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Service public

Des postes pour La Poste

27 octobre 2016 | Mise à jour le 30 novembre 2016
Par | Photo(s) : Duffour / Andia
Des postes pour La Poste

Dans les Landes, après douze jours de grève, les facteurs ont réussi non seulement à empêcher des suppressions de postes, mais à en obtenir de nouveaux. Didier Zarzuelo, facteur à Saint-Vincent-de-Tyrosse et responsable CGT, revient sur cette bataille victorieuse.
Que se passe-t-il à La Poste ?

Depuis une dizaine d'années, les conditions sociales ne cessent de se dégrader, le sens du travail disparaît, celui du service public postal aussi. Il faut savoir que tous les deux ans, La Poste réorganise. Dans les Landes, sur la « plaque » (un découpage géographique propre à l'établissement, NDLR) de Saint-Vincent-de-Tyrosse, on a refusé cette nouvelle réorganisation de La Poste qui allait supprimer quatre emplois sur une zone qui emploie 68 personnes.

Quelles conséquences la perte de quatre emplois aurait-elle eues sur le fonctionnement des bureaux et chez les collègues ?
Dès que l'on supprime des facteurs, on supprime des tournées. Pour y pallier, des regroupements sont opérés et le trafic se répercute sur les autres facteurs. Les conditions de travail se détériorent.

Facteur est un métier attachant. J'aime ce métier, mes collègues aussi et la population nous apprécie beaucoup, mais c'est dur aussi. Après vingt-quatre ans de métier, en encadrant une petite équipe, je gagne 1 400 euros nets par mois, en travaillant six jours sur sept et sans treizième mois. Partout, on assiste à des dépassements structurels de tournée. Plus aucun facteur ne finit à l'heure. Cela a des répercussions sur l'équilibre entre vie privée et vie professionnelle. La charge de travail supplémentaire n'est pas prise en compte, le paiement des heures supplémentaires est aléatoire…
Malgré des vagues de suicides importantes (réécouter le journal de France Inter de 7 h 30, du 26 octobre 2016) les gouvernements, passés et présent, ne cessent de vouloir « réorganiser ».

Ce que vous vivez ressemble à la situation de France Telecom quand elle est devenue Orange…

On suit le même cheminement, tant socialement qu'économiquement. La mutation des services, l'externalisation, le regroupement, les réorganisations… tous ces termes cachent à peine qu'à terme, l'État, l'unique actionnaire de la société anonyme La Poste, a la volonté de privatiser le service public postal. Pour preuve, les bureaux qui ferment et sont « remplacés » par des points Poste à la mairie ou chez l'épicier ! À chaque fermeture, c'est du lien social qui s'effiloche.

Quelle est l'ampleur de ce phénomène ?

Il y a dix ans, La Poste c'était 17 000 bureaux. Aujourd'hui, on en est à 7 000. L'objectif à l'horizon de 2020 est d'avoir 4 000 bureaux seulement. C'est une vraie saignée. À Hossegor, les murs du bureau de poste ont été cédés à Carrefour City.

La Poste vend son patrimoine immobilier. Pourtant, sa situation économique est florissante : 22 milliards de chiffre d'affaires, 680 millions de bénéfice net après impôts. C'est une entreprise saine malgré la baisse du trafic courrier. Rien ne justifie ces réorganisations.

S'il n'y a pas de justification économique, c'est politique ?

Oui, car, à terme, le gouvernement organise la privatisation de La Poste. Le marché des colis génère un gros chiffre d'affaires qui intéresse du monde. Alors, pour vendre la mariée, il faut que sa corbeille soit la plus belle. Moins d'emplois, c'est plus de chiffre d'affaires, et cela attire les prétendants. Tout ça au détriment du travail, des usagers, du service public postal de proximité.

Ce n'est pas la première fois que vous obtenez des résultats majeurs après une grève. Pourtant le contexte national de restructuration s'aggrave. Y aurait-il une spécificité landaise ?
Non je ne crois pas (rires). En 2012, on avait déjà fait une grève qui avait duré 17 jours. On avait gagné, à l'époque, cinq emplois alors que la direction voulait supprimer une tournée de facteur. En 2016, on est parti sur un mouvement qui a duré 12 jours et on a obtenu quatre emplois, mais aussi le gel complet de la réorganisation jusqu'en 2018, des renforts pour l'été en prenant en considération la spécificité touristique de certaines villes, etc.

Pour mobiliser, on a communiqué sur le fait que l'établissement postal a supprimé 20 000 emplois en dix ans alors qu'elle a touché un milliard de CICE depuis 2012 pour censément « maintenir et développer l'emploi ». Socialement, les facteurs en paient le prix fort. Rappeler ces faits n'est pas neutre dans la mobilisation. De plus, et c'est loin d'être anodin, nos bureaux sont fortement syndiqués, et à plus de 57 % à la CGT.

Lors du mouvement de septembre-octobre, tous les facteurs des Landes nous ont rejoints. Il y avait longtemps que ça ne s'était pas vu, et certains bureaux ont été fermés à cent pour cent le 5 octobre.

Concrètement comment faites-vous pour que ça marche ?

C'est beaucoup de visites de bureaux, de prise de parole, de réunions après le travail. On fait des pique-niques, on s'organise avec l'union locale de Saint-Vincent-de-Tyrosse pour travailler avec elle, pour les réunions dans ses locaux.
On a la chance d'avoir des bureaux de poste qui sont syndicalement structurés. C'est ce qui permet d'obtenir ces résultats. C'est pourquoi lors des réorganisations tous les deux ans, on est moins impacté que d'autres bureaux où n'y a pas d'activité syndicale.

La réception de notre intersyndicale (CGT et FO) par le sous-préfet a été un élément déclencheur pour entrer en négociation avec la direction. Mais, si on réussit à obtenir quelques assouplissements, il ne faut pas se leurrer, ils sont dus à la mobilisation qui a été menée. De même, je crois que tout le travail mis en place lors des manifestations contre la loi travail a été un ciment qui permet aujourd'hui ces victoires.

À présent, on veut élargir cette bataille aux facteurs des départements limitrophes des Landes que sont les Hautes-Pyrénées et les Pyrénées-Atlantiques. On a les mêmes problématiques, les mêmes revendications. Cette dynamique née dans les Landes, on compte bien la propager, la prolonger en novembre par une mobilisation intersyndicale qui comprendra toutes les organisations, même la CFDT.