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NUCLÉAIRE

Mobilisation en vue chez Areva

18 mars 2015 | Mise à jour le 15 mars 2017
Par | Photo(s) : AFP / Anne Hautefeuille
Mobilisation en vue chez Areva

La nouvelle a fait l'effet d'une bombe. Début mars, le groupe Areva a annoncé 5 milliards de pertes pour l'année passée. Et des mesures d'économie à venir. Les syndicats appellent à la mobilisation le 19 mars. Entretien avec Bruno Blanchon, responsable de la branche énergie atomique à la fédération mines et énergie de la CGT.

Le 4 mars dernier, Areva, fleuron du nucléaire français annonçait des pertes records de 5 milliards d'euros en 2014 et un plan d'économie de un milliard pour les trois ans à venir. De quoi inquiéter les 44 000 salariés du groupe dont 28 000 en France. Malgré les déclarations rassurantes du gouvernement, actionnaire à plus de 85%, les syndicats restent inquiets. Et lancent un appel unitaire à la mobilisation pour le 19 mars.

 

NVO : 5 milliards d'euros de pertes pour 2014, comment en est-on arrivé là?

Bruno Blanchon – Précisons que ces 5 milliards ne sont pas des pertes sèches, ils comptent des dépréciations d'actifs, c'est-à-dire qu'ils incluent la valeur que l'on se fait de l'entreprise par rapport aux perspectives de marché. Ce montant tient également compte des provisions, celles faites pour le chantier d'Olkiluoto 3, l'EPR finlandais, par exemple. Ces lignes comptables, qui ne se traduisent pas forcément par des pertes de cash, sont aussi une manière pour les directions de justifier, notamment, des mesures d'économies. Cette évaluation est donc le résultat d'éléments subjectifs et objectifs, qui, eux, s'expliquent par les choix que le groupe a faits par le passé.

 

C'est le cas du retard dans la construction de l'EPR finlandais?

Oui. Cette construction a neuf ans de retard et les coûts ont plus que doublé. Au départ, Areva prétendait construire cet EPR en quatre ans pour 3 milliards d'euros. Cela nous semblait irréaliste: il aurait dû être livré en 2009, il le sera peut-être en 2018. Areva est un fabricant de chaudières nucléaires, pas un architecte ensemblier comme EDF. N'ayant ni les compétences, ni les relations et l'historique de travail nécessaires, Areva a sous-estimé les difficultés et ne s'est pas allié aux bons partenaires. C'est comme si un fabricant de moteurs d'avions décidait de construire un avion entier. La direction a fait de mauvais choix stratégiques, malgré les alertes des syndicats. Et la réorganisation des ingénieries du groupe en 2010 a fini de sceller nos difficultés à mener de grands projets.

 

L'annonce de ces pertes a eu le mérite de faire bouger le gouvernement…

Le gouvernement dit vouloir organiser la filière nucléaire. Mais, avec quels objectifs? De quelle manière? Nous craignons que les rôles aient été répartis en coulisses: le gouvernement affichant une volonté politique, et Areva continuant de décliner ses mesures d'économie sans même avoir présenté une stratégie industrielle. La direction annonce un milliard d'économie dans les trois prochaines années sans licenciements et avec des départs volontaires «autant que faire se peut». On connaît la musique, et il n'en reste pas moins qu'un départ volontaire chez Areva entraîne un licenciement dans la sous-traitance. Pis, outre l'impact social, cela va aggraver la fuite de compétences critiques sur des métiers déjà sous tension. Les forgerons et soudeurs dans la fabrication de gros composants en sont un exemple emblématique.

 

Quelles sont vos revendications?

Nous réclamons que le gouvernement clarifie ses objectifs dans sa volonté de réorganiser la filière car nous craignons qu'il s'agisse de le faire en vue d'aller sur le marché chinois quitte à y délocaliser des fabrications. Nous demandons que tous les acteurs qui ont contribué à la construire dans les années 1970 et 1980, retravaillent ensemble selon une même vision politique de long terme de réponse aux besoins, d'aménagement du territoire… et au final de retrouver notre métier qui consiste à produire de la technique et non à faire du juridique. Or, on passe notre temps à nous couvrir juridiquement par rapport aux réclamations que pourrait faire la partie d'en face. Cette logique est mortifère. On est passé d'une communauté technique et scientifique avec des objectifs communs, et qui travaillait ensemble pour les atteindre, à des communautés enfermées dans le patriotisme d'entreprise parce que l'État, l'actionnaire principal d'Areva et d'EDF, a décidé, ces dernières années, de démissionner de ses responsabilités et de laisser prévaloir la loi du marché.

 

NVO. Pourquoi appelez-vous à la mobilisation le 19 mars?

L'intersyndicale CGT, CFDT, FO, CFE-CGC, UNSA-SPAEN appelle à la mobilisation sur tous les sites d'Areva pour réclamer un vrai plan stratégique, une vraie politique industrielle. Pour répéter que les salariés ne sont pas responsables de ce désastre. La direction l'a peut-être reconnu au dernier CCE… mais elle continue sur sa lancée, droit dans le mur. Le milliard d'économie programmé, sans stratégie industrielle, outre l'injustice sociale qu'il porte, risque d'assécher le groupe de ses compétences, de tuer la sous-traitance dont on a besoin pour faire tourner nos usines et de mettre en danger toute la filière.