Le think tank de réflexion sur l'économie et travaillant pour le Premier ministre, le Conseil d'analyse économique (CAE) a diffusé une note sur le futur de l'assurance chômage. Une série de préconisations à la sauce libérale du think tank macronien à l'opposé du projet porté par la CGT.
« Repenser l'assurance chômage : règles et gouvernance ». Voilà le titre de la note pondue par le CAE et qui propose différentes recommandations pour le devenir d'une assurance — chômage qui, selon les propres mots de la note : « joue un rôle clef dans la crise sanitaire et économique actuelle ».
Dans ses propositions, la note propose pêle-mêle de revoir les niveaux d'indemnités, de revoir la gestion de l'assurance-chômage (avec l'installation d'un Haut Conseil de l'assurance-chômage), d'harmoniser l'allocation spécifique de solidarité (ASS) avec les autres minimas sociaux…
Afin de démêler le vrai libéralisme de la fausse protection sociale de haut niveau, la NVO a posé 3 questions à Denis Gravouil, dirigeant CGT et négociateur en charge du dossier de l'assurance-chômage.
Denis Gravouil à Montreuil, le 17 mai 2017
NVO : La suggestion d'une politique d'assurance-chômage qui agirait en opposition aux cycles d'augmentation ou de baisse du chômage est-elle vraiment une bonne idée ?
Denis Gravouil : Les auteurs sont ceux qui ont écrit le programme de Macron et qui a abouti à ce que l'on connait. L'état est bien gentil et c'est lui qui verse. Le, CAE, ce think tank rattaché au Premier ministre, ne propose jamais qu'une opinion, et c'est scandaleux. On aurait pu avoir un conseil qui aille chercher d'autres avis et formule des propositions variées.
La position défendue par le CAE est ultraminoritaire. Dans la presse, tout le monde la juge absurde. Si on les appliquait à l'Assurance maladie, cela signifierait ne pas rembourser des gens, parce qu'ils sont peu à être malades et pendant une période « normale », hors épidémie.
À lire la note, on voit bien que c'est une malchance d'être au chômage, que c'est de la faute des chômeurs. Les possibilités d'accès à la formation sont déterminantes dans l'accès à l'emploi. On sait bien que ce sont les jeunes qui ont le plus de mal à trouver un CDI et un emploi décent… C'est une arnaque intellectuelle, ces affirmations ne sont fondées sur rien…
Parce que des gens gagneraient plus sans travailler avec l'assurance chômage qu'en travaillant ? En réalité, c'est demander la mise en place officielle d'un nivèlement par le bas. Et, au final, faire des économies sur le dos des chômeurs.
La présentation d'un rassemblement des budgets de la « protection sociale », c'est une forme d'approbation de la sécurité sociale professionnelle promue par la CGT depuis longtemps, non ?
En voulant faire cela au prétexte de l'universalité, c'est aussi une volonté de nivèlement par le bas. C'est tout l'inverse de ce que veut la CGT par ailleurs. Aujourd'hui, en France, on a un droit au travail, qui est inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946, comme étant inaliénable (aujourd'hui on dirait que c'est opposable).
Donc il faut un revenu de remplacement, une pension de retraite quand on est âgé, une assurance-maladie lorsque l'on ne peut pas travailler parce qu'on a une maladie. Et une assurance-chômage contre le fait d'être privé d'emploi.
Là, avec ces propositions, c'est l'inverse, on glisse vers le revenu universel d'activité, dans une version minimum. L'autre part de la soi disante étude du CAE, c'est la meilleure articulation avec les minimas sociaux, dont l'ASS. Alors qu'il est un droit individuel pourtant. Le RSA lui, est un revenu en fonction des revenus du foyer fiscal, ce qui en exclut les jeunes, et les femmes, qui dépendent souvent des conjoints.
Derrière, la future réforme prévue, c'est réduire la protection sociale. Mais attention, les néo-libéraux ne veulent pas la supprimer, non. Pour éviter les catastrophes, il faut la garder mais en instaurant un micro-filet de sécurité. On va garder la prime pour l'emploi pour ceux qui ont perdu un emploi stable, et pour les précaires, garder le strict minimum.
Comment envisager la proposition d'une gouvernance avec un « Conseil de négociation de l'accompagnement et de l'indemnisation » de la future assurance-chômage, rassemblant secteur privé, public et indépendants ?
Sur le côté gouvernance, avec la proposition du HCA, c'est lui donner les pleins pouvoirs, avec à peine un strapontin pour les syndicats, qui seraient encore plus minoritaires qu'à l'Unédic.
On voit bien que c'est dans l'idée aussi de mettre fin au statut de la fonction publique si on y insère tout le monde… Ils proposent donc de faire un système minimal pour que tout le monde y perde. Dans le public, les gens pourront être dégagés rapidement, et pour le privé, ce sera donc une baisse des niveaux. Avec le nouveau statut du travail salarié (NSTS), il faut faire « disparaitre » le chômage. Ça passe par assurer un revenu, quelle que soit la situation.
Il faut arriver à installer un vrai débat dans l'opinion publique, afin que la question du partage des richesses et du travail — qui fondent tout — soit sur la place publique. Le travail doit être rémunéré, à la fois à travers les salaires directs et aussi les salaires indirects. Le projet du NSTS doit être encore plus mis en avant, et plus discuté.
Lorsque des débats ont lieu avec les travailleurs précaires, on arrive à bien discuter et avancer, pour le présenter. C'est la meilleure perspective qu'on offre face à ceux qui pensent qu'ils n'ont plus droit qu'à la précarité.