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ESSAI

Quand Trump tweet

9 novembre 2018 | Mise à jour le 7 novembre 2018
Par | Photo(s) : Saul Loeb / AFP
Quand Trump tweet

Alors que viennent d'avoir lieu les élections de mi-mandat aux Etats-Unis, le petit livre coordonné par le spécialiste des États-Unis Sylvain Cypel sur les tweets de Trump met en lumière les obsessions et le style du président américain.
A lire  Sylvain Cypel (coordination) : Un Trump ça twitte énormément – Décoder le trumpisme en 350 tweets, illustrations d'Eric Héliot, Le 1 Hors série, 126 pages, 8,90 euros.

S'il s'agissait d'un bêtisier ou d'une production du Gorafi, on pourrait presque en rire à la machine à café. Mais les quelque 350 tweets, souvent vulgaires, répétitifs, que présente Sylvain Cypel (journaliste, spécialiste des États-Unis, notamment) dans un petit livre (hors-série du magazine Le 1) intitulé Un Trump ça twitte énormément sont une sélection de la production de l'actuel président des États-Unis qui en dit long sur le personnage. Accompagné des illustrations d'Eric Héliot, ce livre permet de bien « décoder le trumpisme ».

Deux Amériques

Les quelques centaines de tweets, tous datés, que Sylvain Cypel a sélectionnés et traduits, disent d'abord le style du locataire de la Maison Blanche. « Obama, l'homme à jamais honni, celui dont Trump veut jusqu'à l'obsession éradiquer l'héritage, était aussi un maître de la communication. Champion du verbe (…) utilisant une parole paradoxale, à la fois aisément compréhensible et très élaborée. Mais, on le sait désormais, il y a deux Amériques. Trump, lui, s'est vite imposé comme le champion de la communication coup de poing (…) il assène en 140 signes maxi et dans un américain absolument moderne ses coups de gueule, ses rodomontades, ses menaces et ses excommunications ». Ses maîtres-mots : « Good ! » (bon), « Bad ! » (mauvais), « Fake ! » (faux), « Shame ! » (honte), « Resist ! » (résistez), voire « Build the Wall ! » (construisez le mur).

Obsessions

Ces messages disent aussi les obsessions de Donald Trump. Il est d'abord obsédé par lui-même

« désolé les losers et les haineux, mais mon QI est l'un des plus élevés »

et prêt à insulter ses contradicteurs ou à réécrire les faits au détriment de la vérité qui n'aurait plus d'importance. Un comportement qui vaut tant pour ses propres frasques (sexuelles…) ou pour les accusations (blanchiment…) auxquelles il est confronté, que pour ce qui se joue dans le monde. D'où sa haine de la presse, à l'exception de son principal soutien médiatique, Fox News.
Ensuite, il entend défaire tout ce qui a été mis en place par son prédécesseur et là encore ses tweets en témoignent autant que ses décisions.
Soutenu par les évangélistes et les suprématistes blancs, plaçant la loi de Dieu au-dessus de celle de l'État, il prétend aussi pouvoir tweeter tout et le pire sur les femmes, les Afro-Américains venus de « trous à merde », les musulmans (moins présents dans ses tweets dans la dernière période peut-être du fait de ses liens privilégiés avec l'Arabie saoudite, remarque Sylvain Cypel), les migrants dont il fait ses boucs émissaires préférés jetés en pâture à son public fanatisé.

Tweets contre diplomatie

Celui qui entend pouvoir déchirer des traités internationaux d'un trait de plume et violer quand bon lui semble le droit international ne s'embarrasse guère davantage de convenances diplomatiques sur le plan international.

De son « amour » pour Israël à ses accusations contre l'Iran, de ses messages sur « le petit homme fusée » au pouvoir en Corée, avec qui il compare la taille et la puissance de son bouton nucléaire, à sa vision de la Chine de la Russie ou de l'Europe, de son instrumentalisation du terrorisme à son rejet du « canular » climatique, Donald Trump met en scène dans sa surproduction de tweets sa vision du monde.

Car derrière la déraison apparente de ses tweets, comme de ses mises en scènes électorales qui soulèvent des foules et donnent à tant d'autres la nausée, c'est bien une vision du monde qui semble se dessiner, avec l'Amérique au centre, libérale, blanche, et sans égard ni pour le droit ni pour le multilatéralisme.