À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
SÉCURITÉ SOCIALE

L'indépendance des médecins-conseils dans le viseur

19 décembre 2024 | Mise à jour le 19 décembre 2024
Par | Photo(s) : Elsa Sabado
L'indépendance des médecins-conseils dans le viseur

La mobilisation perdure contre le projet de dissolution du service médical de l’assurance maladie. Cette réorganisation mettrait fin à l’indépendance des médecins, au secret médical, une catastrophe pour les conditions de travail des agents. L’indemnisation des arrêts maladie risque à terme d’être subordonnés au budget de la Sécu plutôt qu’à l’état de santé des travailleurs.

Près d'une centaine de salariés de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) ont bravé l’humidité et le froid, ce matin du 18 décembre, pour venir soutenir leurs représentants en comité économique et social (CSE) central lors de la présentation d’une expertise sur le projet de suppression du service du contrôle médical de la sécurité sociale et ses conséquences sur les agents au siège de la Caisse nationale d’assurance maladie, à Montreuil en Seine-Saint-Denis.

Service médical sur la sellette

La branche maladie de la Sécurité sociale est composée pour partie des Caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) et du service médical. Celui-ci a pour mission d’accompagner les assurés dans l’accès à leurs droits, les professionnels, et un rôle de contrôle. Le service médical donne son avis concernant les arrêts maladie, les maladies professionnelles, les accidents de travail, les affections de longue durée (prise en charge à 100%), les invalidités, les retraites pour inaptitude. « Nous pouvons contrôler les assurés déviants, qui, par exemple, s’adonnent à du trafic de médicaments, ou falsifient des ordonnances, les professionnels libéraux qui surfacturent les soins, qui déclarent des actes qu’ils n’ont pas réalisés – par exemple, un kiné qui déclare des actes à la pelle dans une maison de retraite- et les actes prescrits dans des établissements de santé publics ou privés », explique Aimé Mundabi, médecin-conseil mobilisé ce matin-là. Jusque-là, le service médical de la Sécurité sociale était complètement indépendant des caisses primaires d’assurance maladie. Ainsi, le service médical rend des avis médicaux, les caisses payent les prestations. « Le système a été conçu pour que les considérations médicales ne soient à aucun moment fonction de considérations financières », explique Mina Khalil, agent administrative à la direction du service médical Ile-de-France et militante CGT.

Quid du secret médical

Mais voilà, le gouvernement veut faire des économies sur l’assurance maladie. Le 3 octobre dernier, Thomas Fatôme, directeur de la CNAM, a annoncé la suppression pure et simple du service médical de l’assurance maladie. Ses missions et employés seraient transférés au sein des CPAM. « C’est la fin de l’indépendance du service médical », déplore Cécile Velasquez, secrétaire générale de la fédération CGT des organismes sociaux. « Cela signifie que je serai désormais non sous la hiérarchie d’un médecin, mais sous celle d’un gestionnaire. On passe d’une vision médico-administrative à une vision comptable. Va-t-on être soumis à des objectifs chiffrés, comme les agents de la CPAM ? Pourra-t-on me demander de détecter 30% d’anomalies au minimum dans les établissements que je contrôle ? Mon avancement sera-t-il fonction du nombre d’anomalies relevé ?», s’interroge le docteur Mundabi. « Cela pose des questions en terme de secret médical. Les agents du service médical sont soumis au secret, à la confidentialité. Désormais, on pourra faire pression sur les médecins pour qu’ils refusent les accidents du travail ou les maladies professionnelles au prétexte qu’il n’y a pas suffisamment de budget », poursuit Cécile Velasquez.

La dispersion des équipes du service médical va susciter un mal-être

Le projet de « transformation » du service médical pose aussi des questions en termes de conditions de travail. Car les 7200 salariés des directions régionales du service médical devraient être répartis dans les CPAM, et ce dès avril 2025. « Cela veut dire que les CPAM devront absorber, à Bordeaux, par exemple, 150 nouveaux agents. Ces derniers se verront obligés de changer de lieu de travail. Ce sera anxiogène pour eux autant que pour ceux qui doivent les accueillir. On se remet tout juste de l’absorption des anciens salariés du régime social des indépendants en 2020 », pointe Cécile Velasquez. « La dispersion des équipes du service médical va susciter un mal-être. Les équipes vont être éclatées, se retrouver parfois en concurrence avec les agents des CPAM », estime Dr Mundabi. « On craint aussi qu’à terme, les contrôles seront effectués non plus par des médecins, mais par des infirmiers, et que les consultations en visio deviennent la règle », poursuit Mina Khalil.

Un des nombreux projets de destruction de la Sécu

Ce projet nécessite une modification de la loi, car l’indépendance des médecins est inscrite dans le Code de la santé publique. Un amendement avait été inscrit en ce sens au projet de loi de finances de la sécurité sociale 2025 (PLFSS), qui a été l’objet d’une motion de censure et de la démission du gouvernement. « Mais les agents administratifs pourront être déplacés sur simple décret », s’inquiète Mina Khalil. « Ce projet s’inscrit dans la veine de la suppression des jours de carence, de la fermeture des centres de santé gérés par l’Assurance maladie à Stalingrad ou à Réaumur à Paris. Autre source d’économie : la mise en place du logiciel Arpege, en septembre, dans les CPAM des Pays-de-Loire et de Vendée, qui a laissé 5000 assurés sans revenus et que le directeur veut tout de même déployer sur tout le territoire national », liste la syndicaliste. L’opposition à la dissolution du service médical est forte : le 3 décembre dernier, 60% des salariés du service médical étaient en grève, et, chose rare, en particulier les médecins. Outre la CGT, FO ou encore la CFE-CGC, tous les syndicats de médecins se sont positionnés contre le projet de Thomas Fatôme, de la fédération des médecins de France à la confédération des syndicats médicaux français en passant par le syndicat des médecins urgentistes. Cela sera-t-il suffisant pour mettre un coup d’arrêt aux projets tous azimut de détricotage de la Sécurité sociale ?

Elsa Sabado