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Industrie pharmaceutique

Industrie pharmaceutique : une machine à cash loin des besoins vitaux

4 mars 2021 | Mise à jour le 4 mars 2021
Par | Photo(s) : Bapoushoo
Industrie pharmaceutique : une machine à cash loin des besoins vitaux

La pandémie a exacerbé les insuffisances de notre système de santé et d'une industrie accro aux dividendes. En réponse, la CGT, qui dénonce depuis trente ans cette dérive, pousse son projet de refonte totale du secteur et de création d'un pôle de santé public.

Forte de 1 200 milliards d'euros de chiffre d'affaires mondial en 2020, l'industrie pharmaceutique figure dans le trio de tête des secteurs productifs les plus florissants et les plus rentables. Y compris en France où, tous laboratoires confondus, ce secteur dégage de 35 % à 40 % de marge. On devrait se réjouir de l'excellent état de santé de nos laboratoires et de notre industrie pharmaceutique, des résultats qui chaque année enregistrent des taux de croissance parfois spectaculaires.

Comme Sanofi, notre fleuron national qui, pour 2020, affiche une croissance de 340 %, et un bénéfice net de 12,3 milliards d'euros (contre 2,9 en 2019). Mais la prouesse, étrangement, ne réjouit pas tout le monde. Ainsi, les salariés et leurs syndicats s'inquiètent de l'avenir de cette industrie stratégique pour la souveraineté sanitaire de la France, de sa mutation en « machine à cash » au seul bénéfice des actionnaires et, de plus en plus, au détriment des salariés et consommateurs.

Le contribuable français, premier dindon de cette farce

« Il faut voir à quel prix et à quel coût pour les contribuables français se réalisent de tels bénéfices qui se traduisent de plus en plus en dividendes et de moins en moins en investissements dans la recherche et l'innovation », suggère Manu Blanco. Pour le secrétaire général de la CGT Chimie (Fnic), il y a là une stratégie de saccage et de pillage de nos industries de santé soutenue par l'État à grand renfort de subventions publiques.

En particulier, via le crédit d'impôt recherche (CIR) grâce auquel Sanofi, par exemple, perçoit plus de 100 millions d'euros de deniers publics par an. Le tout sans contrepartie en termes d'investissements dans la recherche ou de maintien des emplois en France, que ces « Big Pharma » délocalisent à tour de bras dans les pays low cost dans le seul but de gâter leurs actionnaires.

Du pillage au dépeuplement, un secteur en crise… sociale

Quelques chiffres pour s'en convaincre : il ne reste plus en France que 98 000 des 170 000 salariés que cette industrie employait il y a trente ans. Le secteur de la recherche privée, qui comptabilisait 23 000 emplois, en a supprimés 10 000 de 2005 à 2010. Et l'actualité récente de Sanofi – qui s'apprête à liquider quelque 1 700 postes en France – n'est pas là pour rassurer. Même tendance du côté des groupes étrangers basés en France. Pfizer ne compte guère plus que 600 salariés concentrés sur son siège, tandis que GSK, qui détenait de huit à neuf sites en France, n'en possède plus que trois, dont un centre de recherche rabougri doté de seulement 30 salariés. Bristol-Myers Squibb a fermé ses sept sites et vendu UPSA au Japonais Taisho Pharmaceutical pour ne garder qu'un seul établissement sur Agen, à l'avenir incertain.

« On le dit depuis vingt-cinq ans : en cas de pandémie, dans ces conditions, la France ne saura pas faire face. Nous n'avons cessé d'alerter les gouvernements successifs sur la casse de nos industries de santé et leur délocalisation vers des pays à bas coûts pour le seul bénéfice du capital et au détriment des besoins de la population. Malheureusement, cette crise sanitaire nous donne raison », déplore Manu Blanco.

L'État savait, mais n'a rien fait

Entre pénuries de masques, de respirateurs, d'anesthésiques… et, à présent, de vaccins, la crise du Covid-19 aura eu le mérite d'ouvrir grand les yeux de la population sur l'état de déliquescence de son système de santé. Une situation qui ne résulte pas uniquement de la voracité des multinationales, mais avant tout du renoncement des gouvernements successifs à définir des politiques de santé publique à même de répondre aux besoins de la population.

Résultat : une industrie pharmaceutique presque résiduelle quand elle devrait être résiliente ; une explosion des ruptures de stocks de médicaments de première nécessité (44 en 2008, 1 200 en 2019, 2 000 en 2020) ; une recherche privée exsangue qui, malgré les subventions publiques, délocalise sans entraves les emplois, avec pour conséquence létale de réduire à peau de chagrin le « florissant » secteur pharmaceutique français ; enfin, un marché du médicament dont les prix sont indexés sur les exigences du capital, et totalement déconnectés des coûts de production.

Un seul remède : le retour à la maîtrise publique

Cela dit, la Fnic-CGT n'entend pas se résigner à la disparition de l'industrie pharmaceutique. D'autant plus qu'en appelant à sa relocalisation lorsqu'il en découvre soudainement le piteux état opérationnel et structurel, Emmanuel Macron a fourni l'opportunité à la CGT de la chimie de valoriser un projet, mûri de longue date, qui permettrait à la France de regagner son indépendance et sa sécurité sanitaire, et de relancer sa recherche pharmaceutique.

L'idée-force ? La création d'un pôle de santé publique intégrant les industries et professionnels de santé. Piloté par une gouvernance démocratique et citoyenne, il regrouperait tous les acteurs de la chaîne de production sanitaire et de santé, des représentants de l'État en tant que garant de l'accès de tous à l'offre de soins, des professionnels de santé, des organisations syndicales du sanitaire et du médicosocial, comme des représentants de l'industrie, etc.

Tout cela, loin de la mainmise des laboratoires privés, de l'assurantiel et de leurs lobbys, à l'instar de la très puissante LEEM (Les Entreprises du médicament), dont les revendications exorbitantes de fixation des prix des médicaments à des niveaux toujours plus élevés ne sont pas étrangères à la transformation de l'industrie pharmaceutique en ogre à dividendes rendu incapable de répondre aux besoins sanitaires des populations.

Abolir la propriété intellectuelle, cette rente pour les labos

Parmi les rôles prioritaires de ce pôle de santé publique, il s'agira d'organiser la régulation des prix de l'offre de soins en fonction des besoins ; de définir et orienter des stratégies de production industrielle ; de déterminer des axes prioritaires de recherche en lien avec les universités ; de redéfinir les prix des médicaments ; de relocaliser des productions de molécules de base conçues à hauteur de 80 % en Chine et en Inde. Autre proposition phare : abolir la propriété intellectuelle sur les médicaments.

À commencer par celle qui pèse lourdement sur les vaccins, et en particulier sur ceux anti-Covid-19. « Cette propriété intellectuelle ne sert qu'à perpétuer la rente des laboratoires, alors qu'elle fait exploser les prix du médicament et limite l'accès de tous à des soins vitaux », argumente Manu Blanco. Et de préciser qu'en France, le remboursement des médicaments représente 15 % du budget de l'Assurance maladie, soit 34 milliards d'euros issus des cotisations sociales et directement transférés dans les poches des Sanofi, Pfizer, Bayer ou Gilead.

« Il faut en finir avec cette escroquerie qui fait grimper les tarifs des mutuelles, et faire du médicament un bien commun de l'humanité, ce n'est pas une marchandise comparable à une autre », affirme le syndicaliste. Afin de populariser cette proposition, la Fnic-CGT a déclenché une pétition qui, si elle recueille au moins un million de signatures, pourrait provoquer un débat public au niveau européen. Et, par la suite, engendrer des retombées politiques en phase avec les revendications des syndicats et des salariés qui plaident pour un retour du politique et du bon sens dans la maîtrise publique d'un bien essentiel.

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