24 mars 2021 | Mise à jour le 25 mars 2021
En huit jours de grève, les infirmières et aides-soignantes de l'UDSMA ont gagné sur leurs principales revendications. Une première victoire à porter au compte du syndicalisme CGT aveyronnais qui a su organiser ces salariées sans expérience syndicale, mais déterminées à se battre pour leurs conditions de travail.
« Elles sont venues fin janvier à l'Union locale pour savoir comment se mettre en grève, alors que la CFDT, seul syndicat élu au CSE de l'entreprise, ne donnait aucune suite à leurs demandes », relate Céline Tabariès, secrétaire de l'UL-CGT de Millau. « Suite à des accords d'entreprise signés par la CFDT à l'appui d'une convention collective de branche – la BAD – des plus défavorables qui soient, elles se retrouvaient à devoir travailler en coupure ; avec des amplitudes horaires allant de 12 à 16 h par jour alors que presque toutes ont des enfants ; à subir la modulation du temps de travail qui a transformé leurs heures supplémentaires en heures complémentaires, rémunérées 25 % de moins et payées l'année suivante », explique pêle-mêle Pascal Mazet, le secrétaire général de l'Union syndicale départementale Santé et action sociale.
Privées de l'augmentation de 183 euros mensuels du Ségur de la santé qui exclut le secteur privé à but non lucratif, ces infirmières et aides soignantes en HAD (hospitalisation à domicile) cumulaient donc déjà de nombreux préjudices liés à la politique de flexibilisation du travail que la direction de l'UDSMA (le centre de santé mutualiste de soins infirmiers à domicile) leur avait imposés.
90 % des revendications satisfaites
Avec l'aide de la CGT, 98 % des 23 salariées de Millau ont mené leur première grève du 8 au 16 mars et obtenu une négociation qui se conclut par la satisfaction de nombreuses revendications. Menée pied à pied avec la direction de l'UDSMA, sous la houlette de la Direccte, cette négociation aura nécessité pas moins de onze heures pour venir à bout de 90 % des revendications salariales, à savoir : le versement d'une prime HAD d'environ 400 euros par an et par salarié ; une majoration de 25 % appliquée aux heures « complémentaires » qui, du coup, seront rémunérées au même tarif que les heures supplémentaires ; une organisation du temps de travail assise sur des plannings prévisionnels semestriels et annuels qui facilitent la conciliation entre vie privée et travail ; une réduction significative des horaires coupés ; des moyens matériels (informatiques, logiciels, formations…) et la création d'un pool doté de 4 postes de remplacement des salariés du centre de Millau.
Enfin, une étude menée par l'ARACT (Agence régionale pour l'amélioration des conditions de travail) sera bientôt lancée sur l'ensemble des 12 centres de l'UDSMA. Cerise sur la négo, la CFDT, jusque là sourde aux revendications des salariées, a tenté in extremis de s'inviter aux négociations. Faute de pouvoir produire un préavis de grève, elle en a été logiquement écartée par le médiateur.
Des avancées sociales qui pourraient être étendues
« Le protocole de sortie de conflit a été négocié avec les salariés et leurs représentants départementaux, ce qui permettra d'étendre les avancées sociales gagnées à Millau à tous les salariés de la branche de l'aide à domicile du département qui, d'ailleurs, commencent à nous contacter pour, à leur tour, s'organiser syndicalement », indique Pascal Mazet.
Se félicitant de cette première victoire des « novices » de l'UDSMA, Céline Tabariès tient à recontextualiser cette lutte. « En pleine pandémie, sur un territoire confronté à des ravages économiques et sociaux où des entreprises clé comme Bosch, la SAM ou La Poste menacent de déserter le département, mais où la CGT, grâce à sa culture de l'organisation, demeure un point d'appui essentiel pour tous les travailleurs, syndiqués ou pas, chaque fois qu'ils veulent relever la tête ».
Un département où la solidarité syndicale n'est pas qu'un vain mot, mais bien « un outil à la disposition de tous », ajoute Pascal Mazet en se réjouissant que le syndicalisme CGT ait permis à ces salariées d'élever le degré de conscience de leurs conditions d'exploitation et la volonté de se battre pour en changer.
La CGT a accompagné les salariées de bout en bout
« Nous les avons d'abord rassurées sur la démarche CGT de construction d'un rapport de force et d'une entrée en lutte soutenue solidairement par l'ensemble de nos structures territoriales et fédérale. Puis nous les avons accompagnées dans la construction de leur cahier revendicatif et avons lancé le préavis de leur mise en grève au niveau départemental avec un appel à la solidarité concrète et aux dons qui a si bien marché qu'on reçoit encore des chèques », précise Pascal Mazet.
Le rapport de force a fini par payer
En dépit de toutes ces précautions, la lutte des UDSMA n'aura pas été un long fleuve tranquille. Dès le dépôt du préavis de grève, la direction aura tout tenté pour éteindre le feu qui, depuis Millau, menaçait de s'étendre aux 12 centres du département où l'UDSMA compte quelques 500 salariés. « La direction a alors convoqué un CSE où la CFDT a ventilé de vagues propositions de “concertation” et de “négociations”, mais insuffisamment concrètes pour convaincre les grévistes d'accepter l'exigence d'un “service minimum” attendu de la direction », précise Céline Tabariès.
Peine perdue, en effet, puisque du 1er au 8 mars, les salariées du centre UDSMA Millau étaient en grève et y restaient, jusqu'à ce que la préfecture de l'Aveyron ne les fasse réquisitionner par ses forces de police. « C'est là où le rapport de force imposé par la grève nous a permis d'exiger et d'obtenir l'ouverture d'une négociation pilotée par un médiateur désigné par la Direccte », précise Pascal Mazet.