À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
SYNDICALISATION

Je me suis syndiqué à la CGT

4 juillet 2016 | Mise à jour le 10 février 2017
Par | Photo(s) : Daniel Maunoury
Je me suis syndiqué à la CGT

Contrairement à la théorie relayée dans les grands médias, selon laquelle la CGT serait en perte de vitesse, des exemples sur le terrain montrent qu'elle syndique aussi. Durant la lutte contre la loi «travail», notamment.

La CGT serait en perte de vitesse, perdrait de l'influence et des syndiqués, et serait même en voie de radicalisation et de marginalisation. C'est du moins la petite musique reprise régulièrement par les grands médias dans la dernière période et notamment depuis que le syndicat est entré en lutte contre la loi «travail».

Pourtant, sur le terrain, la réalité est plus complexe, parfois même totalement inverse. C'est le cas chez Amazon, où les luttes CGT – portant sur le rejet de la loi El Khomri et sur des revendications de salaires liées aux négociations annuelles obligatoires (NAO) – ont fait que près de 80 salariés, en deux mois, ont franchi le pas de la syndicalisation.

« On a démarré le blocage du site le 24 mai, le jour des NAO, explique Gérard Defauquet, délégué syndical CGT chez Amazon Lauwin-Planque à Douai. On avait interrogé les salariés sur leurs attentes et prévu un cahier de revendications avec plusieurs points (augmentation de salaire, prime de dépassement, prime de panier, tickets restaurants, etc.), bref tout ce qui visait à augmenter le pouvoir d'achat des salariés.

Et la direction s'est foutue de nous. Quand on pose nos questions en délégation du personnel, la direction renvoie aux NAO et quand on arrive en NAO, elle ne nous répond pas. »

La CGT réclamait 1 % d'augmentation de salaire, la direction a accordé 0,5 % soit 4,5 €. « C'est-à-dire rien, en définitive, traduit le syndicaliste. Quand on sait ce qu'il en est de l'augmentation de la mutuelle et de la prévoyance et qu'en face, il y a le chiffre d'affaires d'Amazon et les revenus exorbitants de notre PDG, ça fait vraiment “on vous arnaque”, et maintenant les gens en ont marre. »

Pour la première fois, le 25 mai, avec plus de 300 grévistes, la CGT bloque trois des quatre sites d'Amazon – Douai, Chalon-sur-Saône et Montélimar – pour des revendications salariales en plus de l'opposition à la loi «travail». « On a tenu, 2 jours ici, 3 jours là, et même 6 jours à Montélimar, explique Alain Jeault, délégué syndical central CGT Amazon.fr logistique. Nous avons été délogés par les CRS ou les gendarmes et plusieurs IRP ont été traînés devant les tribunaux pour blocage des marchandises – décision dont nous faisons appel – or, c'est la direction qui est dans l'illégalité en embauchant des intérimaires dans la période. »

Les syndicalistes y voient un nouveau symptôme du climat tendu qui règne depuis ces derniers mois et même une attaque à peine voilée au droit de grève.

En même temps, « c'est une première qu'on arrive à mobiliser autant, les salariés étaient vraiment remontés sur les salaires, explique le Gérard Defauquet. Il faut savoir que chez Amazon, les salariés ont des feuilles de paye de 2 000 € mensuels parce qu'ils font souvent 10 ou 11 heures par jour c'est-à-dire 3 heures supplémentaires par jour. Ça, ce n'est pas gagner sa vie, c'est la laisser au boulot. Gagner sa vie c'est gagner ces 2 000 € en travaillant 35 heures par semaine. Les salariés commencent à le comprendre… et d'ailleurs de moins en moins d'entre eux veulent faire des heures supplémentaires ou venir travailler le samedi. Sauf que les managers passent voir les salariés en leur disant de rester travailler sans vraiment leur laisser le choix. Du coup, ils viennent nous voir pour se faire accompagner… »

Le syndicat CGT a vite mis en écho ces conditions de travail déjà difficiles, et la loi « travail » qui va accorder aux directions d'entreprises encore davantage de latitude pour disposer des temps de travail et baisser la rémunération des heures supplémentaires. C'est dans ce climat d'entreprise que Benjamin (voir portrait), Michael, Osvaldo… – rencontrés lors de la manifestation du 14 juin à Paris contre la loi « travail » – ont décidé de se syndiquer à la CGT.

Ils seront 80 salariés à rejoindre les rangs du syndicat, parfois avec discrétion : « si t'es CGT, t'es pas bien vu par la direction », résument pudiquement les trois jeunes gens.

De son côté, l'entreprise anticipe et n'hésite pas à recourir massivement à l'intérim. « Rien que la semaine dernière, nous avons formé une trentaine d'intérimaires en équipe de jour et l'équivalent en équipe de nuit. Amazon n'a pas d'argent pour augmenter ses salariés, mais quand il s'agit de faire tourner la boutique, ils n'hésitent pas à mettre la carotte au bout du nez des précaires, note Gérald. Ils promettent des embauches et ainsi de suite. »

Pour l'heure, aucun accord n'a été trouvé, mais « grâce au rapport de force établi pendant les mobilisations fin mai, la semaine dernière, la direction de Amazon a fini par accepter de recevoir la CGT qui a redit ses revendications, explique Amar Lagha, secrétaire général de la fédération des commerces et services CGT. C'est la première fois qu'on est reçu au niveau national et non plus strictement par établissement. C'est la première fois où on peut faire bouger les lignes ».

PORTRAIT

Benjamin Pave, 22 ans, salarié de Amazon Lauwin-Planque (Douai). Il a participé au blocage du site durant trois jours et pris part aux différentes mobilisations de la CGT contre la loi «travail», dont celle du 14 juin. C'est là que la NVO l'a rencontré. « Je suis arrivé chez Amazon en juillet 2014, comme préparateur. Je suis ensuite passé cariste, maintenant je tourne, je fais un peu de tout. J'étais en intérim à mon arrivée, j'ai été prolongé pour des montées de charge de travail en fin d'année et j'ai été embauché en CDI le 3 novembre 2014. J'ai rien, moi, même pas le brevet des collèges. J'étais dans la préparation de commandes, le déchargement de camions, j'ai vu que Amazon recrutait dans la logistique, j'ai tenté.

Avec les collègues, ça va, mais avec la direction, on ne va pas parler salaire parce qu'on ne va pas être d'accord. Quand on sait que le patron d'Amazon gagne 2 000 € par seconde… et qu'ils nous refusent 1 % d'augmentation, ils ne nous laissent que des miettes. Dans les NAO, ils voulaient même nous imposer de travailler obligatoirement le samedi pendant les mois de juin, juillet et septembre en plus de la période de Noël, ce qui fait énormément de travail.

J'ai rejoint la CGT à partir du moment où elle a commencé à se mobiliser contre la loi El Khomri. Et puis Gérard Defauquet, notre délégué syndical, m'a donné confiance. C'est son engagement auprès des salariés qui m'a marqué.

C'est toujours eux [les militants CGT] qu'on voit sur le terrain. Ils nous ont expliqué des points importants de la loi El Khomri comme le plafonnement de la rémunération des heures supplémentaires de 25 à 10 %, les congés payés que la direction peut moduler comme elle veut, ce qui veut dire que concrètement on pourrait donc être amenés à systématiquement travailler les samedis, en période d'été comme en période de Noël…

Et en plus, ils pourraient modifier notre contrat de travail comme ils en ont envie.

Bref, ils vont pouvoir faire ce qu'ils veulent de nous pour deux sous. J'ai pris part au mouvement contre la loi parce que je préfère perdre 50 € par jour immédiatement plutôt que de finir esclave. Il y a près de 60 salariés qui ont fait pareil et qui se sont syndiqués dans la période.

Il y en a même qui sont partis de la CFDT pour rejoindre la CGT.

«Moi aussi j'ai rejoint la CGT pendant les trois de jours de blocage, a renchéri son collègue Michael. Avec tout se qu'il se passe chez Amazon et avec ce projet de loi, je voulais me sécuriser. »