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Au Congrès de la CGT, la sociologue Monique Pinçon-Charlot a « la rage » contre « le président des ultra-riches »

15 mai 2019 | Mise à jour le 16 mai 2019
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Au Congrès de la CGT, la sociologue Monique Pinçon-Charlot a « la rage » contre « le président des ultra-riches »

52e congrès de la CGT : échange entre Monique Pinçon-Charlot et Philippe Martinez autour du livre « Le président des ultra-riches »

L'heure est grave et « si tout est foutu » ou presque, ce n'est pas une raison pour se laisser faire ! C'est à peu près la teneur du discours de Monique Pinçon-Charlot, invitée pour débattre avec Philippe Martinez autour de son dernier essai : Le président des ultrariches, à savoir Jupiter lui-même. Un petit livre de salubrité publique.

Invitée du 52e congrès de la CGT où elle est venue dédicacer son dernier ouvrage, Le président des ultrariches, et en débattre avec Philippe Martinez, Monique Pinçon-Charlot n'a pas mâché ses mots. La sociologue — qui avec Michel, son confrère et époux — travaille depuis plus de 30 ans sur les riches — a clairement revendiqué sa « rage » contre Emmanuel Macron et la caste qui l'entoure.

Une oligarchie qui exerce une prédation sans précédent sur les travailleurs, l'État, les services publics et l'environnement. « Entre 1986, date à laquelle on a commencé à travailler sur les riches et des patrons, nous avons vu le capitalisme changer de forme. On est passé d'un capitalisme paternaliste et industriel à un capitalisme financier sans foi et qui veut s'affranchir de toute règle collective ».

Montrer les dents, c'est maintenant

Exit donc le bouclier fiscal de Nicolas Sarkozy, qui octroyait un milliard d'euros aux plus riches. Avec Macron, on est passé dans une nouvelle dimension. « À l'époque, on criait au scandale — et on avait raison — pour ce cadeau fiscal d'un milliard, mais aujourd'hui ce sont des dizaines de milliards d'euros qui sont pillés au cœur de l'État pour être donnés en cadeau aux actionnaires », a résumé la sociologue.

Des propos qui résonnent avec l'actualité sociale récente : « À juste titre, les gilets jaunes réclament le rétablissement de l'ISF, car sa suppression, c'est tout simplement la suppression de la solidarité nationale. Mais il faut aussi pointer la flat tax et surtout la conjugaison des deux », explique avec finesse la sociologue.

L'impôt sur les dividendes moins taxé que la première tranche d'impôt sur le revenu

La flat tax, ou Prélèvement forfaitaire unique (PFU), c'est cet impôt entré en vigueur en janvier 2018. Il est présenté comme taxant les intérêts du capital au taux unique de 30 %. « Sauf que c'est faux ! », s'indigne Monique Pinçon-Charlot. Cette flat tax est en fait plafonnée à 12,8 % au titre de l'impôt sur le revenu et 17,2 % sur au titre des prélèvements sociaux.

L'ensemble faisant bien 30 %. « Mais le pourcentage qui fait sens c'est bien 12,8 %, c'est-à-dire que pour la première fois, la taxation des intérêts du capital est inférieure à la première tranche d'imposition des revenus du travail (14 %, ndlr). Et  rien que ça, ça devrait nous donner la rage !  C'est un tournant dans la violence du néolibéralisme et la manipulation linguistique qui va avec ».

Les millionnaires sont au pouvoir

Écoutant avec intérêt la sociologue, Philippe Martinez l'a remerciée pour ce travail de décryptage. Une somme d'informations qui permet d'outiller les syndiqués contre la classe dominante et dirigeante. Des millionnaires qui sont, au mieux, des amis du pouvoir, au pire directement au pouvoir.

Et de citer le nom — un parmi les 15 millionnaires que compte le gouvernement Philippe — de Muriel Pénicaud, ministre du Travail. « Lorsqu'elle était DRH chez Danone, Muriel Pénicaud a gagné 1,7 million de plus-value en une journée en pariant sur la hausse des actions de Danone suite à la suppression de 600 postes. Et c'est la plus riche des ministres qui devient ministre du Travail. Devant une telle violence de classe, on est comme tétanisé », s'indigne Monique Pinçon-Charlot.

Lire pour agir

Elle dira encore que les riches ne veulent plus participer à l'effort collectif en payant l'impôt qu'ils doivent, que l'État, complice de ces prédateurs libéraux, détruit avec eux et pour leur compte le sens du travail, les services publics, la nature même. Bref, que même si la situation est grave, même si tout semble « foutu » ou presque, ce n'est pas une raison pour baisser les bras.

Lire pour agir, c'est le message qu'a voulu livrer Philippe Martinez, car la bataille est aussi — avant tout — idéologique. « Trop souvent j'entends, même chez nous à la CGT, parmi les militants : “il n'y a pas d'argent”. Que les médias dominants appartenant à l'oligarchie tiennent ce discours, je peux comprendre, mais que des camarades le relaient c'est difficile à entendre ».

Le livre de Monique Pinçon-Charlot démontre avec brio et de manière accessible que l'argent est bien entre les mains de quelques-uns, au détriment de tous les autres. Le savoir, le faire savoir, c'est déjà résister.

Le président des ultrariches, chronique du mépris de classe dans la politique d'Emmanuel MacronMichel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, éditions Zones, 176 pages, 14 euros.

Extraits :

« Macron, c'est moi en mieux », confiait Nicolas Sarkozy en juin 2017. En pire, rectifient Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot. Huit ans après Le Président des riches, les sociologues de la grande bourgeoisie poursuivent leur travail d'enquête sur la dérive oligarchique du pouvoir en France.

Au-delà du mépris social évident dont témoignent les petites phrases du président sur « ceux qui ne sont rien », les auteurs documentent la réalité d'un projet politique profondément inégalitaire. Loin d'avoir été un candidat hors système, Emmanuel Macron est un enfant du sérail, adoubé par les puissants, financé par de généreux donateurs, conseillé par des économistes libéraux.

Depuis son arrivée au palais, ce président mal élu a multiplié les cadeaux aux plus riches : suppression de l'ISF, flat tax sur les revenus du capital, suppression de l'exit tax, pérennisation du crédit d'impôt pour les entreprises… Autant de mesures en faveur des privilégiés qui coûtent un « pognon de dingue » alors même que les classes populaires paient la facture sur fond de privatisation plus ou moins rampante des services publics et de faux-semblant en matière de politique écologique.

Mettant en série les faits, arpentant les lieux du pouvoir, brossant le portrait de l'entourage, ce livre fait la chronique édifiante d'une guerre de classe menée depuis le cœur de ce qui s'apparente de plus en plus à une monarchie présidentielle.