La CGT analyse les offres illégales de Pôle emploi
Le site de Pôle emploi propose des offres d'emplois dont les modalités, la description ou le manque d'information les rendent illégales. Lire la suite
Les 915 agences de Pôle emploi disparaîtront-elles un jour totalement du paysage français ? La question mérite d'être posée tant l'institution, dont les activités sont de plus en plus confiées au privé, se trouve à la croisée des chemins. « Pour le moment on a fermé les agences spécialisées et on a commencé à regrouper plusieurs sites dans les grandes villes, explique Sylvie Espagnolle, déléguée syndicale centrale de la CGT Pôle emploi. Mais cela ne va pas s'arrêter là, notamment en milieu rural. »
Un mouvement qui va de pair avec la dématérialisation à marche forcée et une réduction des effectifs, qui a débuté en 2018 par la suppression de 297 équivalents plein temps et de 1 400 contrats aidés. Et ce n'est pas fini. En 2019, 800 équivalents plein temps à Pôle emploi (soit 1 200 à 1 300 postes) et 550 postes à l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), pourraient être supprimés.
Des coupes claires inacceptables pour la CGT, qui appelle avec l'intersyndicale à la grève le 20 novembre prochain. Le tout, dans un contexte de hausse du nombre des demandeurs d'emploi en catégorie A (sans travail et tenus d'en chercher un) de 0,5 % au troisième trimestre en France métropolitaine.
Les « portefeuilles » – un euphémisme maison pour désigner le nombre de demandeurs d'emploi que doit suivre un agent – explosent : entre 500 et 800 personnes par agent, contre 75 à 100 personnes pour les publics les plus éloignés de l'emploi.
L'heure est à la dématérialisation et à l'externalisation des services, quitte à rogner sur le conseil aux chômeurs, contrairement au discours affiché. Du coup, les agents ont de plus en plus de mal à remplir leur mission de conseil et sont en souffrance. « Nous sommes censés avoir des plages pour la réception du public, mais comme nous sommes multitâches, nous avons de moins en moins de temps et nous sommes obligés de faire de la “segmentation de portefeuille” », explique Julie (son prénom a été changé), conseillère à l'emploi dans une agence parisienne et déléguée syndicale CGT.
Autrement dit, trier « le bon grain de l'ivraie », en laissant de côté les plus autonomes. Sans parler des réorganisations régulières du travail et des statistiques sur la performance des agents, qui minent jusqu'aux meilleures volontés. « Il y a une vraie perte de sens, avec une compétition entre les agences, ajoute Julie. Nous avons l'impression d'être fliqués en permanence, alors que l'on n'arrête pas de nous répéter que nous avons une marge d'autonomie. »
Les dysfonctionnements s'accumulent eux aussi : retards de paiement, trop-perçus générés à tort (les « indus »). Enfin, le prestataire censé alléger le travail des équipes en interne plombe leur travail et transforme les agences en usines à gaz. Ce qui met à mal le discours ambiant sur la dématérialisation, censée produire des économies d'échelle et des gains de productivité.
« On se rend compte que tout n'est pas si simple, que l'humain est indispensable », ajoute Nathalie Potavin. Et ce n'est pas le recours massif aux 3 200 jeunes en service civique (chiffres de juin 2018), sans aucun droit et sous-payés, qui va arranger les choses.
Ces derniers sont d'ailleurs au mieux considérés comme des fainéants qui n'auraient qu'à traverser la rue pour trouver un emploi. Au pire comme des fraudeurs ou des fumistes qui ne cherchent pas d'emploi.
« On passe d'une logique d'accompagnement à une logique exclusivement répressive, en multipliant par cinq les effectifs de brigade de contrôle des chômeurs qui sont désormais 600, contre 200 début 2018, principalement via des mutations », ajoute Pierre Athenour. Un état d'esprit et une inversion de la responsabilité qui pèsent de plus en plus sur les épaules des chômeurs.
« Tout le système nous pousse à leur faire accepter un emploi non choisi, notamment dans des métiers en tension, avec des salaires et des conditions de travail dégradés », explique-t-il.
Signe supplémentaire de ces temps troublés, à l'heure des négociations sur l'assurance chômage, l'exécutif a identifié deux failles : d'une part, les entreprises qui abusent des CDD et, d'autre part, les « permittents » qui alternent période de travail et période d'indemnisation par Pôle emploi, et qui traîneraient des pieds pour retrouver un boulot.
D'où la volonté de changer les règles tout en assainissant les comptes de l'Unedic — le gestionnaire de l'assurance chômage —, qui a enregistré un déficit de 3,4 milliards d'euros en 2017. Pour ce faire, toutes les options sont sur la table. Le cumul d'allocations chômage et de salaires, qu'utilisent les 865 000 chômeurs « permittents », est dans la ligne de mire, comme la dégressivité des allocations chômage. En remplaçant les cotisations sociales par une hausse de la CSG, le gouvernement affiche aussi sa volonté d'étatiser l'assurance chômage.
Article paru dans le numéro 112 de novembre 2018 d'Ensemble !, le mensuel des adhérents de la CGT.