La solidarité se développe en grand
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832 ex-salariés de Goodyear Amiens entendent faire reconnaître le licenciement abusif dont ils ont été victimes en 2014. Pour ce procès aux prud'hommes hors du commun qui s'est ouvert ce 4 octobre, la grande salle du Zénith d'Amiens a été réquisitionnée, afin d'accueillir l'ensemble des plaignants.
Ils sont nombreux à être venus défendre leur cause, à l'intérieur de la salle et devant l'entrée méga cité, où plusieurs centaines de manifestants ont répondu à l'appel de l'UD CGT de la Somme et des deux unions locales CGT d'Amiens. On remarque de nombreux tee-shirts CGT Goodyear, mais aussi la présence de délégués CGT de Whirlpool, une autre grande entreprise amiénoise victime emblématique de la politique des multinationales.
Outre les manifestants picards, des délégations de salariés en lutte sont venues de toute la France, notamment la CGT Ford Blanquefort (Gironde), des postiers en grève des Hauts-de-Seine ou encore des personnels hospitaliers du département du Nord. Des personnalités politiques ont aussi fait le déplacement, comme Philippe Poutou avec les Ford, ou encore le député FI de la circonscription, François Ruffin.
Durant son plaidoyer, qui durera plus de quatre heures, maître Fiodor Rilov démontre point par point que Goodyear licenciait l'année même où il engrangeait 2,5 milliards de dollars, soit le record absolu de son histoire. Méthodiquement, il exhume un écrit du patron de la firme qui affiche l'objectif réel de la fermeture adressé au gendarme de la Bourse américaine : augmenter de 75 millions de dollars la rentabilité en Europe. Il montre aussi la manipulation fiscale opérée par la firme entre ses filiales française et luxembourgeoise.
Il relate aussi cette année de souffrance subie en 2014 par les salariés, contraints de venir à leur poste avec un contrôle tatillon des horaires, alors qu'aucune production ne leur est demandée. De quoi en faire craquer plus d'un. Enfin, il dénonce la vaste fumisterie des propositions de reclassement des salariés.
En face, les avocats de la partie adverse auront bien du mal à justifier que la fermeture était indispensable au vu de l'endettement de la firme…
« Nous avons été licenciés sans légitimité et dans le seul objectif d'augmenter le profit de l'entreprise. Et Goodyear a dévasté le bassin d'emplois. Face aux logiques financières néfastes, il faut maintenant faire converger les luttes », exhorte Mickael Wamen, leader charismatique de la CGT Goodyear.
« Pour les 1200 salariés licenciés, j'espère que ce tribunal des prud'hommes va faire condamner la firme », reprend de son côté Évelyne Becker, ancienne élue CGT de Goodyear. Et d'évoquer le drame, pour 80 % des licenciés, de demeurer aujourd'hui dans la précarité, avec son cortège de suicides. Elle-même et d'autres multiplient les stages et formation de reconversion, mais sans jamais avoir l'équivalent de cet emploi perdu.
Chez Goodyear, les faits remontent à 2014. Ils doivent donc être jugés avec les textes en vigueur à l'époque. Depuis la loi El Khomri, puis les ordonnances qui modifient le droit du travail, tout a changé. Désormais, notamment, on n'appréciera plus la situation économique d'une entreprise au niveau d'un groupe pour pouvoir justifier des licenciements, mais les directions pourront limiter le périmètre au niveau d'un seul établissement. Un changement qui autorise tous les tours de passe-passe pour une multinationale.
En outre, la loi a limité considérablement le montant des réparations que les victimes peuvent réclamer aux prud'hommes. Le rendu du jugement est attendu en mai prochain. Seule une sévère condamnation de la firme saurait apaiser une région entière dévastée.
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