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AGROALIMENTAIRE

Incendie, colère et lutte à l’usine Lu de Jussy

5 octobre 2020 | Mise à jour le 6 octobre 2020
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Incendie, colère et lutte à l’usine Lu de Jussy

La production de l'usine de gâteaux Lu de Jussy (Aisne) a été arrêtée à la suite d'un incendie le 3 septembre 2020. Le site, propriété du groupe Mondelez, emploie 190 personnes (dont 50 intérimaires). Les salariés au chômage technique s'inquiètent de leur devenir et exigent des réponses de la multinationale.

« Cette usine fabrique des produits uniques à la qualité reconnue, comme le gâteau Napolitain et le Napolitain signature, qui se vendent très bien. Quant à Mondelez, c'est une multinationale qui engrange d'énormes bénéfices. Elle peut et doit donc très rapidement mettre tous les moyens pour relancer la production », plaide Sébastien Herbin, délégué syndical CGT de l'usine Lu de Jussy (Aisne).

Sébastien a les traits tirés par les nuits sans confort. Malgré la météo picarde, il campe avec une dizaine de salariés qui se relaient jour et nuit sous une tente devant leur usine, déterminés à ne pas lâcher le morceau. En effet, au moment où les plans sociaux tombent en cascade dans la région, la perspective de ne pas remettre sur les rails une usine parfaitement rentable avec toutes ses lignes de production apparaît tout simplement comme insupportable.

« Cette usine est ici depuis près d'un siècle. Historiquement, elle reste connue dans la région comme la pâtisserie Vandamme. Le 3 septembre 2020, un four s'est embrasé qui a détruit complètement l'une des quatre lignes et une seconde à moitié. Il reste deux lignes intactes, mais les dégâts sont considérables et la direction ne prévoit la relance que d'une seule ligne avec 66 personnes en janvier. Mais redémarrer une ligne sur quatre, ça ne peut pas tenir économiquement, et malgré notre insistance nous n'avons pas d'autres informations », rapporte Guillaume Pruvost, délégué syndical central CGT et élu au CSE.

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Des salariés combattifs

La présence d'un syndicat CGT bien implanté à l'usine a permis dans un premier temps d'obtenir le maintien des salaires durant le chômage partiel. Cependant, les salariés perdent tout de même la partie variable, soit en moyenne 200 à 300 euros, et plus encore pour ceux qui travaillent la nuit.

« À proximité, il y a l'usine Nestlé, à Itancourt. La CGT n'y est pas présente, mais la CFDT y a signé des accords régressifs pendant la crise du Covid. Aujourd'hui, on sait que ce site va fermer et délocaliser à la fin de l'année… », constate Guillaume, désabusé.

Karine, une cadre de l'usine, venue soutenir ses collègues dans la tente aux couleurs de la CGT et de FO, estime aussi qu'aujourd'hui il n'y a pas d'autre choix que de lutter et résister, sinon « ça va être très dur pour les familles parce qu'il ne restera plus d'emplois ici ». La pâtisserie, qui fait travailler des jeunes et parfois des couples de la même famille, est un des derniers poumons économiques de la région de Saint-Quentin.

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Une expertise votée par le CSSCT

Avant même l'impact économique, le traumatisme de l'incendie et la crainte de la perte de leur emploi dans une région déjà sinistrée ont amené les représentants du personnel à voter en faveur d’une expertise pour risque grave. C'est Michaël Aubosso, secrétaire CGT du CSSCT qui en a pris l'initiative au vu des risques psychosociaux qu'il a constatés.

« On voit des collègues qui anticipent en voulant vendre tout ce qu'ils ont pour partir. En plus de cela, on avait déjà des problèmes de risque psychosociaux avec l'application des méthodes du lean-management », explique le syndicaliste. Pour Guillaume Pruvost, ces méthodes ne sont peut-être pas non plus étrangères aux causes de l'accident : « À force de vouloir mettre toujours moins de monde sur les lignes de production et de rogner sur l'entretien, on finit par impacter la sécurité… » Et de faire remarquer que l'usine devait embaucher sur six postes, ce qui n’a pas été fait.

Sortir du silence

Dans l'arsenal des instances représentatives du personnel, il reste encore à jouer la carte de l'expertise économique, que le CSE pourrait décider. En attendant, les salariés ont décidé de ne pas suivre l'exemple de leurs voisins de Nestlé et de faire du bruit pour se défendre et obtenir des réponses de la part de Mondelez, un groupe qui réalise quelque 3,8 milliards de profits et pour qui l'investissement pour la remise sur pied de l'usine n'est qu'une goutte d'eau. Pour forcer la multinationale à sortir de sont mutisme, les Lu de Jussy ont décidé d'organiser une conférence de presse le 6 octobre 2020.

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