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CINÉMA

Le film « Voir le jour » : chronique sociale et portrait de femmes

11 août 2020 | Mise à jour le 12 août 2020
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Le film « Voir le jour » : chronique sociale et portrait de femmes

Voir le jour, le troisième long-métrage de Marion Laine, est l'adaptation du roman de Julie Bonnie Chambre 2. La cinéaste y retrace le quotidien d'une maternité marseillaise à travers le portrait d'une auxiliaire de puériculture. Auquel Sandrine Bonnaire apporte son humanité.

Voir le jour, réalisé par Marion Laine. 1H31. Sortie nationale le 12 août 2020

De nos jours, à Marseille. Jeanne, travaille comme auxiliaire dans une maternité à un rythme infernal. En sous-effectif récurrent, le service connaît des tensions ; face à une direction gestionnaire, elle et ses collègues (dont nombre de sages femmes) se battent pour défendre une approche plus humaine qui respecte davantage les mères et leurs bébés. Dans un plan séquence qui en dit long sur l'ampleur des besoins face au manque de personnel disponible, le récit installe d'emblée un climat de crise avec la mort dramatique d'un nouveau-né. En partie responsable, Jeanne se débat avec sa culpabilité, un sentiment qui fait ressurgir les blessures d'une vie passée cachée, liée à Zoé, sa fille de 18 ans, qu'elle élève seule.

Adaptation d'un roman

Marion Laine avait obtenu un succès d'estime en 2008 avec son premier long-métrage Un cœur simple, film d'époque sensible où Sandrine Bonnaire tenait déjà le haut de l'affiche face à Marina Foïs.

Après avoir collaboré à l'écriture de plusieurs scénarios dont l'adaptation réussie Des vents contraires, roman d'Oliver Adam et deuxième film de Jalil Lespert, elle s'empare ici du roman de Julie Bonnie, Chambre 2 (Ed. Belfond) et retrouve avec bonheur la comédienne.

Chronique sociale d'une maternité sous pression

Le quotidien de la maternité donne le rythme au récit et s'impose bien plus qu'un simple cadre. Sans faire l'objet d'un réalisme documentaire, il s'impose comme un élément révélateur de notre société et des tensions sociales qui la traversent.

À l'heure de l'épidémie de coronavirus et des besoins d'accueil à l'hôpital public, cette chronique hospitalière donne à voir l'envers du décor. « À 18 ans, j'ai eu l'occasion de travailler un été dans un hôpital, explique la cinéaste dans le dossier de presse. L'expérience a été suffisamment marquante pour que des années plus tard, elle soit encore le terreau de mes scénarios. (…) Et je me suis beaucoup appuyée sur le livre de Julie Bonnie pour toute cette partie. Comme Julie [Bonnie, NDLR] s'amuse à le décrire, ce métier, c'est aussi« tâter des seins » toute la journée pour montrer aux mères comment allaiter. Et certes, tu aides à donner la vie, mais tu enchaînes les gardes de jour, de nuit, tu n'as plus d'horaires, tu n'existes plus vraiment en tant que femme à l'extérieur. Ta vie, ta maison, c'est un peu l'hôpital. J'avais envie de dénoncer ces conditions de travail, montrer à travers tous ces personnages que consacrer sa vie à un métier qu'on aime ne signifie pas qu'on doit être sous-payée. »

La réalité de l'organisation du travail, les injonctions paradoxales, les enchaînements de gardes pour cause de personnel manquant ou d'arrêts maladies,… c'est un faisceau entier de données qui montrent la vulnérabilité d'un système qui ne tient qu'à un fil : celui du dévouement des femmes qui y travaillent.

Pourtant, Francesca, la doyenne des sage femmes qui milite en faveur de l'ouverture d'une maison de l'enfance – qui pratiquerait des accouchements moins médicalisés – et qui, en tant que syndicaliste, appelle à la mobilisation apparaît comme isolée. Jusqu'à un certain ras-le-bol ou un éveil des consciences… ?

Portraits de femmes en forme d'hommage… à la comédienne

L'autre dimension importante du film est celle d'un éventail de portraits de femmes qui ne se confond pas avec ceux de mères. La maternité n'est pas un passage obligé et la cinéaste inscrit la liberté du désir chez chacune des personnages.

C'est une vision universaliste des femmes qui s'impose. D'autant plus importante à souligner que la lutte grandissante des anti-IVG fait planer la menace jusqu'aux portes de l'hôpital…

De la sage-femme critique et revenue de tout, à l'auxiliaire de puériculture à la vocation vacillante, en passant par l'infirmière solitaire qui ploie sous la culpabilité professionnelle d'un drame déjà vécu personnellement, Marion Laine livre un récit sensible et un vibrant hommage à ces femmes et à leur humanité. Une humanité qui n'aurait pas été la même sans un trio de comédiennes remarquable : Brigitte Roüan, Sandrine Bonnaire, Aure Atica.