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ÉDUCATION

L'ESI Business School ne fait plus commerce

8 décembre 2025 | Mise à jour le 8 décembre 2025
Par | Photo(s) : Simon Lambert / Réa
L'ESI Business School ne fait plus commerce

L'ESI de Montrouge (Hauts-de-Seine) ferme définitivement ses portes fin 2026.

En difficulté financière depuis 18 mois, plusieurs écoles de commerce du groupe GEMA (Grande Ecole des Métiers d'Avenir) ferment une à une, laissant sur le carreau le personnel et les étudiants. A Montrouge, dont l'établissement va fermer fin 2026, les salariés se mobilisent par la grève, les débrayages et les interpellations de la direction afin d'obtenir un minimum d'informations.

Après les fermetures successives des campus d'Aix-en-Provence, Bordeaux, Toulouse, courant 2024, c'est à présent au tour de l'ESI de Montrouge (Hauts-de-Seine) de fermer définitivement ses portes. L'établissement flambant neuf qui s'était installé en 2024 compte quelque 35 salariés administratifs et plus de 400 étudiants. Ecole supérieure privée, cap rivé sur l'avenir avec ses promesses de mirobolants diplômes axés sur le développement durable, l'intelligence artificielle et la cybersécurité, le tout au tarif de 9000 euros / an par élève, l'ESI Business School est aujourd'hui à la peine. Son avenir et celui de ses étudiants, enseignants et salariés, incertain.

Quand l'Etat se désengage

Les causes de cette débâcle ? La direction avance, pêle-mêle : la conjoncture économique défavorable; le désengagement de l'Etat dans le soutien à l 'alternance (notamment aux niveaux Bachelor et Master) ; une baisse moyenne de 10 % des prises en charge des formations par France Compétences en trois ans ; l'augmentation des coûts structurels de 10 % sur la même période. A quoi s'est ajoutée la baisse des aides aux entreprises favorisant l’alternance qui est passée de 8 000 à 5 000 euros  par élève et jusqu'à  2 500€ pour ceux des grandes entreprises. Autant d'effets cumulés qui ont, selon la direction de l’école, réduit la demande d'alternants et conséquemment, le nombre d'apprenants dans les écoles.

Certes, la rumeur d'une réduction de la voilure liée à des difficultés financières avait filtré courant septembre lors d'une réunion des écoles du groupe GEMA où la direction, bien qu'avouant un « contexte de marché très difficile », assurait qu'aucune autre école ne serait fermée. Or, le 13 octobre, l’annonce tombe de la fermeture courant 2026 des établissements de Paris et de Montrouge. « On apprend ainsi qu'à Montrouge, il y aura deux vagues de licenciements, la première en décembre qui concerne la moitié du personnel administratif et la deuxième, d'ici le 30 juin 2026, pour liquider le personnel restant ainsi que les équipes pédagogiques », prévient Caroline S. (le prenom a été modifié), cadre administratif.

Un dialogue social opaque

Faute de syndicats dans l'entreprise et ne pouvant s'appuyer sur les prérogatives d'un CSE « tenu » par la direction, Caroline S. s'adresse alors à l'Union locale CGT de Malakoff-Montrouge-Vanves. Son secrétaire général, Cédric Mastain, lui propose, entre autres, la création d'un collectif de salariés et un plan de mobilisations afin de pousser la direction à délivrer les informations économiques et sociales qui leur sont dues. « La direction invoque des raisons économiques pour justifier ces fermetures successives, mais sans jamais en apporter la preuve et sans fournir certains documents clé classés abusivement sous le sceau de la confidentialité », observe-il.

La nature ayant horreur du vide, les salariés s'organisent en collectif pour pouvoir interpeler la direction, qui n'en demeure pas moins sourde à leurs moindres revendications. Les 12 et 27 novembre derniers, des rassemblements avec débrayages ont été organisés devant l'antenne de l'ESI Montrouge pour exiger des informations cruciales telles que les modalités de licenciement ou de départ, le calcul des indemnités, les possibilités de reclassement interne, le déverrouillage des informations économiques arbitrairement classées « confidentielles », etc. En guise de réponse, la direction a transmis un rapport de 32 pages où toutes les informations économiques et financières figuraient en grisé. « Ce que l'on sait à ce stade, c'est que tout est mis en œuvre pour pousser un maximum de personnels à la faute professionnelle, au départ volontaire ou, le cas échéant, à accepter la rupture conventionnelle avec des indemnités au rabais, afin d'éviter à tout prix la mise en œuvre d'un plan social négocié », tacle Caroline S.

« Vous n'êtes pas constructive »

Tandis que le collectif des salariés réclame la réouverture du dialogue social, la direction se contente de promettre des congés de reclassement d'une durée de six mois, à 80 % du salaire brut, avec accompagnement personnalisé par un cabinet spécialisé. Un parangon de dialogue social, assis sur une stratégie d'intimidation qui ne laisse aucun espoir : « Chaque fois que j'essaie de relancer le dialogue social, le directeur général me répond « vous n'êtes pas constructive » », déplore Caroline S.

Afin de surmonter ces obstacles, Cédric Mastain et Caroline S. ont consulté l'inspection du travail. « La grosse déception », soupire Caroline S. Face à une telle opacité d'information-consultation, installée depuis des années, les possibilités juridiques de recours en justice s'avèrent désormais quasi-nulles, dixit l'inspecteur du travail. Dans cette même veine, Cédric Mastain considère que « nous sommes face au résultat des ordonnances Macron de 2017, dont l'objectif consistait, précisément, à démunir les salariés et leurs représentants de toute possibilité d'agir, voire, de s'exprimer. Ce qui les oblige à quémander l'information sans garantie de pouvoir l'obtenir ».

Démoralisée, et pour cause, mais pas résignée, Caroline S. reste impliquée dans le collectif des salariés qui agrège peu à peu les étudiants inquiets pour la poursuite de leurs études, la validation de leurs diplôme et surtout, la valeur de ces diplômes sur le marché de l'emploi. Bref, un cas d'école que les étudiants de l'ESI Business School Montrouge ne manqueront pas de thésauriser.