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violences policières

Mobilisations d’ampleur contre les violences racistes

5 juin 2020 | Mise à jour le 7 juin 2020
Par | Photo(s) : Philippe Labrosse / AFP
Mobilisations d’ampleur contre les violences racistes

Dans le contexte des manifestations qui ont suivi le meurtre raciste par un policier de George Floyd aux États-Unis, l'appel en France du comité « Vérité et Justice pour Adama » a rassemblé des dizaines de milliers de citoyens.

« La police tue », « Stop Racism », « #BlackLivesMatter », « Les vies noires comptent »… Ce 2 juin 2020, à l'appel du comité « Vérité et Justice pour Adama », plusieurs dizaines de milliers de personnes, des jeunes notamment, ont décidé dans plusieurs villes de France de manifester pour dire non au racisme, non aux violences policières, et réclamer vérité et justice pour Adama Traoré, ce jeune homme de 24 ans mort le 19 juillet 2016 à la gendarmerie de Persan (Val-d'Oise), après son interpellation à Beaumont-sur-Oise. Ils et elles étaient plus de 20 000 à Paris (20 000 selon la police, 40 000 selon les organisateurs), devant le palais de justice, en dépit de l'interdiction du préfet Lallement intervenue peu avant, le jour même.

Après le meurtre de George Floyd

Dans un contexte marqué par le meurtre, le 25 mai dernier, à Minneapolis, aux États-Unis, de George Floyd, un citoyen américain, afro-américain, assassiné par un policier blanc, ces manifestations massives contre les violences policières et singulièrement les violences racistes ont pris en France une dimension particulière.

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Le 25 mai, durant un peu plus de huit minutes, le policier Derek Chauvin a asphyxié un autre homme, noir, en lui plaquant, à terre, le genou sur le cou. Un plaquage ventral. Un peu plus de huit minutes pendant lesquelles George Floyd n'a cessé de dire qu'il ne pouvait respirer. Jusqu'à en mourir. Partout dans le monde, cet assassinat, filmé, a suscité la nausée, la rage, la colère et une exigence portée dans de nombreuses manifestations : la vérité, la justice, la fin de l'impunité policière, cette impunité qui agit comme un encouragement pour tous ces policiers qui aux États-Unis se croient autorisés à tuer leurs concitoyens s'ils sont noirs.

En France, en fin d'après-midi, ce même 2 juin, Assa Traoré, la sœur d'Adama et porte-parole du collectif, a reçu la visite des forces de l'orbe à son domicile. Ce soir-là, elle est présente à la manifestation devant le palais de justice. Elle annonce le résultat de la contre-expertise médicale sur les raisons du décès de son frère, demandée par la famille le 24 mars dernier : celle-ci mentionne, contrairement aux conclusions officielles de l'enquête, une mort par asphyxie liée au plaquage ventral qu'il a subi. Et Assa Traoré réclame, une nouvelle fois, une vraie enquête, la vérité sur la mort de son frère, et la justice.

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En France : nombreuses enquêtes inabouties

Parmi les intervenants ce 2 juin se succèdent des représentants des familles d'autres jeunes décédés lors d'interpellations musclées. Ceux des familles d'Ibrahima Bah, 22 ans, mort le 6 octobre 2019 à Villiers-le-Bel (Val-d'Oise) lors d'une intervention de police, de Gaye Camara, 26 ans, mort le 17 janvier 2018 à Épinay-sur-Seine d'une balle policière dans la tête, de Lamine Dieng, mort le 17 juin 2007 à Paris dans un fourgon au cours de son interpellation, suite à un plaquage ventral, ou des amis du jeune Sabri, décédé officiellement d'un accident de moto à Argenteuil dans la nuit du 16 au 17 mai dernier alors qu'il croisait un véhicule de police.

Cédric Chouviat lui aussi est décédé deux jours après son interpellation violente à Paris le 3 janvier 2020. Le petit Gabriel Djordjevic, 14 ans, lui, était et est toujours à l'hôpital à l'heure où ces lignes sont écrites. Interpelé à Bondy (Seine-Saint-Denis) dans la nuit du 25 au 26 mai, défiguré, le collégien a écopé de 30 jours d'ITT et devra subir plusieurs opérations.

« Qu'elles soient d'ici ou d'ailleurs, violences policières, même combat », écrit sur Instagram un autre Bondinois, Kylian Mbappé, tandis que nombre d'artistes ont tenu à apporter leur soutien à la manifestation.

Mettre fin à l'impunité

L'urgence est donc de prendre toute la mesure de ces violences allant trop souvent jusqu'à la mort de personnes « interpelées », de permettre à la vérité d'être établie et à la justice d'être rendue. Cela passe en premier lieu par la fin de l'impunité policière. Car l'impunité, l'absence de reconnaissance de faits, l'absence de sanction, ne peuvent agir que comme des encouragements à continuer.

« On ne demande pas d'accuser toute la police », souligne Assa Traoré. En revanche, les policiers républicains ne doivent plus se taire.

Aux États-Unis, où Donald Trump a envoyé l'armée réprimer les manifestations qui se multiplient, des membres des forces de l'ordre ont mis un genou à terre en levant le poing en solidarité avec les victimes des violences racistes.

En France, au-delà de dénégations au plus au sommet de l'État tant sur les violences policières en général que sur les violences racistes en particulier, Éric Ciotti et plusieurs de ses collègues ont déposé le 26 mai une proposition de loi visant à rendre illégale « la diffusion, par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support, de l'image des fonctionnaires de la police nationale, des militaires, de policiers municipaux ou d'agents des douanes », sous peine d'une amende de 15 000 euros et d'un an de prison.

Alors que la diffusion de la vidéo sur le meurtre de George Floyd a montré la portée des images dans des affaires de violence policière où l'accès aux preuves s'avère souvent difficile, une telle loi, contraire à la liberté d'informer, permettrait la perpétuation de violences en huis clos total. Ainsi, le 27 avril, le préfet de police Didier Lallement a dû demander au directeur général de la police nationale (DGPN) de suspendre deux policiers, suite à la diffusion d'une vidéo mettant en cause des propos racistes : « un bicot ça ne nage pas ».

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Le racisme : inacceptable

Sur le fond, il s'agit plus fondamentalement de mettre un terme aux violences policières, et d'éradiquer le racisme, ses manifestations, la violence qui en émane, notamment quand elle provient des forces de l'ordre.

Si une grande part de la population a découvert l'ampleur et le degré des violences policières à l'occasion des manifestations des gilets jaunes (avec des citoyens éborgnés, d'autres aux mâchoires brisées ou aux mains arrachées…) ou de manifestations syndicales, voilà beau temps que les habitants des quartiers populaires, les jeunes issus de l'immigration en particulier, font état des discriminations, humiliations, contrôles à répétition et violences qu'ils ont à subir, qu'il s'agisse de logement, d'emploi, ou de harcèlement policier.

Au point d'être contraints d'en avoir peur. Comme ce fut le cas de Zyed Benna et Bouna Traoré, deux adolescents de 17 et 15 ans de Clichy-sous-Bois morts électrocutés en octobre 2005 en fuyant la police et alors qu'ils n'étaient coupables de rien.

Durant toute la période du confinement que nous venons de vivre, c'est aussi dans les quartiers populaires aux logements exigus et là où les populations issues de l'immigration ont été massivement reléguées, comme en Seine-Saint-Denis qu'on eu lieu massivement les contrôles policiers, et pas toujours les plus amènes.

La CGT appelle à participer à la marche du 10 novembre contre l'islamophobie

Le comité « Vérité et Justice pour Adama » a su créer des liens militants fructueux avec ceux qui, lors des manifestations des Gilets Jaunes, ont découveert ces violences policières lesquelles, remarquent des sociologues, s'exercent contre les uns pour ce qu'ils font ou défendent, contre les autres pour ce qu'ils sont… De toute évidence, toutes les leçons de l'histoire de notre pays et en particulier de son histoire coloniale n'ont pas encore été tirées, mises en partage pour faire creuset commun.

La lutte contre le racisme et contre ces violences suppose en tout cas un engagement permanent. C'est le cas de la CGT, dont l'antiracisme et la solidarité par-delà les origines ou les croyances sont des éléments constitutifs. Elle le rappelait encore le 10 novembre dernier en prenant toute sa place dans les manifestations contre l'islamophobie. Dénonçant la banalisation des propos et des actes haineux, elle appelait alors  « à la mobilisation la plus large possible des forces de progrès, des femmes et des hommes qui les composent, dans la diversité de leurs opinions, mais dans le même partage des valeurs du « Pays des lumières » et des principes ayant concouru à l'instauration de la loi de 1905 ».

La réussite des rassemblements à Paris et dans le reste du pays ce 2 juin contre les violences policières et contre le racisme, auxquels participaient de nombreux jeunes notamment de banlieues, responsables (et soucieux des règles sanitaires) et déterminés, est en tout cas un pas important de cette lutte indispensable pour que la devise de liberté, égalité, fraternité gravée au fronton de nos mairies devienne enfin le mode de relations de notre société.

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