12 février 2023 | Mise à jour le 12 février 2023
Des mobilisations familiales. Des mobilisations en regain. Avec la quatrième journée d’action contre la réforme des retraites organisée – cette fois – un samedi, les syndicats ont réussi leur pari et maintiennent leur pression sur l’exécutif, en appelant à « mettre la France à l’arrêt », le 7 mars, si la contestation n'est pas entendue.
Bonnets, écharpes, gants, sacs à dos. Malgré un froid de canard, ils sont venus manifester en famille, ce samedi 11 février. Selon la CGT, la quatrième journée de mobilisation contre la réforme des retraites a rassemblé 500.000 personnes dans le cortège parisien, et « plus de 2,5 millions » au niveau national. Evidemment, les chiffres diffèrent côté préfecture. Mais quelle que soit la source, le nombre de manifestants au niveau national était supérieur à ceux de la journée précédente du 7 février (près de 2 millions, selon la CGT et 757.000, selon les autorités).
« Mon conjoint garde notre fille »
Jessica, 36 ans, mère au foyer porte dans ses bras Mathis, alors que son petit garçon de 7 ans, bonnet vissé sur la tête, marche à côté de sa mère.
« Pour une fois, c'est moi qui suis venue ; c'est bien les manifestations le samedi, explique-t-elle. J'ai pu venir parce que mon conjoint est resté à la maison avec notre fille de 4 ans. Je suis là pour lui, qui est technicien, pour ceux qui ont des métiers pénibles et pour toutes les femmes qui, malgré le discours du gouvernement, seront parmi les perdants de cette réforme. 64 ans, ce n'est pas possible, c'est trop ! »
« On explique à nos enfants pourquoi on est là »
Aurore et Greg sont venus avec leurs deux filles de 5 et 12 ans. Le père et la grande portent chacun une chasuble de la CGT du BTP.
« On est venus dire « Non » au recul de l'âge de départ en retraite, raconte la maman. Surtout pour le père des filles. Il bosse dans la construction depuis l'âge de 16 ans, il en a 45, il est usé, lessivé. Les métiers de la construction ont une pénibilité qui n'est pas la même que celle d'une employée de banque comme moi. On est venus en famille parce que c'est samedi, il n'y a pas école, on est disponibles. On en profite pour expliquer aux enfant les enjeux, on fait de la pédagogie et on leur apprend à défendre leurs droits. En pleine crise du pouvoir d'achat, c'est aussi une journée de mobilisation moins coûteuse qu'une journée de grève. »
« Le samedi, c'est populaire »
Syndiqué chez Sud, Eric est agent hospitalier en psychiatrie à l'hôpital public en région parisienne. Il est venu avec son épouse et leurs deux filles. La plus jeune porte une pancarte sur laquelle on peut lire : « On ne veut pas travailler plus. On veut arrêter de gagner moins ! »
« J'ai fait toutes les grèves et les manifestations depuis le début, mais aujourd'hui, c'était d'autant plus important de revenir redire « NON », explique-t-il. Il faut continuer de montrer que cette réforme ne passera pas. À l'hôpital, c'est le déclin programmé, on tombe dans la décrépitude. Les soignants ont besoin de pouvoir travailler autrement et d'être mieux payés… Des carrières longues à l'HP, c'est simplement inimaginable. Et puis quelle société laisse-t-on à nos gosses ? Je ne suis pas anti-réformiste mais je ne veux pas de ce projet de société qui écrase l'humain. Ça me revigore de voir autant de monde mobilisé aujourd'hui. Comme c'est samedi, on est venu en famille pour transmettre nos valeurs à nos enfants, on fait leur éducation au passage. Il faudra bien qu'ils reprennent le flambeau de la lutte avant que le ciel ne leur tombe sur la tête. Et puis venir manifester le samedi, c'est prouver que ce mouvement est un mouvement populaire. Il y a le temps des journées de grève à l'appel des syndicats et il y a celui des mobilisations pendant le temps libre. C'est complémentaire. »
« Alterner pour durer »
Enseignante en lycée à Paris et syndiquée au SNES, Nathalie traîne son sac de courses et son fils Colin, 7 ans, par la main.
« On est venus dire « Non » à cette réforme parce que je fais un métier de terrain, un métier où on gère de l'humain. C'est crevant nerveusement et éprouvant physiquement. On n'enseigne pas comme on gère des dossiers. C'est beaucoup d'énergie. J'ai fait des études et commencé à enseigner à 27 ans ; je ne me suis arrêtée que pour mon congé maternité et en arrêtant à 64 ans, j'aurai une pension de 1200 euros mensuels. Cette réforme est un projet ultralibéral qui ne pourra pas fonctionner au niveau humain : les seniors ne pourront pas travailler jusqu'à l'âge requis et tomberont dans la pauvreté. Manifester le samedi permet à chacun de pouvoir agir à son niveau. Beaucoup de gens ne peuvent pas se permettre de faire grève. Pour les familles monoparentales, c'est trop coûteux une journée de grève. Surtout par les temps qui courent. J'ai prévu de faire grève jeudi prochain, mais par la suite j'alternerai en participant aux mobilisations durant le week-end. Si on veut durer, il faut bien s'organiser. »
Outre la journée du 16 février – où les leaders de l’intersyndicale ont prévu de manifester ensemble à Albi -, le 7 mars pourrait constituer le point d’orgue du mouvement avec une « France à l'arrêt » alors que le texte sera arrivé au Sénat. Le lendemain, des actions devraient célébrer la journée des droits des femmes et « mettre en évidence l’injustice sociale majeure de cette réforme » pour ce qui les concerne.