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Service public

Douanes, un autre avenir est possible

23 mars 2015 | Mise à jour le 14 mars 2017
Par | Photo(s) : AFP
Douanes, un autre avenir est possible

Dénoncer le «projet stratégique douanes 2018» (PSD) et ses déclinaisons interrégionales qui prévoient baisses d'effectifs et suppressions de plusieurs bureaux et brigades. C'est ce qui pousse des milliers de douaniers à manifester aujourd'hui, tous syndicats confondus, entre le Sénat et l'Assemblée nationale. Déjà menacée ces dernières années, la police des marchandises n'échappe pas à la casse des services publics. Elle est pourtant prioritaire dans la lutte contre la fraude.

«Évidemment que je serai dans le cortège !» En service depuis près de quinze ans, ce douanier est l'un des 17 000 agents qui, au quotidien, s'attellent à faire respecter le paiement de la TVA (142,1 milliards d'euros par an), de la TICPE (la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques – comme le pétrole, par exemple – rapporte entre 20 et 25 milliards d'euros par an aux finances publiques), des droits de douane à l'importation… Ces agents contrôlent aussi le trafic de produits stupéfiants, de contrefaçons, d'espèces protégées en voie de disparition, de tabac, d'alcool, de bijouterie. Ce sont également eux qui alertent sur les scandales sanitaires (comme ce fut le cas pour le virus de la vache folle), qui luttent contre le terrorisme (en juin 2014, ils arrêtaient l'auteur de la fusillade du musée juif de Bruxelles qui voyageait en car avec son AK 47)…

GAINS DE PRODUCTIVITÉ

Lui, refuse de donner son nom, culture du secret oblige, mais aussi pression des directions. «C'est très tendu en ce moment», lâche-t-il, volontairement vague. Bien sûr la Révision générale des politiques publiques (RGPP) et la modernisation de l'action publique (MAP) ont déjà largement refaçonné les services de la DGDDI (Direction générale des douanes et droits indirects), mais la recherche de «gains de productivité» en termes d'effectifs et de moyens continue. Faut-il rappeler que les effectifs douaniers ont chuté de près de 20 000 à 17 000 en dix ans alors que le trafic des marchandises a quasiment doublé dans le même temps ?

L'inquiétude de la profession est encore montée d'un cran depuis le «Wiki Lille»: le 2 février dernier, la déclinaison locale du projet stratégique pour la Douane (PSD) fuitait à l'oreille des personnels sur l'interrégion de Lille, qui prévoit la suppression de 120 emplois sur 5 ans avec fermeture de plusieurs bureaux et brigades, des baisses d'effectifs et des fermetures. Or, sur le terrain, les conditions de travail se sont déjà dégradées et certaines mission ont, de fait, été mises à mal : c'est le cas de «l'auto-liquidation de la TVA, qui au lieu de faire l'objet d'un versement aux douanes, se réduit désormais à un jeu d'écriture comptable directement réglée au fisc, explique le douanier. Or, on sait ce que ça donne : la TVA intracommunautaire instaurée en 1993 avait entraîné un système de fraude évalué à plus de 100 milliards d'euros».

Dans le même genre, les contrôles systématiques dans les ports et sur les axes autoroutiers ont fait place à des contrôles aléatoires sous prétexte que les autres ports européens seraient plus attractifs car moins contraignants et que, de toute façon, les échanges de données vont devenir automatiques. «Mais, c'est trop complexe et ça va beaucoup trop vite pour qu'on arrive à suivre», soupire le douanier.

L'IDÉOLOGIE LIBÉRALE PRIME

Ces mesures interrogent au regard des proclamations du gouvernement qui, dans un contexte d'austérité aigue, prétend remplir les caisses de l'État. «En matière de lutte contre la fraude financière et fiscale, 356,9 millions de droits et taxes ont été redressés par la douane (soit 10,5% de plus qu'en 2013) et 33,7 millions d'euros ont été saisis ou identifiés», se réjouissait le secrétaire d'État chargé du budget dans la présentation des résultats 2014.

«Un douanier rapporte pourtant sept fois plus que ce qu'il coûte à la collectivité», précise Manuela Dona, secrétaire générale du SNAD CGT. Dès lors, comment ne pas s'interroger de l'affaiblissement progressif de ce service public si rentable ? «C'est idéologique», résume la syndicaliste. Malgré des Etats généraux de la douane de 2013, qui avaient mis un coup d'arrêt aux processus de restructuration programmé par le PSD, «la direction générale et Bercy persistent dans leur stratégie d'abandon et de renoncement à des missions de contrôle de la douane, dans tous les domaines», constate l'intersyndicale, qui, elle, lutte pour «conserver et renforcer un service public douanier d'utilité économique, sociale et environnementale».

 

A lire aussi : notre dossier sur l’évasion fiscale dans le dernier numéro de la NVO (n° 3537 de mars 2015).