu de temps après, elle n'a jamais retrouvé d'emploi stable. Aujourd'hui titulaire de l'allocation spécifique de solidarité (499 euros par mois) et toujours sous pression, à 55 ans.

AIDES ET SOLIDARITÉ

Dans les jours qui ont suivi les déclarations du ministre du Travail stigmatisant les chômeurs soupçonnés de ne pas chercher du travail, elle a reçu un SMS inquiétant laissant présager une possible radiation. C'est ce qui l'a conduite jusqu'à la CGT dont un militant l'a accompagnée à Pôle emploi pour que soit levée l'ambiguïté. « N'empêche qu'il n'y a pas de fumée sans feu », lâche-t-elle.

Et tandis que l'on charge les tracts dans la voiture, les drapeaux et les badges, Florence, « une nouvelle », s'est jointe aux militants plus aguerris. Elle aussi a trouvé une aide précieuse auprès du comité. Chef de caisse chez Carrefour à Hennebont, juste à côté de Lorient, avec quinze ans d'ancienneté, elle s'est vue signifier son licenciement lors d'une rencontre initialement destinée à la signature d'une rupture conventionnelle. Pour un motif qui a été présenté comme une faute professionnelle, mais qui pourrait bien plutôt trouver son origine dans le rachat de ce magasin Carrefour par Intermarché. C'était en septembre 2013.

Elle qui ne s'était jamais rapprochée de la CGT sur son lieu de travail, est venue en juin dernier à l'union locale pour monter un dossier prud'hommes. Depuis, elle a pris sa carte au syndicat.

« ON EST 
SUR TOUS 
LES FRONTS,
ON A BESOIN 
LES UNS 
DES AUTRES »

À 10 heures, tout est en place devant l'agence Marine, sur la petite esplanade plantée d'herbe. Cécile, une autre militante est déjà en train de discuter avec cet homme, la quarantaine, inquiet des effets d'une rupture conventionnelle. Questions, explications, conseils. Un agent de Pôle emploi profite de sa pause pour sortir des bureaux. Il s'approche et apporte son expertise. Un peu plus loin, on discute de la dernière convention d'assurance chômage, « que la CGT n'a pas signée et qu'elle a attaquée en justice ». Cet accord fait peser des centaines de millions d'euros d'économies sur les demandeurs d'emploi, sans contribution supplémentaire pour le patronat.

Le tract distribué 
dénonce d'ailleurs « l'arnaque des droits rechargeables ». Cette femme écoute avec attention. Avec un enfant handicapé, pris en charge jusqu'en milieu d'après-midi, elle fait des heures de ménages « autant qu'[elle] en trouve, en première partie de journée ». En réalité, les droits rechargeables ne sont pas ce qu'elle en avait entendu dire jusque-là.

Pour bénéficier d'un allongement des droits aux allocations chômage, il faudra avoir travaillé au moins 150 heures pendant la durée d'indemnisation…

Un militant CGT du centre hospitalier de Bretagne Sud vient se joindre au groupe. Il évoque la précarité à l'hôpital avec 26 % de contractuels, des centaines de postes vacants, les surcharges de travail. « Comme quoi chômeurs, précaires et salariés actifs ont des combats à mener ensemble. » La défense de la sécurité sociale, le besoin de recettes nouvelles pour financer les hôpitaux et garantir l'accès aux soins pour tous, en donnera l'occasion le 16 octobre. Le comité de chômeurs et les syndicalistes de la santé assureront « une présence au marché d'Hennebont et devant la caisse d'allocations familiales, notamment ».

PLUS QU'UNE INITIATIVE MENSUELLE

Le « casse-croûte revendicatif » prend fin. Il a permis le contact avec plusieurs dizaines de chômeurs et précaires. Pour régulière qu'elle soit, cette initiative mensuelle ne résume pas l'activité du « comité de lutte pour l'emploi » de Lorient. Comme l'explique Jean-Pierre Antoine, qui en est le secrétaire depuis dix ans, le comité a son autonomie et prend des initiatives spécifiques, « ce qui est nécessaire ». Dans la rue, comme au sein du comité de liaison de Pôle emploi. « Nous refusons, par exemple, que Pôle emploi serve de marche pied au Medef » en publiant des offres non conformes au Code du travail. Mais, comme l'indique aussi celui qui « est avant tout un syndicaliste CGT », le comité participe à toutes les autres initiatives avec l'UL.

« On est sur tous les fronts », ajoute Franck, un agent hospitalier, « on a besoin les uns des autres ». Il fait partie des 70 syndiqués du comité parmi lesquels une vingtaine de salariés en activité dont un cégétiste de Pôle emploi. À Lorient, on ne laisse pas les chômeurs en rade : Jean-Pierre Antoine est devenu secrétaire général de l'UL en février dernier.
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Entretien

UN COMITÉ SOLUBLE DANS L'EMPLOI

Jean-François Kiefer, secrétaire général du Comité 
national des privés d'emploi, souligne la convergence d'intérêts entre les salariés, qu'ils soient actifs, privés d'emploi ou précaires.

 

nvo : Quelle est la raison d'être du comité CGT des privés d'emplois et précaires ?

Jean-François Kiefer : 5 millions de salariés privés d'emplois, 8 à 9 millions si l'on ajoute les précaires. Au-delà de l'urgence sociale dont ils témoignent, ces chiffres appellent aussi à l'action pour la création d'emplois.

Et c'est précisément la raison d'être de notre comité national, au sein de la CGT, en lien avec ses organisations. Les chômeurs et les précaires ont besoin de la mise en place d'un véritable plan industriel, d'un développement des services publics avec les recrutements nécessaires. Ce sont des revendications de la CGT et nous les portons naturellement au-delà des actions que nous pouvons mener, bien sûr, contre une expulsion, une coupure d'électricité ou pour constituer un dossier de surendettement. Nos comités locaux travaillent en interprofessionnel, avec les organisations de la CGT présentes dans les territoires. Partout, nous avons des batailles à mener ensemble pour faire diminuer le chômage. C'est ce qui fait notre différence avec une association de défense des chômeurs.

ÊTES-VOUS SUSCEPTIBLES DE TRAVAILLER AVEC CERTAINS SECTEURS PLUS QU'AVEC D'AUTRES ?

On a des liens d'intérêt avec tous les secteurs d'activité. Avec la fédération CGT du commerce, par exemple, puisque dans son champ d'intervention, il y a notamment les caissières de la grande distribution qui connaissent une grande précarité. C'est vrai aussi dans l'hôtellerie. Mais nous avons aussi des liens de même nature avec la fédération de la santé, qui se bat pour l'accès de tous aux soins, ou avec celle des finances, qui propose une réforme de la fiscalité…

Dans les territoires, nos comités locaux sont directement concernés par ce qui se passe dans toutes les entreprises. On peut mener des actions communes avec des salariés qui crèvent sous la charge de travail, alors que nous, on crève dehors parce qu'on n'a pas de travail. Les uns comme les autres gagneraient à ce qu'il y ait création d'emplois dans l'entreprise. Une augmentation des salaires peut aussi éviter la multiplication des heures supplémentaires pour ceux qui travaillent et déboucher sur des embauches…

 

 

Quelle est l'activité du comité national ?

On a aujourd'hui quelque 200 bases en France, de forme, de nombre et d'activités différentes. Toutes reçoivent des informations du comité national issues, par exemple, des instances où nous siégeons, comme le comité national de liaison de Pôle emploi. Outre celle que nous organisons chaque année, le premier samedi du mois de décembre, nous appelons aux initiatives qu'organise la CGT et qui concernent aussi les privés d'emplois et les précaires, comme celle à venir le 16 octobre pour la protection sociale.

Le comité national est aussi à l'initiative de campagnes nationales comme celle des « budgets de vie », à l'occasion de laquelle nous nous sommes déployés, avec des véhicules, sur tout le territoire. À partir d'un questionnaire rempli par des privés d'emplois, nous avons mis en lumière la réalité de leur situation et de leurs besoins. C'est de là que vient la revendication CGT d'une prise en compte du coût d'une recherche d'emploi. On a en effet constaté que les privés d'emplois n'avaient pas de budget santé, pour la moitié d'entre eux, pas de budget culture et loisirs pour la quasi-totalité d'entre eux, mais aussi que la recherche d'un emploi leur coûtait 450 euros mensuels en moyenne.

 

 

Vous avez enregistré de belles victoires ?

Nous avons en effet été pour beaucoup dans l'attribution d'une prime de Noël aux chômeurs depuis 1998, ou de droits nouveaux pour les privés d'emploi, induits par la loi contre les exclusions votée en juillet 1998 ou encore dans la mobilisation très importante qui a rétabli dans leurs droits 1 500 316 personnes qu'on a appelées les « recalculés » et qui, du jour au lendemain, avaient vu leur période d'indemnisation amputée de plusieurs mois.

Aujourd'hui, il nous faut accroître notre action car le maintien et le développement de l'emploi, la lutte contre le chômage et la précarité, c'est l'affaire de toute la CGT. Ce sera aussi le moyen d'assurer la continuité du combat. Lorsqu'un militant retrouve un emploi, l'activité du comité local peut en pâtir. Il y a chez nous beaucoup de passage et l'on s'en félicite. On est d'ailleurs la seule organisation de la CGT qui souhaite pouvoir un jour s'auto-­dissoudre…