À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
SALAIRE

Emploi et salaires : le bras de fer de l’automne

26 octobre 2021 | Mise à jour le 26 octobre 2021
Par | Photo(s) : Hamilton / REA
Emploi et salaires : le bras de fer de l’automne

Face à la pénurie de salariés dans plusieurs secteurs, gouvernement et patronat ont admis cet été qu'une augmentation des rémunérations était nécessaire. Il n'en fallait pas plus pour relancer le débat sur les salaires qui sont au cœur des mobilisations sociales de septembre et octobre.

Il y aura « forcément des augmentations assez significatives l'année prochaine », a assuré cet été Geoffroy Roux de Bézieux répondant au ministre de l'Économie, pour qui « le travail doit payer » afin d'améliorer l'attractivité des métiers en tension. Pris au jeu de cette joute verbale à fleurets mouchetés, le patron des patrons a renvoyé Le Maire à ses responsabilités : « Quand l'État, les collectivités locales ou les hôpitaux font des appels d'offres pour du gardiennage, pour de la sécurité, avec des prix tirés vers le bas, il n'y a pas de marge de manœuvre pour augmenter les salaires. »

Et la ministre du Travail en a rajouté une louche en expliquant que des minima en dessous du Smic sont « un très mauvais signal » en termes d'attractivité, à l'heure de tensions sur le recrutement. Avant d'appeler, le 19 septembre, toutes les branches concernées à les « revaloriser ». Mais le gouvernement reste sourd depuis des années à tout coup de pouce significatif au Smic. À la faveur des indicateurs de reprise et des difficultés de recrutement, patronat et gouvernement ont ainsi entonné cet été un chorus à deux voix qui n'a pas forcément les accents de la nouveauté.

Moins de 100 000 emplois non pourvus

La complainte sur les difficultés de recrutement et les secteurs en tension n'est pas une nouveauté. C'est même « une lubie patronale », selon le pôle économique confédéral de la CGT, qui invite « à relativiser » les chiffres officiels du ministère du Travail. Ainsi, au premier trimestre 2021, on dénombrait 215 000 emplois vacants dans les entreprises de 10 salariés ou plus, soit un taux d'emplois vacants de 1,48 %. Et selon les mêmes sources, « 22 % de ces emplois sont encore occupés et sur le point de se libérer, et 30 % viennent tout juste d'être créés. Il est donc normal que le recrutement prenne un peu de temps. Il n'y a donc en réalité que 46 % de ces emplois vacants qui sont des emplois déjà existants et inoccupés, soit moins de 100 000 », calcule le pôle économique de la CGT, pour qui « les emplois vacants sont une goutte d'eau par rapport à l'ampleur du chômage que nous connaissons ».

Revendications salariales : un levier pour mobiliser maintenant

Culpabiliser les chômeurs

« Ce discours sur les difficultés de recrutement sert à dédouaner le patronat de ses responsabilités en culpabilisant les privés d'emploi, tempête Pierre Garnodier, le secrétaire général du Comité national des privés d'emploi et précaires de la CGT. À les entendre, les chômeurs n'auraient qu'à traverser la rue pour trouver du boulot. Et ça sert de justification à Jean Castex pour mettre en œuvre, au 1er octobre, la “réforme” de l'assurance-chômage et le nouveau calcul du salaire journalier de référence (SJR). »

Rechercher les causes

Cela dit, les difficultés de recrutement existent et dans certains secteurs, la crise sanitaire et les confinements ont dégarni les effectifs, provoqué le repli de nombreux travailleuses et travailleurs sur des emplois moins soumis aux aléas, moins précaires, mieux – ou moins mal – rémunérés. Les données officielles montrent trois catégories de métiers en tension. D'abord, ceux qui requièrent des qualifications bien particulières où l'on manque de personnels formés. Ensuite, dans les dix métiers les plus en tension, on retrouve des professions aux formations longues encadrées par un numerus clausus, comme les médecins et les vétérinaires, dont la pyramide des âges est très défavorable avec de très nombreux départs à la retraite.

Salaires et conditions de travail nuisent à l'attractivité

Viennent enfin dans ce classement les métiers de l'aide à la personne qui ont connu le 23 septembre une grève, à l'appel notamment de la CGT, pour une meilleure reconnaissance salariale et pour améliorer les conditions de travail. Dans ces métiers du « prendre soin » touchés eux aussi par des départs à la retraite massifs, les difficultés de recrutement sont aggravées par des besoins en augmentation constante du fait du vieillissement de la population.

Il s'agit de métiers très féminisés, aux conditions d'emploi et de travail très difficiles, avec des salaires flirtant avec Smic, soumis au temps partiel, marqués par des journées discontinues entrecoupées de déplacement mal ou pas pris en charge par les employeurs. Et l'on retrouve les mêmes phénomènes désincitatifs dans les métiers des hôtels, cafés et restaurants qui ont pourtant été « massivement aidés pendant la crise », rappelle la CGT du commerce et des services.

Les salaires pour sortir de la crise

L'augmentation des salaires, en particulier du Smic (la CGT veut le porter à 2 000 euros) et des minima de branches, l'effectivité de l'égalité femmes-hommes, la reconnaissance des qualifications et des responsabilités, l'amélioration des conditions de travail sont des enjeux d'attractivité qui concernent tout autant la fonction publique que le secteur marchand. Ils sont aussi des leviers pour une reprise économique vertueuse.

Mais s'ils semblent se chamailler gentiment sur les rémunérations du travail, patronat et gouvernement s'accordent, comme le propose Bruno Le Maire, pour préférer les éléments variables et conditionnels – voire non soumis à retenues fiscales et sociales – que sont les primes, l'intéressement, la participation, l'actionnariat salarié. Mais aussi pour réduire ou supprimer les cotisations sociales afin d'augmenter le salaire net. Mais comme le souligne le responsable du collectif CGT sur les salaires, « ces exonérations créent des trappes à bas salaires. Elles ont un rôle désincitatif, car elles encouragent les entreprises à ne pas augmenter les salaires afin de toujours bénéficier des exonérations qui sont massives aux alentours du Smic. »

Suivez la NVO sur FacebookTwitterInstagram