L’avenir de la centrale de Cordemais de nouveau en suspens
Cordemais, l’une des deux dernières centrales à charbon en France, veut carburer au vert. Le 17 avril, près de 500 élus et militants sont venus défendre le projet... Lire la suite
C'est par des indiscrétions qu'est parvenue aux oreilles des syndicats l'information d'une lettre du gouvernement français à la Commission européenne portant sur un projet de privatisation de lots de barrages hydroélectriques. L'exploitation de tels barrages nécessite en effet des concessions qui, jusqu'à ce jour, n'étaient détenues que par les trois opérateurs historiques : EDF (à 83 % public), CNR (à 51 % public) et la SHEM (à 30 % public). Or, l'État français vient d'établir une liste de sites ouverts à la concurrence. Pourtant, fin 2017, il n'en a pas été question lors d'une rencontre entre les syndicats, dont la FNME‑CGT, et les représentants du gouvernement. L'enjeu ? Faire connaître la revendication de « la constitutionnalisation des usages de l'eau ». Une expression compliquée pour un principe simple : l'eau doit être reconnue comme un bien commun de première nécessité, comme l'a fait l'Allemagne. Les Allemands, en reconnaissant à l'eau ce caractère de bien commun, ont pu s'exonérer des injonctions de libéralisation de Bruxelles et confier en toute sérénité la gestion des barrages aux régions (Länder).
« La France est le premier pays européen à ouvrir ses barrages à la concurrence. Tous les autres ont trouvé des subterfuges pour ne pas privatiser », constate Dominique Pani, délégué CGT des métiers de l'hydraulique. « La constitutionnalisation du droit de l'usage de l'eau avait donné lieu à des négociations avec le précédent gouvernement, mais le gouvernement Philippe semble vouloir tout arrêter », s'inquiète encore Dominique Pani.
L'intersyndicale CGT-CFDT-CFE/CGC et FO a sollicité une rencontre à Matignon, qui s'est tenue le 7 février 2018. « Nous avons été reçus par un conseiller d'Édouard Philippe qui a confirmé la réponse de l'État français à Bruxelles pour des lots ouverts à la concurrence. Ce dernier a toutefois indiqué qu'il y aurait des pourcentages limitant l'attribution de lots pour un même opérateur », rapporte Laurent Hérédia, de la CGT énergie. La CGT dénonce à la fois « la méthode Macron », qui consiste à afficher un dialogue tout en prenant les décisions antidémocratiques dans l'opacité des ministères, et les conséquences prévisibles de ces choix libéraux.
« Comment peut-on décider de démultiplier le nombre de propriétaires des concessions hydrauliques, désorganisant ainsi le système hydroélectrique et ouvrant la boîte de Pandore aux entreprises énergétiques étrangères n'ayant que faire des besoins énergétiques de la nation française ? », interroge la fédération CGT énergie.
À l'image de ce qu'il s'est produit à la SNCF, le morcellement en différentes entités indépendantes aura forcément des conséquences néfastes en termes d'organisation du travail et de la production. Les incohérences de pilotage pourraient conduire à des coupures généralisées involontaires, mais pas seulement… « L'eau est multiusage, sa régulation permet d'irriguer, d'alimenter les nappes phréatiques et a un impact sur l'activité des bases de loisirs », explique Dominique Pani. « L'hiver, pour alimenter les canons à neige dans les stations de ski, ou l'été, pour permettre aux touristes de descendre la rivière en kayak, EDF régulait gratuitement le débit. Avec des opérateurs privés, on risque fort de voir ces services facturés », ajoute Laurent Hérédia.
Actuellement, les barrages permettent surtout que la production d'électricité soit régulée en fonction des besoins. Mais des entreprises privées peuvent très bien décider de retenir l'eau pour faire monter les prix. La logique du profit se substituant à celle du service public, les nouveaux opérateurs privés auront aussi tendance à rogner sur l'investissement et sur l'entretien du matériel ou à faire encore plus appel à des sous-traitants. Quant à l'usager, il ne pourra que constater l'alourdissement de sa facture.
Pour l'heure, et même si les détails du projet gouvernemental ne sont pas connus, les salariés de la filière hydroélectrique sont très attentifs à cette question. L'appel à l'action sur les salaires et les activités sociales du 8 février a mobilisé entre 25 % et 30 % de ce personnel.
Le 12 février, une réunion s’est tenue entre les syndicats des professions de l’hydraulique des fédérations FO, CGT, CFDT et CFE-CGC. L’intersyndicale a décidé d’interpeller les parlementaires et appelle à une action sur l’ensemble du territoire le 13 mars « contre le bradage organisé des concessions hydrauliques ».
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Un projet de reconversion exemplaire né d'un combat salvateur Lire la suite