Première victoire contre les sanctions imposées à Anthony Smith
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En 2020, tu as été suspendu puis muté dans un autre département. Pourquoi ?
On m'a reproché d'avoir fait mon travail : c'est-à-dire que j'ai saisi un juge indépendant pour ordonner des mesures de protection pour les salariées d'une association d'aide à domicile au début de la pandémie de Covid. Ces personnes avaient des difficultés à se procurer des masques et rencontraient de nombreux problèmes relevant de l'organisation du travail. J'y suis allé, j'ai essayé de discuter avec l'employeur, sans résultat. J'ai donc été obligé de faire un référé, ce qui est l'arme ultime pour un inspecteur du travail. Et c'est là que j'ai été convoqué par toute la hiérarchie et que l'Etat s'est mis à exercer sur moi une pression de dingue.
Cette affaire a provoqué un grand élan de solidarité. Quels enseignements tires-tu de ce combat que tu as fini par gagner ?
Le premier enseignement, c'est la force qu'apporte une bataille collective qui est allée crescendo : celle de la CGT, de la CGT-TEFP (ministère du Travail), mon syndicat, de ma fédération, de la confédération et de l'interprofessionnel. Mon livre raconte l'ampleur du mouvement, dans la Marne, bien sûr, mais aussi nationalement avec des centaines de motions venues de nombreuses entreprises. Le second enseignement, c'est que le fonctionnaire, pour être au service de l'intérêt général – et c'est pour cela que je fais ce métier –ne doit pas être servile. De plus en plus, on demande aux fonctionnaires d'obéir sans poser de questions. Or, l'inspecteur du travail est indépendant, et c'est cela qu'il faut rétablir. Nous devons être des fonctionnaires qui pensons et agissons par nous- mêmes. C'est comme cela qu'on redonne du sens à la fonction publique au service de l'intérêt général. Ce sont là les deux grands enseignements.
Et ta vie, dans tout ça ?
Il faut voir comment la répression s'est abattue sur moi ! Je raconte ce que j'ai subi avec la suspension de mes fonctions, les deux ans de sanction et, en tout, deux ans et demi pour obtenir la réintégration à mon poste. Il y a eu l'implication des différentes strates du pouvoir : le conseil départemental, le préfet, le cabinet de la ministre du Travail [Muriel Pénicaud], la direction départementale. Elles se mettent d'accord et échangent des courriels pour me débrancher. Tout cela a été documenté par la presse qui, si elle n'avait pas fait ce travail, ne m'aurait pas permis de le faire valoir devant le tribunal. De fait, le juge n'a pu que constater que j'ai utilisé une procédure qui s'appelle le référé, laquelle était de mon devoir.
Ce préjudice a-t-il été réparé ?
L'Etat a été contraint de me réintégrer à mon poste et n'a pas fait appel devant la cour administrative d'appel. C'est une défaite en rase campagne. Mais espérer de leur part une réparation, c'est impensable. Je n'ai donc rien demandé. Cependant, des procès sont toujours en cours à l'encontre de camarades qui m'ont soutenu. Sabine Duménil, secrétaire générale de l'UD-CGT de la Marne, et un autre responsable de mon syndicat sont jugés pour injure et diffamation envers la directrice départementale du travail. Ce sont des procédures chronophages, coûteuses et infamantes. Des syndicalistes sont mis en examen et c'est l'état qui finance la protection fonctionnelle de la directrice contre les responsables de la CGT.
Entretien réalisé par Régis Frutier
918 jours, le combat d'un inspecteur du travail, d'Anthony Smith et de Marie-Pierre Vieu, août 2023, éd. Arcane 17, 128 pages, 13 euros.
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