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Afghanistan

Entretien avec Imamudin Hamdard, syndicaliste afghan : « Le gouvernement français a la mémoire courte »

4 août 2021 | Mise à jour le 25 août 2021
Par | Photo(s) : Bapoushoo
Entretien avec Imamudin Hamdard, syndicaliste afghan : « Le gouvernement français a la mémoire courte »

Imamudin Hamdard, responsable des relations internationales du syndicat afghan NUAWE. avait été reçu au siège de la CGT àMontreuil en août 2017.

Chargé des relations internationales pour le principal syndicat afghan (NUAWE), Imamudin Hamdard et sa famille ont depuis plus d'un demi-siècle toujours été aux côtés des institutions françaises en Afghanistan. Avec le départ des troupes américaines du pays et l'offensive menée par les talibans, sa vie et celles de sa famille sont désormais plus que menacées. Demandeur d'asile, il se sent aujourd'hui abandonné par la France.
Vous et votre famille demandez l'asile politique, pourquoi ?

Les talibans sont en train de revenir à Kaboul or il est de notoriété publique que ma famille et moi travaillons depuis longtemps pour l'ambassade de France et des organisations françaises. Mon père y a ainsi travaillé pendant 48 ans ; en 1992, l'un de mes frères est décédé dans l'exercice de ses fonctions à cette ambassade, sa voiture ayant été pulvérisée par une roquette ; un autre est parti en 2020 du Covid-19 après 18 ans de services.

Quant à moi, j'ai œuvré pour le Centre culturel français pendant 7 ans. De quoi nous assurer une accusation de « traîtres » avec la menace de mort que cela veut dire. D'autant que, pour ma part, je suis également un membre actif du Syndicat national des travailleurs et employés d'Afghanistan, pour lequel je suis principalement en charge des relations internationales.

Syndicalisme aujourd'hui très menacé lui aussi en Afghanistan ?

Les talibans n'ont jamais cru aux valeurs démocratiques, comme nous l'a montré leur passage au pouvoir entre 1996 et 2001. Dès qu'ils sont arrivés à Kaboul, ils ont confisqué les biens des syndicats et interdit leurs activités, les accusant d'enfreindre les lois islamiques. Dans les régions aujourd'hui contrôlées par les talibans, les syndicats ne peuvent à nouveau plus rien faire.

Soit on baisse la tête, soit on essaye de continuer son travail syndical et, dans ce cas, on peut rapidement devenir une cible. Notamment si l'on travaille dans des organisations impliquées dans les droits humains, les questions féminines voire des institutions éducatives. Il y a 2 jours, des talibans ont abattu un agent de la circulation juste par qu'il portait un uniforme. La situation est donc de plus en plus tendue.

Comment vivre dans ces conditions ?

Honnêtement, c'est très difficile. Tout peut arriver. N'importe quand, à chaque seconde. Mais nous n'avons pas vraiment le choix. J'ai dû déménager pour me rapprocher du centre-ville à cause des crimes, des bombes, des attaques lorsque nous étions en banlieue de Kaboul. Auparavant, nous avions tous notre chez-soi, mes parents, la famille de mon frère, la mienne, maintenant nous partageons désormais tous le même toit. Ce qui nous permet de nous soutenir moralement, mais peut aussi entrainer notre mort à tous. Car même dans le centre-ville, la sécurité n'est plus garantie. Hier soir, une explosion a ainsi fait voler toutes les vitres du local où je travaillais avec des réfugiés et, après 6 heures du soir, il est vivement conseillé de ne plus se promener seul à Kaboul, même pour aller faire ses courses.

D'autant plus difficile de vivre que, avec les offensives talibanes, le nombre de réfugiés a aussi dû augmenter ?

Les récents combats dans les provinces du nord et de l'ouest du pays ont conduit de nombreuses familles à venir chercher refuge à Kaboul. Cette ville faite pour 4 à 5 millions de personnes et qui en accueillait déjà 7, en abrite aujourd'hui 9 millions. Alors que, parallèlement, nous devons aussi face à l'épidémie liée à la Covid-19 et que nous sommes censés respecter des distanciations physiques. Autre conséquence de cette insécurité et de cette arrivée massive de réfugiés : l'augmentation des prix.

La plupart des grands axes étant désormais sous contrôle des talibans, ceux-ci ne laissent plus rien circuler entre les frontières ou vers la capitale et les négociants doivent ruser pour trouver des voies de passage et approvisionner la capitale. Et les prix ont doublé.

Votre demande d'asile politique n'a toujours pas reçu de réponse positive de la part de la France, comment vivez-vous ce manque de reconnaissance ?

Lorsque la France a initié un mécanisme de rapatriement des personnels afghans en juillet dernier, je pensais que, compte tenu de nos services pour ce pays, et pas seulement les miens, mais ceux de toute notre famille, nous serions éligibles à ce programme. Et maintenant, alors que les talibans arrivent et qu'il y a désormais un gros risque pour nos vies, on nous abandonne. J'ai contacté l'ambassadeur, écrit au ministre des Affaires étrangères, en vain. Je ne comprends pas. C'est une simple question d'humanité. Si en Europe, vous « vivez », nous, ici, on essaye juste d'« être vivants ».

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