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UBÉRISATION

La justice reconnaît un lien de subordination entre Take Eat Easy et un coursier à vélo

29 novembre 2018 | Mise à jour le 29 novembre 2018
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La Cour de cassation a établi mercredi un lien de subordination entre la défunte société de livraison de repas Take Eat Easy et l'un de ses coursiers à vélo, une décision inédite qui pourrait entrouvrir la porte du salariat à certains livreurs travaillant pour des plateformes numériques.

Les livreurs de Take Eat Easy (TEE) étaient enregistrés comme autoentrepreneurs, une condition obligatoire pour travailler avec la plateforme belge, dont la liquidation en août 2016 a mis sur le carreau 2 500 personnes en France. Tous avaient signé avec l'application un contrat de prestation de service.

L'un des livreurs avait saisi les prud'hommes pour demander une requalification de sa relation contractuelle avec TEE en contrat de travail. « Le conseil de prud'hommes puis la cour d'appel s'étaient déclarés incompétents », rappelle la Cour de cassation dans une note explicative.

La cour d'appel de Paris avait notamment motivé sa décision par le fait que « le coursier n'était lié à la plateforme numérique par aucun lien d'exclusivité ou de non-concurrence et qu'il restait libre chaque semaine de déterminer lui-même les plages horaires au cours desquelles il souhaitait travailler ou de n'en sélectionner aucune s'il ne souhaitait pas travailler ».

La Cour de cassation, plus haute juridiction de l'ordre judiciaire, établit au contraire dans l'arrêt rendu mercredi que le système de géolocalisation permettant à l'entreprise de suivre en temps réel la position du coursier, ainsi que l'existence d'un pouvoir de sanction, ne permettent pas d'« écarter la qualification de contrat de travail ».

Elle casse donc l'arrêt rendu le 20 avril 2017 par la cour d'appel de Paris et ordonne un nouveau procès en appel.

« Négocier de vrais droits »

« Cet arrêt a le mérite de dire les choses clairement : il n'y a pas antinomie entre contrat de travail et travailleurs des plateformes », a estimé Manuela Grévy, avocate du livreur et de la CGT à la Cour de cassation, contactée par l'AFP. « L'arrêt montre qu'il faut regarder au cas pas cas », ajoute-t-elle.

« C'est une décision très importante », a réagi Gilles Joureau, avocat qui a défendu aux prud'hommes une douzaine de coursiers de Take Eat Easy, tous déboutés. Pour lui, « cet arrêt couronne un long combat pour la reconnaissance du lien de subordination ».

« C'est bien que la Cour de cassation tranche enfin ces questions », a également salué Kevin Mention, qui conseille aux prud'hommes une centaine d'anciens livreurs Take Eat Easy, « sans issue favorable » pour l'instant, et accompagne la plainte au pénal déposée contre Take Eat Easy par 119 livreurs pour travail illégal et dissimulé.

« On ne peut que se féliciter d'un tel arrêt », qui va « faire jurisprudence », poursuit Me Mention, en estimant « qu'à partir du moment où la Cour de cassation considère qu'il y a subordination, on ne peut plus faire autrement que de reconnaître l'existence d'un contrat de travail ». Take Eat Easy ayant fait faillite, « le statut de salarié est le seul permettant de récupérer des dommages et intérêts et des salaires non versés », indique-t-il.

La CGT, présente aux côtés du livreur dans ce dossier, a pour sa part évoqué dans un communiqué « une immense victoire pour tous les travailleurs uberisés, qu'ils soient livreurs à vélo, chauffeurs VTC ou tant d'autres puisqu'ils peuvent, désormais, faire reconnaître leur statut et leurs droits fondamentaux de salariés ».

Elle « demande au gouvernement et au patronat des plateformes de se réunir avec les organisations syndicales pour, enfin, négocier de vrais droits adaptés aux conditions de travail difficiles de ces salariés ».

Pour Me Grévy, avocate du coursier à vélo, « il est évident que cela va conduire les plateformes et peut-être le législateur à réfléchir à la question du statut de certains de ces travailleurs dans les plateformes » de type Deliveroo ou Uber Eats.