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violences policières

Face aux violences policières, la liberté de manifester de plus en plus confisquée : entretien avec Céline Verzeletti

5 février 2020 | Mise à jour le 26 février 2020
Par | Photo(s) : Pierrick Villette
Face aux violences policières, la liberté de manifester de plus en plus confisquée : entretien avec Céline Verzeletti

Céline Verzeletti, référente CGT pour les questions de droits et de libertés, évoque la dérive répressive des pouvoirs publics face aux manifestations sociales qui restreint la liberté de manifester sans apporter de réponses en termes de sécurité publique.

Quelle appréciation la CGT porte-t-elle sur l'évolution de la stratégie du maintien de l'ordre à l'œuvre lors des manifestations sociales de ces dernières années ?

Céline Verzeletti : Il y a incontestablement un changement important et une dérive répressive depuis la loi travail et l'état d'urgence. Régulièrement, au moment de la loi travail, on a vu des manifestants soumis à des fouilles, des palpations, des ouvertures de sacs, avant de pénétrer dans des périmètres de manifestation fermés. On voit aussi des forces de l'ordre disposées de plus en plus près au contact des manifestants alors que, jusqu'à présent, ces contacts étaient évités. On voit même désormais la police pénétrer dans les cortèges pour procéder à des arrestations. Et c'est là que se produisent des dérapages assez importants parce que ça se fait de manière violente au milieu de la foule. On déplore aussi un usage massif des gaz et des grenades de désencerclement, des lanceurs de balles de défense et des canons à eau. Et puis, on voit de plus en plus souvent des centaines de manifestants « nassés » durant des heures sur de larges périmètres, soumis aux gaz lacrymogènes.

Mais tout cela est justifié, nous dit-on, par la présence de « casseurs »…

Le gouvernement a besoin de cet alibi. Mais les « black blocs », par exemple, ça ne date pas d'aujourd'hui. La nouveauté, c'est que la doctrine du maintien de l'ordre et la loi anti-casseurs portent atteinte au droit de manifester et ont de plus en plus un effet dissuasif sur les manifestants, sans que les violences ne cessent. On est dans un paradoxe où l'on nous dit que c'est pour assurer notre sécurité et garantir notre droit de manifester mais, de plus en plus, les gens renoncent à venir en famille parce que ça devient dangereux, et les manifestants doivent faire des kilomètres pour pouvoir accéder enfin aux périmètres autorisés. Les arrestations, les gardes à vue sont de plus en plus nombreuses et concernent des militants qui n'ont rien à voir avec ces violences.

Vous constatez un durcissement des pouvoirs publics à l'égard des syndicats organisateurs des manifestations ?

Les échanges avec les préfectures, les négociations de parcours se sont tendus. Il est fréquent désormais qu'on nous impose des modifications aux parcours que nous proposons. À Paris récemment, on nous a imposé, par exemple, de traverser la Seine pour aller à Bastille alors qu'on sait que c'est dangereux de faire passer les cortèges sur des ponts, ou bien on nous a fait passer par des rues en travaux avec le risque d'y trouver des projectiles. Et puis, ces dernières années, les pouvoirs publics ont tenté de faire porter aux organisations syndicales la responsabilité de dégager et de neutraliser les casseurs. Évidemment, nous avons refusé d'entrer dans ce jeu, alors on nous a publiquement accusés de cautionner ces exactions, voire d'en être les complices. Tout ça pour justifier qu'on s'en prenne aux militants qui assurent le service d'ordre, aux dirigeants syndicaux aussi, comme on l'a encore vu récemment avec nos camarades secrétaires d'unions départementales arrêtés, gardés à vue. Tout ça aussi pour que le ministère de l'Intérieur et les préfectures se défaussent de leur échec à assurer le bon déroulement des manifestations.

La chronologie des violences policières La NVO a recensé les principales violences policières contre le mouvement social depuis 1968.

Face à cette dérive répressive, comment la CGT réagit-elle ?

D'abord, en prenant nos responsabilités d'organisateurs, mais avec de plus en plus de difficulté pour mobiliser des camarades en nombre pour le service d'ordre, surtout quand les manifestations se multiplient et se déroulent dans ces conditions. Nous sommes aussi intervenus au niveau confédéral, à plusieurs reprises, en écrivant au ministre de l'Intérieur pour protester contre cette répression qu'on ne devrait pas subir parce que nous sommes là pour manifester dans un cadre tout à fait légal et de manière pacifique. Nous avons également demandé vainement une enquête parlementaire sur ce sujet du maintien de l'ordre. Nous n'avons jamais eu de réponse favorable, sauf de la part du Défenseur des droits qui a fait un très bon rapport sur ce sujet. Et nous avons aussi voulu que les militants­ ne soient plus seuls confrontés à ces dérives. Nous venons récemment d'édi­ter, ou de rééditer, deux guides CGT, Le militant face à la police et Le militant­ face à la justice, coréalisés avec le Syndicat des avocats de France ou le Syndicat­ de la Magistrature. Enfin, nous avons mis en place une cellule de veille permanente à la coordination confédérale qui doit nous permettre d'organiser collectivement une réponse quand nos militants sont arrêtés ou inquiétés par la justice. Car, quand on touche à un militant de la CGT, on touche toute la CGT.