À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT

Ecocert, certifié 100% précarité

30 avril 2015 | Mise à jour le 9 mars 2017
Par | Photo(s) : DR
Ecocert, certifié 100% précarité

C’est une première chez Ecocert, le leader mondial de la certification biologique! En grève pendant six jours, les salariés ont obtenu notamment la reconnaissance de leur ancienneté et une augmentation de salaires. Retour sur un combat gagnant.

Une moyenne d'âge de 30 ans, jeunes ingénieurs diplômés en agroalimentaire, dont c'est souvent le premier boulot et «persuadés de travailler pour le bien-être de l'homme et de la planète», tel est le profil sociologique des salariés d'Ecocert. Des données qui semblent dresser le portrait de Thomas Vacheron, 34 ans, le délégué syndical CGT qui a mené – avec son homologue de la CFDT – la grève victorieuse à Ecocert qui s'est achevée le 15 avril.

Ecocert, c'est ce certificateur biologique qui contrôle la production alimentaire et décerne, ou non, le fameux label. Entreprise française et leader mondial du marché de la certification, le groupe emploie quelque 180 salariés. Le siège social, situé à L'Isle-Jourdain dans le Gers, à une trentaine de kilomètres de Toulouse, regroupe les services administratifs et les certificateurs, soit 70 personnes.
Le reste de l'effectif se compose d'auditeurs répartis dans toute la France, dont les missions de terrain consistent à aller chez le client – qu'il s’agisse d'une ferme ou d'une multinationale comme Nestlé –, à demander des données juridiques, comptables, administratives, etc., puis à établir un rapport qui sera vérifié au siège d'Ecocert.

DIPLÔMES ET COMPÉTENCES NIÉS

«Ces métiers demandent des compétences en agroalimentaire et en agriculture biologique. Et les conditions de travail ne suivent pas du tout», explique Thomas Vacheron. Pour les auditeurs, cela représente des kilomètres à avaler, des rendez-vous à organiser, des nuits d'hôtel, du travail en permanence, le soir, le week-end, et tout ça pour un salaire de 1 600 euros net environ. Chez Ecocert, bio ne rime pas avec droits sociaux.

«Lors de la préparation des NAO [négociations annuelles obligatoires], nous avions comme ambition d'obtenir la reconnaissance de l'expérience et de l'ancienneté, le rattrapage des salaires particulièrement bas par une augmentation de 120 euros brut pour tous, fixe et égalitaire», explique le délégué syndical CGT. La direction balaie les revendications avec mépris et, au bout de plusieurs réunions, consent à lâcher 1 % d'augmentation, soit 18 euros brut par mois environ pour de nombreux salariés. «Notre direction est issue de multinationales et est aussi proche des valeurs de la bio que Macron des salariés», s'amuse Thomas Vacheron qui a le sens de la formule.

L'AB…C DE LA GRÈVE

Devant le refus de la direction, le jeune militant va s'employer à construire une stratégie gagnante pour faire plier les «capitalistes verts».
– S'essayer au compromis, en acceptant de revoir à la baisse les prétentions salariales de 120 à 60 euros brut par mois. Nouveau refus patronal. «À chaque fois, bien sûr, on rendait compte aux salariés des négociations. Qui est raisonnable, le syndicat qui propose ou la direction qui s'entête? Les salariés ne sont pas bêtes, et tout le monde constatait d'où venait le blocage. »
– Créer du lien entre les salariés du siège et ceux des régions qui ne se connaissent pas. «On a organisé des repas pour 70 personnes, fait héberger les uns chez les autres. Si, parfois, un copain de Toulouse avait envie de baisser les bras, cette solidarité était plus forte. Pour l'autre, pour le copain qui avait fait 800 kilomètres pour faire grève, on ne pouvait plus reculer. Et le sentiment était le même chez celui qui était hébergé. Il aurait pu rentrer chez lui, mais il voyait les efforts faits pour l'accueillir et tenait aussi le coup. »
– Avoir des ruses de Sioux pour faire monter la pression. «On était aussi constamment espionné par la direction, aussi quand il fallait discuter de points délicats entre nous, quand certains commençaient à douter au bout de quatre ou cinq jours de grève, j'organisais les AG différemment. En parlant doucement, en demandant à tous de se rapprocher, en levant la main pas plus haut que l'épaule. Une fois d'accord, on s'écartait et je lançais à la cantonade. “Alors, on est d'accord pour reconduire la grève?” Et là, toutes les mains se levaient bien haut et des “Oui” retentissants se faisaient entendre jusqu'au bureau des patrons!»
– Mobiliser les élus, la presse locale et nationale pour populariser la grève.
– Obtenir un max de «like» sur le Facebook du mouvement. «Ça a été l'élément le plus populaire de la grève, reconnaît Thomas Vacheron. En quelques jours, on avait mille amis. Il n'y a pas à dire, les réseaux sociaux chez les jeunes, ça fonctionne. Facebook c'est un outil supplémentaire pour la grève du 21e siècle.»

Finalement, au bout de neuf longues journées de grève, la direction a cédé et un protocole d'accord a été signé, actant la reconnaissance de l'ancienneté, une augmentation de salaire de 55 euros brut par mois pour tous, une augmentation de la prime d'intéressement de 173 euros brut par an, une augmentation du budget social du CE de 45 euros par salarié et par an.