À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
Coronavirus

Chroniques du coronavirus : dans les banques, insuffisance de télétravail et de protection

9 avril 2020 | Mise à jour le 6 mai 2020
Par | Photo(s) : CHRISTOPHE SIMON / AFP
Chroniques du coronavirus : dans les banques, insuffisance de télétravail et de protection

Comment les salariés et les militants syndicaux s'adaptent-ils à l’état d’urgence sanitaire ? Il y a ceux qui travaillent depuis chez eux, ceux qui sont tenus de se présenter à l’usine ou dans leur entreprise… Chaque jour, la NVO vous raconte le quotidien des travailleurs à l'heure du Covid-19. Aujourd'hui : le secteur bancaire.

Semblant ne pas avoir pris au sérieux le risque pandémique et faute d'anticipation les banques manquent à toutes leurs obligations, notamment vis-à-vis de leurs salariés qui travaillent en agences.

Comme tous les « opérateurs d'importance vitale » le secteur financier est censé anticiper les risques afin d'y faire face et assurer une continuité d'activité. À l'évidence, en dépit d'alertes comme la grippe H1N1, l'hypothèse d'une pandémie obligeant la population à se confiner à la maison n'avait pas effleuré l'esprit de ses dirigeants. Résultat : alors que les banques font partie des « établissements autorisés à recevoir du public » leur ouverture s'est faite d'une façon totalement improvisée.

« Il n'en demeure pas moins que les employeurs doivent assurer la santé et la sécurité de tous les salarié·e·s. » a rappelé Valérie Lefèbvre-Haussmann, la secrétaire générale de la fédération CGT des Banques et Assurances, dans le courrier qu'elle a adressé le 18 mars à Bruno Lemaire et Olivier Véran, les ministres de l'Economie et de la Santé.

Ouvrir les banques, oui. Mais pas dans n'importe quelles conditions

Petites et moyennes entreprises, commerçants qui ont besoin d'une réponse immédiate quant à leur situation, clients fragiles qui n'ont pas d'instruments de paiement … les banques ont un service à rendre à la clientèle et sont dans l'obligation de lui donner accès à l'argent. Et donc d'ouvrir qu'elles que soient les circonstances. Dans le contexte actuel de confinement, la fédération CGT ne conteste donc pas la présence de salariés dans les établissements bancaires mais « la façon dont cela s'est fait », précise Valérie Lefèbvre-Haussmann.

C'est-à-dire dans le plus grand désordre, les directions semblant ne pas avoir pris immédiatement au sérieux la pandémie. Alors que les magasins non alimentaires avaient fermé boutiques, que ceux qui restaient ouverts commençaient cahin-caha à installer des protections pour leurs salariés, les banques n'en étaient encore qu'à prôner les gestes barrière. Une mesure inadaptée puisqu'aujourd'hui dans les agences – comme dans les centres d'appels ou les sièges – tout le monde travaille en open space sans distanciation, y compris avec les clients.

Les salariés ont donc eu toutes les peines du monde à faire accepter, tant aux clients qu'à leurs directions, le fait que les rideaux métalliques des agences soient baissés et que les entrée se fasse un par un.

https://nvo.fr/chroniques-du-coronavirus-la-cgt-douai-depose-plainte-contre-amazon/

La peur d'être contaminé par manque de protection

Si les parois en plexiglass ont fini par arriver dans les agences c'est avec deux semaines de retard et pas partout. En attendant, « les collègues ont bricolé des trucs eux-mêmes. Ils ont apporté des bâtons et ont pris les supports des affiches pour essayer de se faire une protection vitrée, d'autres ont installé du film pastique », rapporte la syndicaliste. Quant au gel hydroalcoolique, il se fait encore attendre mais, poursuit-elle, à cela les directions ont une explication : « tout le monde peut aller se laver les mains dans les agences puisqu'il y a de l'eau, du savon et des lavabos partout ».

Mais de nombreuses questions hantent les salariés telles que le temps de résistance du virus sur les billets ou les dépôts de chèques qu'il faut traiter. Faute de mieux, un peu comme au temps des hold-up, ils essaient de ne pas trop penser au risque qu'ils encourent en venant travailler. En l'occurrence celui d'être contaminés dans un contexte où le contact avec la clientèle favorise la circulation du virus.

« Il a fallu se bagarrer pour la fermeture des agences en cas de Covid 19 afin de désinfecter les locaux avant que tout le monde revienne bosser » pointe Valérie Lefèbvre-Haussmann. Reste que les salariés « contact » ne sont toujours pas mis en « quatorzaine ». Or, le télétravail pourrait limiter considérablement le risque d'attraper le Covid-19.

Le télétravail n'a pas été retenu comme solution

Outre le besoin de mesures de protection, « depuis le départ, nous avons dit qu'il n'est pas obligé d'avoir l'intégralité des équipes en agence », explique la secrétaire générale de la fédération CGT. « Dans une période où seules les opérations vitales doivent être effectuées et que beaucoup peuvent l'être à distance, la présence d'une équipe de deux personnes peut suffire. Une telle organisation permettrait aux salariés de se relayer en agence mais, pour cela, il faudrait donner du matériel de télétravail ».

C'est le premier problème : même si de grandes banques nationales (BNP-Paribas, Société Générale…) ont eu davantage recours au télétravail que la moyenne, elles l'ont surtout réservé à leurs sièges et à leurs back-offices, mais seulement de façon marginale à leurs conseillers clientèle. En fait les directions ont été massivement incapables de fournir les ordinateurs portables en nombre suffisant (en raison du secret bancaire il est interdit de travailler avec son propre matériel). Ainsi, par exemple, la Caisse d'Épargne Île-de-France a commandé 230 ordinateurs portables pour… 5 000 salariés.

Deuxième problème : il s'avère qu'« aucune banque n'a un système informatique suffisamment dimensionné pour répondre à l'urgence de la situation », note Valérie Lefebvre-Haussmann. « Au début de la pandémie, même la BNP et la Société Générale ont demandé à leurs salariés de ne pas se connecter en même temps ». Cela, alors même « qu'on nous bassine avec l'intelligence artificielle ».

Chroniques du coronavirus : les syndicats de PSA unanimes pour prolonger l'arrêt d’usines dans le Nord

Le secteur financier continue de quémander

Bref, en situation de crise, le système bancaire laisse les salariés de ses agences en première ligne sans se soucier sérieusement de protéger leur santé. Et si la CGT se bat depuis le début du confinement pour que les commissions santé, sécurité, et conditions de travail (CSSCT) aient accès aux locaux de travail, c'est en vain puisque les attestations de déplacement dérogatoire leur sont refusées.

Le comble, c'est que, telles des entreprises en difficulté, les banques comme les assurances continuent non seulement d'assigner des objectifs commerciaux à leurs salariés, mais envisagent aussi de mettre en place du chômage partiel ou encore demandent à ceux qui ont des enfants ou sont de santé fragile de poser des congés payés plutôt que d'accepter le dispositif gouvernemental.

Pour ces derniers la CGT propose qu'ils soient plutôt confinés et que l'entreprise prenne en charge leur rémunération. En effet, « avec les résultats réalisés ces dernières années nos secteurs peuvent contribuer à l'effort national de solidarité afin de privilégier les entreprises qui en ont le plus besoin » écrit Valérie Lefèbvre-Haussmann dans son courrier aux ministres. Un juste retour des choses puisque depuis des années, entre le CICE, le Pacte de responsabilité et autres exonérations de cotisations, le secteur financier bénéficie largement des aides de l'État.

Syndicalement, il y a du grain à moudre pour la suite

Autre demande formulée par la CGT « dans cette période particulièrement anxiogène » : l'arrêt de tous les projets de restructurations et de licenciements. Et à ce sujet la réalité du moment pourrait bien rattraper les directions de banques. Car pour mettre autant en danger la santé des salariés qui travaillent en agence, il faut bien qu'elles considèrent que ces derniers sont un maillon indispensable de l'économie.

Ce que la CGT saura rappeler en temps voulu aux dirigeants du secteur. En effet, depuis quelques années, ces derniers tiennent un discours inverse, assurant qu'il y a beaucoup trop d'agences, trop de distributeurs d'argent, que tout cela coûte beaucoup trop cher et qu'il faut envisager des fermetures. Projet qu'il faudra donc réviser.

Enfin, au-delà du seul secteur bancaire lui-même, c'est aussi la question des salaires qui pourrait bien revenir sur le devant de la scène dans les entreprises proposant des plans d'épargne où les salariés peuvent placer leur intéressement. Car avec la chute de la bourse… l'épargne salariale s'est beaucoup évaporée.

Suivez la NVO sur FacebookTwitterInstagram