Mal de mère
Un livre qui a connu un vif succès aux Etats-Unis et où chacun des onze enfants d'Hattie, ainsi que sa petite-fille Sala, se voit consacrer un chapitre. Autant de pièces du puzzle humain, social, politique, religieux qu'est la population noire des Etats-Unis, que nous voyons évoluer depuis l'arrivée d'Hattie à Philadelphie en 1923 jusqu'en 1980 où Sala va être prise en charge par sa grand-mère.
Ayana Mathis
Venue de la Géorgie ségrégationniste et ses champs de coton, Hattie va faire sa vie à Philadelphie, y épouser August, père de ses onze enfants mais mari peu fiable, à la fois immature et écrasé par le racisme.
Trop pauvre, trop inexpérimentée, Hattie y voit mourir ses deux premiers enfants, les nourrissons Jubilee et Philadelphia, en une scène qui ouvre le roman de manière poignante et ferme le cœur d'Hattie à toute possibilité d'abandon à un amour maternel inauguré dans une telle douleur.
Ainsi abimée, Hattie va vivre dans la terreur de ne pouvoir assurer le minimum vital à ses enfants, sans comprendre qu'ils ne sont pas affamés que de nourriture ou de confort… Ne pouvant compter sur le volage August, cette mère courage au tempérament bien trempé devra tout assumer quasiment seule.
Une tâche immense qui ne laissera pas de place à la compréhension des petites personnes nées de sa chair, que la rudesse de cette mater dolorosa et le déficit affectif transformera en adultes névrosés ou instables.
En creux, à travers Hattie et sa descendance, Ayana Mathis trace le portrait d'une Amérique inégalitaire, raciste et souvent violente, dont les plaies se transmettront de génération en génération.
Editions Gallmeister. Collection Americana. 320 p. , 23,40 €