Disparition de François Chérèque
Que restera-t-il du bilan de François Chérèque ? Sans doute l'acceptation pleine et entière du tournant de la CFDT, impulsé par Nicole Notat dans les années 1990.
Le syndicat chrétien, né en 1919, déconfessionnalisé en 1964 puis tenté par l'autogestion dans les années 1970, s'est transformé sous la férule de Nicole Notat en un syndicat réformiste, favorable – souvent pour le pire – à la signature de projets gouvernementaux et/ou patronaux qui sont autant de reculs sociaux. C'est en effet sous l'ère Notat, que la CFDT soutient le projet de réforme de la Sécurité sociale dit « plan Juppé » en 1995. Le pays connaît pourtant alors la plus grande et longue grève depuis 1968.
Lorsque François Chérèque succède à Nicole Notat en 2002, il a déjà derrière lui un long passé syndical (voir l’encadré ci-dessous). Fidèle au nouveau visage de la CFDT, il revendique de faire du syndicalisme « réaliste », « de compromis », « de gestion » avec l'État ou le patronat. Au prétexte d'assurer la survie du système social, il est l'homme qui signe la réforme des retraites de François Fillon en 2003 et celui qui rogne les droits des intermittents du spectacle et des « recalculés » des Assedic.
Furieux ou déçus de cette orientation, nombre de militants rendent leur carte. Les années 1995-2003 voient les adhérents quitter la CFDT par milliers pour rejoindre d'autres syndicats comme la CGT et Sud-Solidaires.
François Chérèque, lui, assume pleinement le choix gestionnaire de son syndicat et affirmait n'avoir « aucun regret » pour l’accord passé avec le gouvernement Raffarin lors de la réforme des retraites en 2003. Acte de rupture déstabilisant une partie de sa base, cet accord plongera pourtant la CFDT dans une crise de plusieurs années.
Son décès a déclenché de nombreuses réactions politiques, syndicales et patronales. « Au delà de nos désaccords, François était cordial, direct », a estimé Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO qui s'est aussi questionné sur l'héritage laissé par celui qui fut le secrétaire général de la CFDT pendant dix ans. Bernard Thibault, l’ex-numéro un de la CGT, garde en mémoire l'image d'un interlocuteur « chaleureux mais combatif ». Il se souvient que le combat syndical les « a parfois réunis comme en 2006 contre le CPE (contrat première embauche) ou une autre réforme des retraites, celle de 2010 ».
Quant à Laurence Parisot, elle rend peut-être l'hommage le plus embarrassant qui soit pour un syndicaliste… Selon l'ex-présidente du Medef, François Chérèque avait « un tel souci de l’intérêt général (…) que je n’hésite pas à dire que la France a perdu un homme d’État et ensemble nous avons bâti un dialogue social extrêmement fructueux. Je pense à l’invention de la rupture conventionnelle ».