Procès Air France : triple peine pour quatre ex-salariés
La cour d’appel condamne quatre prévenus dans l’affaire dite des « chemises arrachées » à Air France. Une décision politique. Lire la suite
Un mois, presque jour pour jour, après la journée nationale pour le respect des libertés syndicales organisée par la CGT, les militants battaient le pavé pour dénoncer de nouvelles poursuites dont font l'objet des syndicalistes.
À Paris, la manifestation organisée près de l'Assemblée nationale a réuni plusieurs milliers de personnes pour qui les mises en garde à vue de syndicalistes d'Air France sont devenues le symbole de la répression qu'ils subissent au quotidien. « Je n'aurais manqué ça pour rien au monde, déclare fièrement Michel Blanche, trésorier de l'union départementale CGT de l'Essonne. C'est une question de justice. »
Les images des membres de la direction d'Air France escaladant, torse nu, des barrières pour échapper à une foule de salariés en colère ont fait le tour du monde. Au cours de la manifestation de jeudi, cette chemise était d'ailleurs devenue le symbole ironique de la lutte pour la sauvegarde des emplois à Air France.
De fait, s'interroge Michel Blanche : « Que vaut une chemise, fût-elle de luxe – et j'aurais même tendance à dire, surtout de luxe – comparée à 2 900 licenciements ? Ce n'est vraiment rien du tout ! »
Il va même jusqu'à accuser les dirigeants de la compagnie aérienne d'avoir joué le jeu de la provocation : « La direction d'Air France, elle-même, s'attendait à de vives réactions, explique-t-il, elle a tout fait pour que ça se passe comme ça. » La décision de faire traverser une foule en colère par des membres de la direction de la compagnie aérienne semble, en effet, bien risquée.
Dans une interview accordée au Parisien, Xavier Broseta, le DRH d'Air France, apparaissant sur la vidéo du 5 octobre, est revenu sur cette bousculade. Il y explique ne pas avoir anticipé de tels dérapages et que des responsables de la CGT et de FO ont tenté de l'escorter et de l'exfiltrer tant bien que mal.
Quelques jours plus tard, vers 6 heures du matin, des salariés de la compagnie aérienne sont interpellés à leur domicile. Une procédure « complètement disproportionnée par rapport aux faits », estime Michel Blanche, mais qui participe à la politique actuelle menée par le gouvernement pour soutenir le patronat.
« Les PDG du CAC 40 ont le vent en poupe parce que toutes les lois vont dans leur sens, analyse-t-il, le gouvernement les appuie. Donc, ils se lâchent. Ils se lâchent même très vulgairement. »
Dès le 6 octobre, au lendemain du fameux « épisode de la chemise », le premier ministre, Manuel Valls, avait en effet pris la défense de la direction d'Air France, en dénonçant ces incidents comme étant « l'œuvre de voyous ».
Pas de surprise pour Michel Blanche, pour qui le gouvernement actuel tente, au travers des lois Macron et Rebsamen ou du rapport Combrexelle, « d'empêcher la réaction syndicale, pour donner moins de moyens aux organisations syndicales qui luttent ».
Des lois qu'il met en parallèle avec les remises en cause des bourses du travail, entre autres, au Blanc-Mesnil (93), à Toulouse (31) ou à Nice (06). « Sur le fond, toutes ces lois sont antisyndicales – en tout cas, pour ce qui concerne le syndicalisme de lutte – et antisociales pour l'ensemble des salariés. »
« Le mouvement social est mis “sous surveillance” juridique, déplore Olivier Cammas, responsable de l'union syndicale CGT à l'AP-HP. Quand on a la velléité de revendiquer des droits sociaux ou de défendre des droits sociaux acquis par la lutte, on nous réprime, voire on nous diabolise. On essaye de nous marginaliser », explique-t-il, en pointant du doigt les méthodes employées.
Il s'agit là d'une « répression du mouvement syndical » au travers d'une « répression des salariés » et, en particulier de la CGT, précise Olivier Cammas.
Mais suite aux poursuites entreprises à l'encontre de membres de l'organisation, c'est l'ensemble du monde syndical qui a manifesté son ras-le-bol jeudi dernier. Aux côtés de la CGT, l'UNSA, Solidaires ou encore FO.
Des syndicats de pilotes, « qui ne sont pas forcément des grands révolutionnaires », étaient également présents, admet Olivier Cammas. La preuve, souligne-t-il, que l'unité syndicale n'est pas une unité de façade ; c'est une « unité de colère ».
Cette colère, Damien Jouanne la partage également. Ce délégué du personnel (CGT) chez Dassault Aviation avait, lui aussi, fait le chemin vers l'Assemblée. Jeudi après-midi, ils étaient deux cents salariés du site d'Argenteuil (95) à se déclarer en grève, et une cinquantaine d'entre eux ont accompagné Damien Jouanne à Paris.
Ils ont rejoint la manifestation pour dénoncer les méthodes utilisées par le patronat, avec, expliquent-ils, la complicité du gouvernement : « Il n'y a pas de dialogue, on leur annonce 3 000 licenciements en leur disant que c'est inéluctable. »
Damien Jouanne constate qu'il y a un parallèle avec ce qu'il vit, lui aussi, dans son entreprise. « Nous nous sommes tout de suite mis à leur place ; ce sont des choses qui pourraient très bien arriver chez nous, raconte-t-il. Les DRH avec des “méthodes de voyous”, les provocations, les accusations de salariés… on connaît. Alors, on s'identifie facilement. »
Olivier Cammas voit aussi, dans la situation d'Air France une ressemblance avec les luttes actuelles au sein de l'établissement public de santé parisien.
« Les restructurations, les privatisations, les suppressions d'emploi, le chantage à l'emploi et la remise en cause des RTT : ce mouvement social a beaucoup de similitudes avec notre mouvement à l'AP-HP. » Autant de raisons qui conduisent toutes les personnes interviewées à comprendre la colère de leurs camarades d'Air France.
Retrouvez le cahier de l'Union régionale d'Île-de-France de la CGT
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