À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
SYNDICALISATION

Les jeunes et la CGT en débat

14 octobre 2016 | Mise à jour le 12 décembre 2016
Par
Les jeunes et la CGT en débat

La Bourse du travail de Malakoff organisait, mercredi 12 octobre, un débat sur l'engagement des jeunes. Entre envie et décalage, la parole vive des jeunes, étudiants ou non, questionne la pratique syndicale.

La Bourse du travail de Malakoff organisait, mercredi 12 octobre, un débat sur l'engagement des jeunes autour d'un film de 20 minutes sur la perception qu'ont les jeunes du travail, de l'engagement, du syndicalisme. Entre envie et décalage, la parole vive et libre des étudiants ou de jeunes qui peinent à entrer dans la vie active questionne la pratique syndicale.

Si je vous dis « travail ? ». Sur l'écran, dans la Bourse du travail de Malakoff, les visages défilent. Filles, garçons, look sages ou rebelles, étudiants, jeunes en CDI, en galère, en stage… enchaînent les réponses. Pour eux, le travail, c'est « une passion », « un fardeau ». Ca peut être aussi « émancipateur », ou « la précarité », ou « l'esclavage »… Et le syndicat, c'est quoi ? « je ne sais pas », « des brûleurs de pneus », qui « bloquent les transports », « l'union fait la force », « il y en a trop », « ils se battent pour rien »…

Les jeunes qui apparaissent dans le film « S'engager c'est osé/er » (voir encadré) témoignent avec vivacité du rapport qu'ils entretiennent avec le monde du travail et les organisations syndicales.

Un film « pour être raccord »

L'idée de départ du projet part d'un constat : le besoin de comprendre pourquoi les jeunes sont si peu nombreux dans les syndicats. Trois militants CGT, Nawel Benchlikha, secrétaire administrative à la bourse du travail, Gérard Billon, son président et Jean-Pierre Quilgars, conseil en événementiel et militant CGT décident de toucher les jeunes par le canal le plus naturel : l'image, l'audiovisuel. Au total, 23 jeunes, entre 17 et 35 ans, répondent à l'appel.

Résultat ? Un film vrai, dynamique et bien rythmé qui, en une vingtaine de minutes, donne à voir un portrait nuancé de la jeunesse face au monde du travail et aux syndicats. Donne à entendre ses interrogations et ses paradoxes. « Des contradictions qui sont celles de notre société également », a commenté Bernadette Groison durant le débat qui rassemblait à la tribune Philippe Martinez pour la CGT, Cassandre Bliot de l'Unef, Giuseppe Adviges de l'Union nationale des lycéens (UNL) et la politologue Sophie Béroud
« Les jeunes ont besoin de collectif et les syndicats d'aujourd'hui ne leur parlent pas vraiment. Comment être raccord ? », s'interroge encore la secrétaire générale de la FSU.

Le « je t'aime moi non plus » des jeunes

Pas de réponse toute fait mais Cassandre Bliot de l'Unef donne une explication à ce nouveau « je t'aime moi non plus. « Les syndicats sont perçus comme des organisations traditionnelles et dans leur grande majorité, les jeunes rejettent toutes formes d'organisations traditionnelles et hiérarchisées. » Pour autant, l'étudiante s'est félicitée des possibles convergences entre de nouvelles formes de luttes qui émergent (pétition en ligne, meeting, concert, occupation des lieux publics comme Nuit Debout…) et les manifestations, les blocages et les tracts plus « traditionnels ».

Revenant sur le thème du travail dans un modèle économique en crise, Philippe Martinez a insisté sur le rapport au travail qui structure tous les individus, même les jeunes. « Ceux de la génération Mitterrand comme moi connaissaient des périodes de chômage de six mois avant d'entrer dans la vie active. Celles d'après y restent en moyenne deux ans et connaissent la précarité des petits boulots ».

Oser… se faire bousculer par la jeunesse

Sophie Béroud a tenu à préciser que la distorsion entre les jeunes et les syndicats ne datent pas d'hier. « Dès les années 70, la CGT met en place un collectif de la jeunesse pour réfléchir aux problématiques propres des jeunes ». Et l'universitaire de noter aussi que « rendre l'univers syndical familier est un vrai défi », notamment quand la précarité, les jobs d'appoints, les périodes de chômages favorisent l'atomisation des individus.

Dans la salle, les interventions spontanées et parfois rugueuses de la jeunesse jugeaient l'image des syndicats « dépassée », « ringarde », « trop frites-merguez ». Pas de quoi désarçonner Philippe Martinez. « Notre image elle passe d'abord par l'échange avec les autres. La CGT a l'image d'un syndicat accessible, souvent utile aux salariés et à la jeunesse. Mais c'est sûr, on ne cultive pas l'image du syndicat institutionnel qui plait aux élus et aux médias ».

Au final, « comment faire pour que les jeunes soit syndicables ? », questionnait faussement naïve une jeune intervenante dans la salle. Leur faire une place et les laisser exprimer leurs idées, leurs façons de voir le monde, même si elles peuvent heurter quelques convictions bien ancrées, seraient sans doute la meilleure façon pour les syndicats d'oser faire le pari de la jeunesse.

______________________________________________________________

Question syndicale et grammaticale

Sur l'affiche la rature digne d'un cahier d'écolier titille la réflexion. Il faut dire que son orthographe hésitant entre « é » et « er » sème le doute. Participe passé ou infinitif ? Loin d'être une faute, la polysémie est assumée et revendiquée par les organisateurs.

« Au cours des 4 heures de rush on ressentait vraiment le besoin de s'engager chez les jeunes même si les formes d'engagement n'étaient pas clairement définies, explique Nawel Benchlikha. Quand on abordait la question du syndicalisme, les jeunes exprimaient l'idée que s'engager c'est osé. Pas en ayant conscience des discriminations dont sont souvent victimes les militants mais surtout parce que l'image des syndicats n'est pas très glorieuse. D'où s'engager c'est osé comme on dirait s'engager c'est gonflé.

Et puis, paradoxalement, cette jeunesse qui se présente elle-même comme individualiste partage les idéaux de solidarité que le syndicalisme porte. « Il ressortait de leurs témoignages le besoin de se rendre utile. Dans ce sens là, s'engager c'est oser… agir, se mobiliser, résister, précise encore Nawel avant d'ajouter malicieuse et le hashtag, c'est pour être à la mode ! »