
Jeunesse (Les Tourments) : le travail en pleine lumière
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Il y a, au départ, ce corps qui s'écrase au beau milieu de la cour d'une somptueuse maison en construction. Alors que les ouvriers s'activent à la rénovation d'une magnifique villa, l'un d'entre eux tombe de l'étage supérieur et se tue. La caméra reste à distance, impassible devant cet accident du travail en plein champ. Très vite, on comprend qu'il n'y a ni loi ni protection sociale pour réparer le drame. On est au Mexique. La main d'œuvre (littéralement Mano de Obra) est corvéable et bon marché.
L'employeur renvoie la balle au propriétaire, un riche avocat qui fait poliment mine d'étudier la question mais qui ne veut simplement rien savoir. Alors qu'elle ne buvait pas une goutte d'alcool, la victime est d'ailleurs estampillée « alcoolique » dans un dossier noyé dans les arcanes administratifs.
Francisco, ne peut accepter que la mort de son frère ne soit pas reconnue ; ni que sa belle-sœur, enceinte jusqu'au cou, ne reçoive aucune indemnité. Il peut d'autant moins accepter cette injustice que cette demeure somptueuse, que son équipe et lui-même s'échinent à fignoler, le renvoie sans cesse à sa propre condition d'exploité et à la cabane de taule trouée qui lui sert de logement. Misère quotidienne versus luxe débordant. Pauvreté culturelle versus notabilité et puissance sociale.
Sans procédures de justice qui puisse activer un véritable levier de solidarité, Francisco décide de faire justice lui-même. Il décide de squatter la maison bourgeoise, d'abord individuellement puis en communauté avec d'autres familles d'ouvriers exploités. Mais derrière cette démarche fondée sur un mélange d'entraide et d'intérêts communs, quelles règles mettre en place pour une cohabitation pérenne ? Quel projet pour établir une microsociété plus juste et solidaire ?
Disciple revendiqué du cinéaste Michel Franco (Después de Lucia, (2012), Chronic (2015), Les filles d'Avril (2017) avec qui il a travaillé et qui est le producteur du film, David Zonana inscrit son récit dans une réflexion critique de l'humanité dans un environnement abîmé par les inégalités sociales induites par le système capitaliste.
Alors que on ne peut être qu'en totale empathie avec le personnage principal et la classe ouvrière ouvertement exploitée et abusée, dans la première partie du film, le trouble s'installe progressivement… Sans angélisme – et même avec une certaine noirceur –, le cinéaste montre les luttes fratricides qui s'insinuent petit à petit entre les nouveaux locataires de la villa pour obtenir le plus gros morceau du gâteau. Une vision lucide et cruelle malgré son humanité.
Spacieuse et lumineuse, la villa dans laquelle se déroule une grande partie de l'intrigue, devient plus qu'un simple décor. A l'image de Parasite, du Sud-coréen Bong Joon Ho, elle s'impose comme un Éden qui devient un enfer à mesure que les locataires en viennent à guerroyer entre eux pour leur pré-carré.
Les longs plans fixes qui filment ces luttes intestines au gré des différentes pièces et différents étages de la maison ; l'interprétation réaliste des comédiens non professionnels qui jouent pour la plupart leur propre rôle ; la lumière naturelle alliée à un rythme lent… Tout concourt à produire un regard clinique – et sans concession – sur la construction d'une société plus solidaire.
Mano de obraRéalisé par David Zonana. 1 h 23. Sortie le 19 août 2020
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