10 juin 2024 | Mise à jour le 10 juin 2024
Après le double coup de tonnerre des résultats inédits de l'extrême droite aux élections européennes et l'annonce par le président de la République de la dissolution de l'Assemblée nationale, la CGT veut un front populaire. L'intersyndicale des huit confédérations se réunit en urgence ce 10 juin 2024.
Branle-bas de combat à la CGT. Après le double coup de tonnerre des résultats inédits de l'extrême droite aux élections européennes et l'annonce par le président de la République de la dissolution de l'Assemblée nationale, la CGT devait réunir en urgence son bureau confédéral dans la matinée du 10 juin 2024. Dans la soirée, l'ensemble des organisations syndicales nationales qui s'étaient mobilisées contre la réforme des retraites étaient conviées pour un front populaire au siège de la CGT.
Enorme colère
Le communiqué de presse publié à l'issue du bureau confédéral de la CGT est d'une rare gravité : « C'est avec une énorme colère que la CGT accueille ces résultats alors qu'elle alerte, en vain, depuis des années. Emmanuel Macron en porte la première responsabilité. Il n'a cessé de banaliser le Rassemblement National, en reprenant ses thèses, et mène avec le patronat une politique sociale violente qui accrédite l'idée que la seule alternative serait l'extrême droite. En décidant d'organiser des élections législatives en trois semaines à la veille des Jeux Olympiques et après les premiers départs en vacances, le président de la République joue, encore une fois, avec le feu, en faisant primer de petits calculs politiciens. » Emmanuel Vire, pilote de la Commission CGT de lutte contre les idées d'extrême droite confirme l'état d'esprit de la confédération: « C'est un coup de poker très dangereux et totalement irresponsable. Comment imaginer une cohabitation avec Bardella (Président du RN, NDLR) Premier ministre. Les institutions de la Ve République sont telles que le président perdrait la plupart de ses pouvoirs… »
Des résultats conformes aux attentes
Pour le syndicaliste, les résultats des élections sont proches de ce qui étaient attendues en Europe à l'exception notoirement catastrophique de la France. En effet, la hiérarchie des trois premiers groupes représentés reste la même. Avec 185 sièges, la droite du PPE (Démocrates-Chrétiens) progresse au Parlement de 9 sièges en demeurant la première force politique. Les sociaux-démocrates du S&D perdent deux sièges, mais sont toujours les seconds avec 137 députés. Les centristes de Renew Europe (qui inclut Renaissance), sont encore troisième mais perdent 23 députés (de 102 à 79 sièges). La déconvenue est aussi importante pour les Verts / ALE qui passent de de 71 à 52 sièges). The Left reste stable en passant de 37 à 36 sièges (LFI gagne même 4 députés supplémentaires). Par contre, si d'une manière globale, l'extrême-droite qui comprend au Parlement europée, deux groupes principaux, ID et ECR, progresse fortement en Europe : ID passe de 49 à 58 siège et ECR de 69 à 73 sièges, il y a des variations très importantes selon les pays. « Il y a une progression inégale selon les pays avec des endroits où elle était attendue plus haut que les résultats obtenus. C'est le cas des Pays-Bas qui vont avoir un gouvernement d'extrême droite avec Geert Wilders. Or sa liste est arrivée après celle de la gauche et des écologistes. En Pologne aussi, le PiS (parti d’extrême droite, NDLR) est derrière la Coalition civique (KO), en Hongrie le leader populiste Victor Orban perd dix points », remarque Emmanuel Vire. La progression de l'extrême droite est forte en Autriche et en Allemagne où avec 15,6 % des voix (15 des 96 sièges allemands au Parlement européen) l'AfD devient la deuxième force représentée, juste derrière le parti de centre-droit CDU/CSU. Pour autant, avec les 31,36% du RN et les 5,47% de Reconquête, c'est en France que l'alarme est la plus dramatique. Qui plus est avec dans la foulée l'annonce de législatives…
La responsabilité historique du syndicalisme
La CGT insiste sur la gravité de la situation : « Les résultats du 9 juin le démontrent. Sans sursaut immédiat, l'extrême droite arrivera au pouvoir. Notre République et notre démocratie sont en danger. Pour empêcher la catastrophe organisée par Emmanuel Macron et Marine Le Pen, l'unité de la gauche est indispensable. Pour battre l'extrême droite, le monde du travail a besoin d'espoir et de perspectives en rupture avec la politique d'Emmanuel Macron. Il faut répondre à l'urgence sociale et environnementale, avec des propositions fortes pour augmenter les salaires et les pensions, défendre notre industrie et nos services publics et gagner le droit à la retraite à 60 ans. Un débat en profondeur doit être mené pour que les leçons soient vraiment tirées pour bâtir une alternative durable.
Quant au gouvernement, il doit immédiatement renoncer à sa réforme de l’assurance-chômage et à toutes les contre-réformes en cours et notamment la réforme de la fonction publique. » Pour Emmanuel Vire, le syndicalisme a une responsabilité irremplaçable dans la situation. « Le tout dernier sondage (Toluna Harris Interactive) réalisé sur les préférences syndicales des électeurs montre que 24% des électeurs se sentant proches de la CGT ont voté RN. Le phénomène touche tous les syndicats : 22% pour la CFDT, 20% pour la FSU. Il faut donc urgent qu'on aille rechercher ces électeurs » explique le syndicaliste. Dans les heures qui vont suivre, l'ensemble des organisations syndicales françaises devrait prendre position. Et Emmanuel Vire de préciser que la réaction à cette situation va aussi s'exercer au niveau européen : « Suite au dernier congrès de la CES qui s'est tenu l'année dernière, il a été mis en place un collectif de travail contre l'extrême droite au niveau du syndicalisme européen. La CES va aussi évidemment s'exprimer très fortement suite aux résultats. »