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RECONQUÊTE INDUSTRIELLE

La CGT poursuit sa campagne

3 avril 2015 | Mise à jour le 24 mars 2017
Par | Photo(s) : AFP / Christophe Estassy
La CGT poursuit sa campagne

Alors que le pays subit une vraie désindustrialisation, la CGT amplifie sa campagne pour une politique industrielle ambitieuse. Retour sur un débat.

Liquidation du transporteur MoryGlobal (anciennement MoryDucros) et nouvelle suppression de plus de  2000 emplois, licenciements par centaines aux abattoirs AIM de Coutances, suppression de plus de 550 emplois chez Pierre Fabre (pharmacie et cosmétique), à Castres, pourtant le troisième laboratoire français après Sanofi et Servier, et ce en dépit d'un chiffre d'affaires de quelque deux milliards d'euros (en 2013)…

Les annonces se suivent et se répètent alors qu'Emmanuel Macron a ouvert, lundi 30 mars, la semaine de l'industrie. Jour après jour, des milliers d'emplois disparaissent, des familles en subissent les conséquences dramatiques, les territoires et les bassins d'emploi en pâtissent. Voici plusieurs décennies que le pays se désindustrialise. Et, depuis 2008, la gestion de la crise, financière et économique, a accéléré ce recul.

Pourtant, dans un contexte de chômage de masse et alors même que syndicats de salariés et organisations patronales avaient rendez-vous le 3 avril avec les ministres concernés pour un «bilan» de la loi de 2013 qui a flexibilisé un peu plus le travail, Pierre Gattaz en redemandait. Le Medef réclame une étape supplémentaire de précarisation du contrat de travail, via un nouveau contrat dit pourtant «CDI» mais que l'employeur pourrait cependant interrompre sans contestation…

UNE DÉSINDUSTRIALISATION DÉSASTREUSE

De longue date la CGT défend l'industrie et s'est engagée dans une campagne nationale pour promouvoir des propositions en ce sens. Car le constat est sans appel. La part de l'industrie dans le PIB a perdu dix points en vingt ans (le poids de la seule industrie manufacturière dans la valeur ajoutée de l’ensemble de l’économie passant de 19,2% à 11,3% de 1983 à 2013).

Elle a perdu dans le même temps quelque deux millions d'emplois (le poids de l’industrie manufacturière seule, dans l'emploi total, passant de 1982 à 2012 de 20,4% à 10,4%). Or, désindustrialiser, c'est fragiliser toute l'économie, peser beaucoup plus largement sur l'emploi, mais aussi les rémunérations…

C'est ce qu'a rappelé Nadia Salhi, membre de la CEC en charge du dossier «industrie» à la CGT, à l'occasion d'une table ronde organisée à Montreuil le 1er avril sur le thème «quelle politique industrielle cohérente pour un développement économique et social des territoires, en France, et en Europe».

Un débat auquel ont participé également Cyril Fournet (du syndicat CGT du dernier groupe français intégré de la filière bois en Aquitaine), Marcel Croquefer (de l'UD du Nord et de la fédération de la chimie), Alain Rousset (qui est notamment président du conseil général d'Aquitaine et de l'Association des régions de France), Nasser Mansouri-Guilani (économiste à la confédération), et Philippe Martinez (secrétaire général de la CGT).

PROFESSIONNELS, SAVOIR-FAIRE ET INNOVATIONS

Ce n'est pas tout à fait un hasard si la région CGT Aquitaine avait installé dans le patio de la Bourse du travail une cabane de gemmeur (qui récolte la gemme, le résinier la transformant dans la distillerie), montrant en même temps à travers une exposition et à l'occasion d'un autre débat l'ampleur des savoir-faire des professionnels, de leur capacité à innover, et l'importance de la filière pour le développement de toute une région.

Une démonstration qu'ont faite à leur tour Cyril Fournet et Marcel Croquefer durant la table ronde. Le premier a mis en lumière l'engagement convergent de multiples énergies en faveur de la pérennité d'un groupe promis voici environ deux ans au démantèlement. Un engagement qui a, notamment, permis de faire jouer aux banques leur rôle au service de l'entreprise et donc, cette fois, de l'économie réelle.

Marcel Croquefer quant à lui a montré comment, dans une raffinerie de Total elle aussi promise à disparition, il a fallu organiser à la fois la mobilisation et l'action juridique pour maintenir l'emploi, mais aussi comment les qualifications des professionnels et singulièrement des syndiqués, leur connaissance de l'entreprise, leur maîtrise du travail et de l'outil de production, leur expérience et leurs savoir-faire, ont permis de mener l'expérience de l'utilisation potentielle de l'hydrogène, dans une perspective industrielle respectueuse à la fois de besoins sociaux et de l'écologie. Une expérience qui pourrait amener au développement d'une filière et intéresser de nombreuses branches et professions.

Au point, fierté des salariés, d'envisager l'hypothèse d'une voiture à hydrogène, comme hier la CGT de Renault inventait la voiture populaire… Avec une condition, cependant, que ces nouveautés ne s'adressent pas qu'à une élite mais soient accessibles à tous les salariés.

Il ne s'agit donc pas d'opposer industries dites traditionnelles, qui seraient vouées à disparaître, et celles dites modernes. Au contraire, les unes et les autres ont besoin de se développer, de renforcer leurs secteurs de recherche, d'investir dans les technologies nouvelles, autant que dans la formation.

CONQUÉRIR DES DROITS NOUVEAUX

Il est urgent de rappeler à quoi sert l'activité économique, souligne pour sa part Nasser Mansouri-Guilani : soit à la seule rentabilité du capital soit, comme le défend naturellement la CGT, à un «développement humain durable».

Car au fond, les raisons de la désindustrialisation sont bien connues. Externalisation d'activités, délocalisations, voire fermetures de sites, fussent-ils rentables, etc. Les causes, comme le rappelle Philippe Martinez, demeurent les mêmes, notamment celles d'une recherche de rentabilité à deux chiffres pour les banques et les actionnaires.

Avec une implantation d'entreprises préférentiellement dans les territoires où les collectivités sont les plus à même de distribuer des aides financières, ou dans des zones dont le droit du travail est plus marginalisé qu'ailleurs. Ce qui renforce du même coup les inégalités territoriales. Une logique à l'œuvre au plan national, mais aussi européen et mondial, avec une prime au moins disant fiscal ou au dumping social.

À cette mise en concurrence des pays et des peuples, des territoires, des salariés, la CGT entend opposer une logique de solidarités. Cela suppose nombre d'obligations. Alain Rousset, pour sa part, évoque plusieurs sujets, comme celui de la formation. Il refuse en revanche une perspective «jacobine» et un rôle trop important de Bercy. La CGT plaide au contraire pour que l'État prenne ses responsabilités dans la définition d'une vraie stratégie industrielle. Sans pour autant restreindre le rôle des collectivités.

Il s'agit aussi de définir des critères et des conditions précis en termes d'aides financières aux entreprises. Ainsi, si la CGT souhaite la mise en place d'un pôle financier public, ce n'est pas, rappelle Nasser Mansouri, pour que la BPI applique des critères de même nature que ceux des banques privées. Cela suppose aussi des droits d'intervention nouveaux pour les salariés. Qu'il s'agisse de permettre la suspension d'un plan de licenciements ou d'intervenir pour conditionner les aides publiques aux entreprises – que le gouvernement a permis de renforcer avec le CICE ou le pacte dit de responsabilité – et en contrôler l'utilisation…

UNE POLITIQUE DE FILIÈRES

Au-delà, la question des filières est posée. D'une part, il s'avère de plus en plus urgent et important pour les syndiqués de se mêler de la chaîne de production, les multinationales ne devant plus pouvoir se dédouaner de leurs responsabilités vis-à-vis de leurs sous-traitants, souvent des PME voire des TPA. D'autre part, nombre de productions nécessitent des convergences entre plusieurs branches professionnelles: transport, automobile, textile, chimie, etc., par exemple. Une question à la fois industrielle, mais aussi syndicale. Et sans doute tout un chantier, pour les cent vingt ans de la CGT.