
La nuit de la duperie
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Front uni à Bruxelles, le 21 mars 2025. Face à la logique réactionnaire du pouvoir, les principales organisations syndicales du pays multiplient les journées de mobilisation afin de sensibiliser l’opinion publique.
« Nous sommes à un tournant de l'histoire sociale belge, souffle Myriam Djegham, secrétaire nationale de la Confédération des syndicats chrétiens de Belgique (CSC), premier syndicat du pays. Ce gouvernement attaque l'ensemble des travailleurs, avec une destruction très claire de la législation sociale. » Le ton est donné.
La Belgique affiche l'un des taux de syndicalisation les plus élevés d'Europe. En 2019, selon Statista, près de 49,1 % des Belges étaient syndiqués, contre 8,8 % en France. La raison en est simple : historiquement créés comme caisses de secours, les syndicats belges ont conservé ce rôle en participant à la gestion et au paiement des allocations chômage. Véritables piliers du système social belge, ils sont en première ligne face à une remise en cause de ce modèle et des réalités sociales des travailleurs.
La Belgique est un terrain politique très complexe. En 2010 et 2011, le pays a connu une crise sans précédent, restant sans gouvernement pendant cinq cent quarante et un jours. Record mondial ! Au total, certains politologues estiment que la Belgique a passé près d'un quart des vingt dernières années sans gouvernement fédéral. Cette instabilité chronique s'explique en partie par la structure institutionnelle du pays : un État fédéral et des gouvernements régionaux (flamands, wallons, bruxellois), chacun composé de partis linguistiquement et idéologiquement différents, avec leurs propres parlements. À cette architecture déjà lourde s'ajoute un phénomène plus large : la montée de l'extrême droite. Cette dynamique est fortement influencée par la fracture linguistique qui divise le pays et pèse sur les choix électoraux, les alliances politiques et syndicales.
Comme l'explique la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB), deuxième syndicat du pays, l'extrême droite flamande véhicule une vision très stéréotypée : le Wallon est vu comme « le migrant, le chômeur, le wokiste », tandis que le Flamand serait « celui qui travaille dur et fait vivre le pays ». Un discours qui accentue le clivage entre les deux régions. Depuis le début de l'année, la Belgique est gouvernée par une coalition appelée « Arizona », dirigée par Bart De Wever, Premier ministre et président du parti nationaliste flamand, la N-VA. Un gouvernement impopulaire parmi la population.
La Flandre est depuis longtemps un terreau favorable à l'extrême droite. La N-VA et le Vlaams Belang y sont en tête des scrutins. Deux partis aux positions parfois divergentes, mais qui prônent le nationalisme, l'indépendance de la région et, pour certains, une sortie de l'Union européenne. Si la N-VA refuse l'étiquette d'extrême droite, elle reprend des éléments de ce discours. Le Vlaams Belang, lui, fièrement étiqueté extrême droite, connaît une progression spectaculaire. Déjà bien implanté, il a réalisé une percée notable lors des élections de mai 2024, passant de six à plus de vingt-trois sièges au Parlement flamand. Il devient ainsi la deuxième force politique de la région, derrière la N-VA.
Relativement épargnée pour le moment, la Wallonie voit émerger des discours de plus en plus radicaux. « Un parti soi-disant de droite tient des propos clairement d'extrême droite », dénonce Myriam Djegham, en référence au Mouvement réformateur (MR), premier parti de la région. Du côté de la FGTB, même constat : « Plusieurs personnalités du MR dérivent dangereusement, stigmatisent les étrangers et ciblent ouvertement les syndicats et les mutuelles. »
Dans ce climat, les discours xénophobes, sexistes, racistes et antisociaux se libèrent, y compris dans les rangs des partis dits « traditionnels », qui glissent vers des positions extrêmes. Ces dérives sont aussi alimentées par des tensions internationales croissantes, notamment autour des guerres et conflits géopolitiques actuels. Cet été, la question de Gaza a divisé les partis politiques, les citoyens et les travailleurs. Une potentielle chute du gouvernement a même été évoquée, faute d'accord entre les partis sur la reconnaissance palestinienne. « Les guerres font reculer toutes les conquêtes sociales. C'est pourquoi les luttes syndicales sont intrinsèquement liées au mouvement pour la paix », témoigne la FGTB.
Les premiers à éprouver les agissements du gouvernement Arizona sont les travailleurs. Dès ses débuts, l'exécutif a envisagé des mesures contre les acquis sociaux fondamentaux. Parmi elles, la possibilité pour les employeurs d'imposer jusqu'à cinquante heures de travail par semaine et douze heures par jour, revenant sur la journée de huit heures historiquement gagnée. Un retour en arrière brutal dicté par une logique de rentabilité à court terme qui ignore la réalité du terrain, notamment dans le commerce, la santé ou bien l'enseignement.
La « réforme » du marché du travail ne s'arrête pas là. Les coupes visent aussi les services publics, les associations, les pensions, les allocations familiales ou encore l'âge de départ à la retraite, déjà fixé à 67 ans. Autre exemple emblématique : la suppression de l'interdiction du travail de nuit, prévue dans l'accord gouvernemental. « L'État fait des cadeaux aux patrons, et durcit les conditions de vie des plus vulnérables », fustige la syndicaliste.
Au-delà des « réformes » économiques, c'est la nature même de l'État qui inquiète les syndicats. « On est dans un État autoritaire, qui renforce la police et la défense, tout en faisant des cadeaux fiscaux aux entreprises, au détriment des travailleurs », accuse la leader de la CSC. Laquelle pointe aussi une attaque croissante contre la liberté d'expression des syndicats : « Nous assistons à une montée d'un minitrumpisme à la belge, qui vise à limiter au max notre capacité de résistance. Mais elle est là et nous espérons qu'elle va s'amplifier. » Pour la FGTB, même son de cloche : « Le MR n'hésite pas à diffamer et à diaboliser les syndicats, les mutuelles et les services publics. Tout ce qui touche à la justice sociale. »
Le tableau dressé par les syndicats est sombre : une classe moyenne qui disparaît, des travailleurs âgés poussés jusqu'à l'épuisement, un taux de sans-abris qui explose. « La Belgique glisse vers un modèle ultralibéral à l'américaine, où la précarité est la norme », alerte Myriam Djegham.
Face à ces attaques, les syndicats belges cherchent à repolitiser leurs actions, notamment en entreprise. « On a parfois évité les propos qui fâchent, c'était une erreur », déplore Myriam Djegham. Les syndicats veulent désormais réarmer politiquement les travailleurs, en rouvrant des espaces de débat sur les mécanismes de régression et d'attaque sociales, en particulier concernant l'immigration, le chômage ou les politiques économiques. Dans cette optique, la FGTB insiste sur l'importance de renforcer le cordon sanitaire. Ce principe, spécifique à la Belgique, repose sur une double règle. Politique, d'une part, qui interdit aux partis démocratiques de s'allier ou de négocier avec l'extrême droite ; médiatique, d'autre part, qui interdit leur présence dans les médias pour ne pas la légitimer. Ce dispositif a, pour beaucoup de spécialistes, permis de freiner son expansion en Wallonie. « Il est très important d'isoler ces partis et les personnalités qui les représentent. Ils sont dangereux pour la démocratie », explique la FGTB, pour laquelle la bataille peut se résumer en trois mots : repolitiser, débattre, informer. Partout et sans tabou.
Juliette VANDESTRAETE, à Bruxelles

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