La fin de quatre ans de présidence Trump
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« C'est un désastre complet », déplore Kent Hudson, spécialiste américain de l'investissement social, à l'annonce des résultats. Alors que les États ouvriers du Michigan, de la Pennsylvanie, du Wisconsin ou de l'Ohio se sont tous tournés vers la droite « extrême » de Donald Trump, la faute en revient, selon l'analyse d'Hudson, aux démocrates qui n'ont pas su répondre aux questions d'une Amérique en proie au sentiment de déclassement.
« Des millions d'Américains ont perdu leur maison pendant la crise des subprimes de 2008, ils triment dans des emplois de merde, et les démocrates n'ont pas été capables de régler ces problèmes, explique-t-il. Si les démocrates au pouvoir avaient été capables de mettre quelques banquiers en prison », poursuit-il, le résultat aurait été différent.
Si les États « cols bleus » sont passés au rouge, couleur du parti républicain, c'est aussi que Donald Trump a rompu les lignes de son propre parti. Habituellement, ultralibéraux et favorables au libre-échange, les républicains ont soutenu pendant des décennies les traités de libre-échange, notamment avec leurs voisins canadiens et mexicains. Trump s'est positionné à l'opposé en proposant de réviser ces traités, allant même jusqu'à appeler de ses vœux la construction d'un mur à la frontière mexicaine.
Ce mur mexicain est d'ailleurs devenu le symbole d'une campagne hallucinante durant laquelle les promesses démagogiques ont pris le pas sur les propositions concrètes.
« D'habitude, les élections américaines sont plutôt intéressantes en termes de débat politique, constate Hudson, elles se concentrent sur les problèmes. Pour la première fois, j'ai assisté à une élection où les vrais problèmes n'ont pas été évoqués. Toute l'élection a tourné autour de la personnalité des candidats. » Dans cette campagne, les discussions ont tourné autour du courage « anti-establishment » de l'un et de la morale de l'autre.
Reconduction à la frontière des sans-papiers mexicains, interdiction du territoire aux musulmans, dénonciation des accords de Paris sur le climat ont su séduire l'électorat américain tandis que la candidate Clinton s'est lancée sans entrain dans la bataille des salaires, en soutenant, à demi-mot, les revendications de Fight for 15 $ pour la hausse du salaire minimum à 15 dollars.
Les tensions raciales ont également porté le candidat républicain. En plein cœur de la campagne présidentielle sont apparus le mouvement Black Lives Matter, et son pendant All Lives Matter, en référence aux meurtres de citoyens afro-américains par la police blanche.
Historiquement, « les ouvriers blancs américains n'ont jamais été racistes », estime Hudson, mais le gros travail des syndicats et du Parti socialiste des États-Unis pour la cohésion entre ouvriers blancs et ouvriers noirs « semble être effacé ».
Outre l'élection présidentielle, les Américains votaient également, mardi, pour les législatives. Là aussi, les républicains ont raflé la mise. Qu'il s'agisse de la Chambre des représentants – qui représente le peuple – ou le Sénat – représentant les États fédérés – , les urnes donnent une majorité au parti de Donald Trump.
Le pays est pourtant habitué aux cohabitations. Barack Obama avait d'ailleurs fait les frais de ce système électoral en perdant la main sur les chambres deux ans après sa première élection. Pour le reste de ses deux mandats, il avait alors été pieds et poings liés, et incapable de mener à bien les réformes pour lesquelles il avait été élu. Résultat, une refonte du système d'assurance santé au rabais ou encore une réforme visant à protéger les libertés syndicales passée à la trappe.
Mais c'est sur le plan judiciaire que cette élection aura peut-être le plus gros impact. La très puissante Cour suprême, dont les juges sont désignés à vie par le président, a perdu l'un de ses membres, Antonin Scalia, en février dernier. Des huit juges toujours en exercice, quatre sont de sensibilité démocrate, les quatre autres de sensibilité républicaine. Face au blocage du Parlement, Barack Obama s'était vu dans l'incapacité de désigner lui-même le remplaçant d'Antonin Scalia. Il revient donc désormais à Donald Trump de choisir son remplaçant, donnant ainsi la majorité des sièges aux républicains.
Une décision majeure, à l'heure où des questions sur le droit à l'avortement, le financement des syndicats, ou encore l'égalité raciale, doivent être tranchées.
Notre dossier sur les États-Unis
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