Face au coup de force
Il n'aura répondu à plusieurs semaines d'une mobilisation sociale unie, déterminée et créative que par la répression policière. Il aura fourni une étude d'impact reposant sur des hypothèses qui établissent des cas types ne correspondant pas aux dispositions prévues par le projet de loi. Il aura annoncé 29 ordonnances sur des points essentiels de la loi exclus d'entrée de jeu du débat parlementaire. Il aura fait fi des conclusions du Conseil d'État.
Décidément, l'acharnement de l'équipe macronienne pour démanteler les droits et protections sociales des travailleurs et des citoyens s'accommode mal de la démocratie, que le locataire de l'Élysée voudrait résumer à la seule élection présidentielle, en dépit de la fragilité de son résultat et au détriment à la fois de tout dialogue social et du rôle des parlementaires. La surenchère libérale appelle l'escalade répressive et l'option autoritaire.
La bataille pour le retrait du texte et pour préserver et améliorer notre système de retraites solidaire par répartition est loin cependant d'être terminée.
Après le coup de force du gouvernement, les réactions syndicales ne se sont pas fait attendre. Philippe Martinez, pour la CGT, a dénoncé « l’attitude profondément scandaleuse » du gouvernement, soulignant qu'elle appelle « une réaction à la hauteur » et proposant la réunion dès ce lundi d'une intersyndicale avec les organisations en lutte depuis le 5 décembre contre le projet d'Emmanuel Macron, pour discuter d’une nouvelle mobilisation au plus tôt.
Yves Veyrier, pour FO, a condamné pour sa part l'« attitude incompréhensible et inacceptable » du gouvernement et annoncé que sa détermination « ne faiblira pas« . Benoit Teste, secrétaire général de la FSU, ne dit pas autre chose : « Face au déni de démocratie, une seule réponse : amplifier la mobilisation ». Solidaires dénonce également « un véritable déni de démocratie (…) C’est une nouvelle preuve, si celle-ci était nécessaire, que ce projet de régression sociale reste minoritaire et que ce gouvernement est prêt à toutes les manœuvres pour l'imposer. ». « Voici venir le temps de la violence institutionnelle avec le 49-3 », commente de son côté François Hommeril, président de la CFE-CGC.
Dès samedi, de nouvelles mobilisations organisées via les réseaux sociaux ont eu lieu dans de nombreuses villes et devant l'Assemblée nationale pour protester contre le coup de force gouvernemental. Dès avant la décision d'Édouard Philippe et alors que certains élus de sa majorité réclamaient le 49.3 pour couper court au débat, un sondage BVA (en date du 20 février) révélait que 72% des personnes interrogées désapprouvaient l'éventuel recours à cet article pour adopter la réforme des retraites.
L'exécutif espérait en finir avant des municipales qui s'annoncent pour lui comme un désaveu -et pour lesquelles sa politique antisociale et autoritaire nourrit les espoirs de l'extrême droite. C'était sans compter sur la détermination intacte des salariés et des citoyens.
Du côté politique, deux motions de censure ont été déposées, l'une par la droite et l'autre par la gauche, au Parlement. Le Sénat doit à son tour examiner le texte. Et il reste le débat sur la loi organique. Autant dire qu'il reste encore, pour les organisations syndicales et le mouvement social, du grain à moudre.