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Faire entendre les Voix de Lodève

29 mai 2015 | Mise à jour le 21 novembre 2016
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Les Voix de la Méditerranée, un festival de poésie unique en son genre, a été déprogrammé. Raison officielle : son coût. Les conséquences en sont multiples. La résistance s'organise.
Abbas Kiarostami, Michel Butor, Sapho, Julien Blaine, Mimoza Ahmeti, François Grand Clément, Pépito Matéo, Rabih Abou Khalil… autant de poètes et d'artistes dont les œuvres auront marqué la petite ville héraultaise de Lodève.

Tous les étés, en juillet, la ville s'ouvre aux Voix de la Méditerranée, un festival créé en 1997. Voix multiples, en toutes langues, venues des Balkans et de la diversité des pays arabes, de la Palestine et d'Israël, d'Italie, de France ou d'Espagne… La poésie envahit les rues, la Soulondre accueille la lecture de textes accompagnée de musiques, à entendre les pieds dans l'eau ; les éditeurs se retrouvent et découvrent des auteurs qu'ils publieront peut-être. Chaque été, Lodève devient capitale de la poésie de la Méditerranée. Son festival rend les frontières perméables, celles de la géographie comme des conceptions artistiques ou des appartenances sociales, permet des rencontres que la géopolitique refuserait d'envisager ailleurs. Chaque année, sauf en juillet prochain.

Un festival unique

En janvier dernier, la communauté de communes Lodévois et Larzac (CCLetL), que préside la maire de Lodève, a décidé sans concertation de mettre un terme au festival dont le programme était pourtant déjà engagé. Motif officiel : son budget. À la place, elle décide d'un festival de spectacles de rue. Des arts de la rue qu'il s'agit évidemment de défendre, eux aussi ; mais comment imaginer les substituer à un festival de poésie, unique en son genre, qui a valu à la ville la reconnaissance de l'Unesco ? Un festival qui permet des rencontres si indispensables dans le climat de suspicions, de stéréotypes racistes (contre Rroms, Arabes, juifs, musulmans…), dans ce climat de haines que l'extrême droite et les droites extrêmes entretiennent ? Les Voix de la Méditerranée n'est pas le seul festival à subir des choix politiques et économiques étouffant des collectivités, sacrifiant la culture. Des choix qui assèchent le désir naissant de la découverte d'une œuvre, de l'Autre.

L'insurrection poétique

C'est ce que ne cesse de défendre le collectif Sauvons les Voix de la Méditerranée où se sont très vite retrouvés artistes, créateurs, spectateurs, militants de la CGT également. Il souligne les multiples prolongements du festival, les initiatives culturelles populaires menées tout au long de l'année avec les écoles et associations, les rencontres littéraires dans la ville, la création d'un lieu de formation théâtrale, musicale et poétique, celle d'une librairie aujourd'hui menacée de disparaître. Il rappelle l'enjeu de rencontres de cette ambition dans une ville aux populations d'origines méditerranéennes multiples.

Il évoque aussi les retombées économiques du festival, pour nombre d'intermittents mais aussi pour l'hôtellerie et la restauration, tandis que le chômage et la pauvreté se sont enracinés sur les décombres de l'industrie et dans le tissu rural environnant. Le collectif a multiplié les initiatives, commente Alain Maussière, de la CGT. Une pétition a recueilli plusieurs milliers de signatures, l'« insurrection poétique » de mars a rassemblé des centaines de citoyens. Le 1er mai, c'est à Alain que l'UL CGT de Lodève a demandé d'intervenir, pour le festival et pour la défense d'une réelle politique culturelle, avec le soutien de l'UD, alors que se retrouvaient plus de 200 personnes.

« Du jamais vu ici de longue date ! » Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la CGT organisait à Lodève une rencontre publique entre un poète et un syndicaliste de l'un des pays méditerranéens pour parler de la poésie, de la culture, du travail et de luttes communes… Mais si les Voix sont bâillonnées, elles ne se résignent pas à se taire. Et entendent renaître dès 2016. D'autres initiatives sont donc prévues, comme un pique-nique le 16 mai, insiste Alain, à travers des débats rassemblant largement pour une réelle politique culturelle en territoires.