15 avril 2021 | Mise à jour le 15 avril 2021
Ce jeudi 15 avril 2021, trois fonderies automobiles du groupe Liberty convoquent un CSE où pourrait être annoncée une cessation de paiement. L'hécatombe ne semble pas affoler Bruno Le Maire.
Jeudi 15 avril 2021, les deux entités des fonderies du Poitou (Aluminium et fonte) d’Ingrandes (Vienne), ainsi qu'Alvance Wheels à Diors (Indre-et-Loire) qui produit les jantes aluminium, convoquent un CSE extraordinaire qui pourrait annoncer la mise en redressement judiciaire de ces trois usines, lesquelles emploient environ 300 salariés chacune.
Les trois sites sont sous le contrôle du groupe Liberty House, une société du Gupta Family Group Alliance (GFG Alliance), de Sanjeev Gupta, qui se retrouve en difficulté à la suite du dépôt de bilan début mars de la société financière Greensill, partenaire financier essentiel pour le groupe Liberty.
Effondrements en cascade
La déroute de Liberty est d'autant plus grave qu'au-delà de ces trois usines, le groupe a contribué ces dernières années au rachat d'autres sites industriels importants en France dans le secteur de l'acier, de l'aluminium et de l'automobile, et notamment par la pratique sulfureuse des LBO (Acronyme de Leveraged Buy Out, financement par l'emprunt, en ponctionnant la trésorerie des sites rachetés pour rembourser )…
Parmi les sites concernés, il y a notamment la fonderie aluminium de Dunkerque et l'ensemble Ascoval (59) / Hayange (57) dans la sidérurgie. La situation vient d'obliger Bruno Le Maire vient à annoncer un prêt de 20 millions d'euros pour Ascoval/Hayange, ceci afin de pallier à la carence actuelle de Liberty. La situation est grave au point que la Fédération CGT Métallurgie évalue à 2 500 les emplois directement menacés en France par l'aventure Liberty.
18 millions volatilisés
Ce n'est pas la première fois que l'Etat met la main à la poche pour Liberty, mais la dernière opération a laissé un goût plus qu'amer. « Nous avons eu le scandale des 18 millions d'euros de prêt garanti par l'Etat octroyés à la fonderie aluminium du Poitou. Dès que cet argent a été déboursé, il a été immédiatement transféré en Allemagne et on a perdu sa trace… » s'insurge Nail Yalcin, responsable du collectif fonderies à la FTM CGT.
Selon toutes probabilités, dès que les 18 millions sont arrivés pour Ingrandes, GFG Alliance a directement alimenté le compte de Greensill, société auprès de laquelle Liberty était endettée pour plusieurs milliards.
« Cela prouve que l'Etat français accorde des prêts sans contrôle de l'utilité de ces fonds. La CGT réclame de longue date que l'argent public donné aux entreprises soit soumis à contrôle. Malheureusement, on constate que malgré les quelque huit milliards d'euros accordés par l'Etat à Renault, et les quatre milliards pour PSA, ces deux entreprises ne privilégient pas la voie française et délocalisent » poursuit Nail.
Les fonderies en première ligne
Pour le syndicaliste, « La filière fonderie automobile française subit une restructuration globale qui est la conséquence des stratégies mises en œuvre ces vingt dernières années par les constructeurs. De longue date, les constructeurs français Renault et PSA délocalisent l'activité au profit de la rentabilité à court terme. On se retrouve ainsi avec des sous-traitants français en manque de volume parce que les directions d'achat ont préféré localiser ces activités en Roumanie, en Turquie, au Maghreb, et dernièrement beaucoup plus en Espagne pour Renault. L'essentiel des fonderies en difficulté ont Renault comme dénominateur commun. C'est le cas de la SAM Vivez (Aveyron), qui est l'une des premières fonderies dans la tourmente, de la fonderie du Poitou Ingrandes (fonte), dont la fermeture de l'entreprise était actée pour juin 2021, de MBF Aluminium ST Claude (39). Renault met donc à mal un grand nombre de sous-traitants, avec par exemple la Fonderie de Bretagne, qui est une fonderie intégrée de Renault dont le constructeur souhaite se séparer. On a aussi le cas d'une fonderie de Meurthe-et-Moselle qui appartenait par le passé à PSA, dont venons d'apprendre la liquidation judiciaire. »
Opération fonderie morte
Le 8 avril 2021, le collectif national CGT des fonderies organisait une journée dite « fonderie morte ». « Cette journée a été une réussite puisque quasiment l'ensemble des fonderies où la CGT est organisée étaient à l'arrêt ; SAM, SBFM, Fonderies du Poitou, MBF et quelques fonderies de GMD. Les salariés de MBF sont montés à Paris pour dénoncer la stratégie des Renault. On a été reçus à Bercy. Je leur ai expliqué que cette journée était un arrêt global des fonderies, et que sans les fonderies, qui sont indispensables pour beaucoup d'activités (et pas seulement l'automobile), des filières industrielles ne pourraient pas exister. » rapporte encore Nail Yalcin.
Philippe Martinez interpelle Bruno Le Maire
Lors d'une rencontre avec le ministre de l'Economie qui s'est tenue le 23 mars 2021, Philippe Martinez a demandé à Bruno Le Maire d'organiser une table ronde avec les donneurs d'ordre et les sous-traitants des fonderies automobiles. Bruno Le Maire a par la suite confirmé par voie de presse qu'elle se tiendrait.
Le discours ne satisfait cependant pas Nail Yalcin : « Force est de constater qu'à ce jour aucune date n'a été communiquée et qu'on ignore toujours sous quel format elle aura lieu. Au bout de trois semaines, et au vu de la situation d'urgence dans laquelle se trouvent des sites comme les MBF, la SAM ou les fonderies du Poitou on peut que s'interroger…. Oui, il est urgent d'organiser cette table ronde. »
La filière automobile embraye
Si réussie qu'elle fût, la journée fonderie morte, pourrait bien n'être qu'un prélude à un élargissement de l'action au sein de la filière automobile et de ses sous-traitants. D'ores et déjà, la FTM CGT annonce une journée nationale d'action de toute la filière automobile le 6 mai 2021. Des rassemblements sont prévus en de nombreux endroits sur le territoire, tout comme devant la Française de Mécanique de Douvrin (62) à l'appel de la CGT PSA. Déjà particulièrement meurtri par la fermeture de Bridgestone, le bassin d'emploi est déjà au bord de l'explosion, comme en témoigne la participation de quelque 800 personnes qui y ont défilé pour l'emploi le week-end dernier.