Le rôle des unions régionales CGT en débat lors du 52e congrès
Lors du 52e congrès de la CGT à Dijon, l'un des sujets des annexes statutaires proposés aux votes était la mise en place d’unions régionales. Le thème, avec des soutiens... Lire la suite
Au cœur de la grande région Bourgogne-Franche-Comté, la Côte-d'Or est un département discret dont Dijon, sa capitale, est restée célèbre pour sa moutarde. Et tant pis si la production du condiment à la saveur relevée n'est plus depuis 2008, date de la fermeture de l'usine Amora, qu'un lointain souvenir dans la cité dijonnaise. Pour qui veut se pencher sur l'héritage gastronomique de la Côte-d'Or, c'est aussi – surtout – du côté de l'activité viticole qu'il faut se tourner.
« La viticulture c'est le poumon économique de la région, sans elle il n'y aurait pas grand-chose », estime Éric Michon, secrétaire de l'UL sud Côte-d'Or située à Beaune. Si toute la région ne produit pas que des grands crus, le département peut s'enorgueillir d'appellations comme les côte‑de‑beaune, les nuits-saint-georges ou encore les romanée-conti pour ne citer que quelques-uns des nectars bourguignons les plus prestigieux.
Le secteur représente, de fait, un rouage économique essentiel dans le biotope local. « On trouve de nombreuses entreprises, quelque 7 000 personnes y travaillent et ça génère beaucoup, beaucoup d'argent », constate Éric Michon.
Par effet d'entraînement, le vin fait aussi vivre, plus ou moins directement, le secteur touristique – l'œnotourisme prospère le long des « Champs-Élysées bourguignons » des grands crus – ainsi que tout un tissu d'entreprises locales dépendantes du secteur viticole. Cela va de la cartonnerie jusqu'au transport logistique en passant par la mécanique de matériel agricole, l'embouteillage, l'étiquetage…
D'ailleurs, l'implantation de ces TPE/PME sur l'axe Dijon/Beaune correspond géographiquement et historiquement à celle des coteaux viticoles. Reste qu'« on n'est pas dans le Bordelais ici ! Le secteur est plutôt caractérisé par des TPE avec les difficultés que l'on sait à toucher ce salariat », reconnaît aussi Sandrine Mourey, la secrétaire générale de l'UD 21.
Pour autant, le secteur évolue. « Le patronat a changé, tient encore à préciser Éric Michon. Jadis « très paternaliste mais connaissant bien le métier », il a cédé la place à une nouvelle génération « qui a fait HEC et ne jure que par l'économie et les stratégies marketing pour l'export en direction du Japon et des États-Unis notamment ».
Étrangement, alors que tout le secteur viticole doit subir une refonte de ses conventions collectives, le statut de tâcheron devrait échapper aux mesures macroniennes. Y aura‑t-il un avantage patronal à voir ces salariés en CDI s'affranchir de toutes contraintes horaires réglementaires ? Pour autant, la spécificité de ce statut pourrait être remise en cause par les choix économiques des grands groupes viticoles bourguignons.
« De plus en plus, indique Éric Michon, ils optent pour de la sous-traitance avec des entreprises employant une main‑d'œuvre polonaise ou érythréenne, moins au fait des pratiques » et usages des « climats », comme on nomme ici les vignobles. »
Une mutation qui a des effets sur les parcelles viticoles, la « grosse tendance » étant au rachat, à leur regroupement et à leur agrandissement. « Dans les grosses maisons comme le domaine Veuve Ambal ou Bouchard père et fils, on arrive à toucher les salariés. Et notre travail syndical consiste à essayer de constituer dans le sud de la Côte-d'Or, un syndicat de toutes les professions viticoles regroupant les salariés de la production viticole comme ceux des industries liées au vin », s'enthousiasme le militant bien conscient, cependant, des difficultés à toucher les catégories salariales les plus exposées.
« Ce sont souvent les salariés les plus qualifiés qui viennent à nous. Chez Kriter, par exemple, où des cadres sont syndiqués CGT, la déléguée syndicale a un poste haut placé dans le staff de direction. Chez Veuve Ambal c'est un chef d'équipe qui a monté le syndicat et chez Bouchard, c'est un tâcheron ». Ainsi et malgré les campagnes confédérales de la CGT en direction des salariés saisonniers, « c'est toujours très difficile de rencontrer les ouvriers agricoles, les saisonniers et puis l'UL manque de bras… », déplore David Missey, secrétaire général de l'UL de Dijon.
Deux autres bassins d'emplois industriels, à Longvic et Montbard, un secteur tertiaire en fort développement concentré autour de Dijon Métropole terminent de dessiner la carte économique et sociale de la Côte-d'Or. La situation de Dijon, à 1 h 30 de Paris depuis les tout premiers TGV, permet à de nombreux salariés – des cadres principalement – de faire la navette entre leur lieu de vie et leur travail dans la capitale.
« Et aussi à des bureaux d'études, d'ingénierie d'avoir leurs locaux dans l'agglomération. Beaucoup d'ICT travaillent sur place dans la chimie pharmacie par exemple au sein de boîtes comme Urgo ou ex-Sanofi », explique encore Sandrine Mourey.
Le territoire n'a pas, contrairement à d'autres départements, de spécificité industrielle. On n'est pas sur une terre de production automobile comme à Sochaux ou à Montbéliard ou d'aéronautique comme à Toulouse. De quoi limiter la casse si un secteur tout entier connaît une catastrophe économique ? Pas vraiment répondent les syndicalistes, car « quand une boîte ferme c'est toujours un cataclysme ».
Le souvenir de l'équipementier automobile TRW qui a délocalisé l'usine en Pologne a laissé des blessures psychologiques profondes. Ici comme dans de nombreux autres départements, l'emploi industriel tend à régresser. « En 2014, il représentait 13,9 % du salariat. Maintenant nous en sommes à 12,7 % », explique Jean Phulpin, animateur de la vie syndicale de l'UD 21. Le lancement d'une campagne de réindustrialisation du territoire est donc « un enjeu primordial, tant pour la création de richesse que pour la sécurisation des emplois ».
D'autres secteurs peuvent paraître être en tension mais c'est surtout dû à la faiblesse des salaires qui n'attirent pas les jeunes diplômés vite absorbés par les deux régions frontalières que sont l'Île-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes, en clair Paris et Lyon.
« Chez Safran, le patronat essaie de recruter des BTS optique mais n'y arrive pas. Pas étonnant quand on prétend payer un bac +2 à 150 euros au-dessus du Smic », constate amer David Missey, lui-même métallurgiste chez le constructeur aéronautique expert dans le domaine de la défense et de l'espace. Du coup, ces jeunes reluquent aussi du côté de la Suisse. Un phénomène nouveau pour les Côte-d'Oriens pas vraiment frontaliers des Helvètes !
Pour l'ensemble des syndicalistes c'est une perte de compétences terrible. « Ces jeunes sont formés dans nos écoles mais quittent le territoire à cause de salaires au lance-pierre. Et quand on sait ce qu'est Safran, c'est-à-dire un fleuron de l'aéronautique, on se dit qu'il y a urgence à reconsidérer la valeur travail. » Un sujet d'actualité. Les militants ont encore en tête la longue conférence de presse télévisuelle d'Emmanuel Macron et le mutisme présidentiel sur la faiblesse des salaires qui est pourtant l'une des causes principales du mouvement des gilets jaunes.
Autre tendance lourde contre laquelle l'État ne dit ni ne fait rien : l'ubérisation. Elle a débarqué en force à Dijon en 2018. Jean Phulpin, l'animateur de la vie syndicale à l'UD raconte sa découverte du phénomène des plateformes : « Uber s'est implanté à vitesse grand V à Dijon. Comme il n'y a aucune condition pour être un Uber, le nombre de livreurs à vélo est vite monté à plus de 400 en moins d'un an. Or, il n'y a pas un marché suffisant à Dijon. Uber organise la concurrence entre les jeunes. Et puis, d'un coup, il a baissé le prix de la course. » L'étincelle qui a mis le feu aux poudres. « Fin avril, une première grève de la déconnexion a eu lieu », se souvient la responsable de l'UD 21 en souriant au souvenir à cette action peu banale.
« Ça a mis un gros bordel, se marre aussi Sandrine. D'un coup, presque la totalité des livreurs à vélo se sont déconnectés de la plateforme en même temps. Les restaurateurs sont restés avec leurs commandes sur les bras. » Après cette première action, l'un de ces « Uber » a immédiatement contacté la CGT, ce qui est bon signe.
Pour Éric, ces travailleurs précarisés « sont l'un des enjeux du syndicalisme de demain… et déjà d'aujourd'hui ! » rectifie-t-il de lui-même. Et tant mieux si cela bouscule les habitudes syndicales comme s'accordent à le dire les responsables locaux. « Comment aller voir ces gens, souvent des jeunes qui ont plusieurs employeurs, plusieurs métiers même ? Ils veulent la reconnaissance du lien de subordination, l'augmentation du prix de la course mais sont attachés à une liberté d'horaires et ne revendiquent pas un statut de salarié tel qu'on le connaît. »
À ces évolutions sociales et sociétales, cette nouvelle façon de penser le travail que l'on sent poindre dans la société, la CGT est en capacité d'apporter des réponses syndicales de progrès social. « À ces travailleurs-là, le nouveau statut du travail salarié (NSTS) que porte notre syndicat, ça leur parle. Je le vois bien moi qui travaille à la Poste. Quand j'évoque le NSTS aux fonctionnaires, ça ne les concerne pas vraiment, par contre les précaires, les contractuels, eux, en voient tout de suite l'intérêt », lance Jean Phulpin en guise de conclusion, quelques jours avant l'ouverture d'un congrès où l'ensemble de ces thèmes – et beaucoup d'autres – seront en débat.
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