Les entreprises sous emprise de la finance
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« Plus jamais ça ! » À chaque crise, son lot de vœux pieux, de leçons prétendument apprises… Jusqu'à la prochaine ? La crise financière de 2007, la pire depuis celle des années 1930 qui avait précipité le monde dans la récession et une guerre mondiale, n'y échappe pas. L'orientation privilégiée par les banques durant plusieurs décennies – la spéculation plutôt que le développement et le crédit – a précipité la crise. L'intervention massive des États et des banques centrales s'est avérée nécessaire pour éviter l'effondrement du système bancaire et a coûté cher aux salariés, aux épargnants, aux contribuables. D'autant que l'aide au système financier ne s'est pas accompagnée de mesures permettant de préserver et de développer le tissu économique dans les territoires et les bassins d'emplois. Pour éviter une nouvelle crise, plusieurs mesures de réglementation ont cependant été prises.
Des mesures prudentielles sont censées limiter les risques pris par les différents acteurs de la finance. Ainsi, les seuils de fonds propres des banques – c'est-à-dire le ratio entre l'argent physiquement présent dans les caisses de la banque et l'argent qu'elle prête – ont été relevés. Mais, si l'Union bancaire et monétaire de l'Union européenne a mis en œuvre un mécanisme de surveillance unique ainsi qu'un mécanisme de résolution unique, elle manque toujours d'un système européen d'assurance des dépôts.
L'identification de « banques systémiques », si grosses ou si interconnectées que leur défaut ferait courir un risque sérieux au système mondial, a certes permis d'élaborer des règles spécifiques pour les protéger, mais ces banques systémiques sont également celles dont l'activité s'éloigne le plus de leur mission première – financer l'économie réelle – au profit de la spéculation financière. Les désigner comme telles revient à donner un blanc-seing à ces entités d'office qualifiées de « too big to fail » (trop grosses pour faire faillite). De l'aveu de Gérard Rameix, président de l'Autorité des marchés financiers de 2012 à 2017 1, si ces règles ont réussi à « réduire sensiblement les risques », elles ne les ont pas totalement fait disparaître. En outre, le shadow banking, ou finance de l'ombre (hedge funds et autres fonds spéculatifs), échappe aux réglementations bancaires. Ce marché parallèle présente « tous les ingrédients pour la prochaine crise », explique Christophe Boucher, professeur à l'université Paris-Nanterre.
En fait, comme le rappelle la CGT, il s'est agi de « contenir les dérives du système financier […] sans pour autant remettre en cause le modèle qui le sous-tend 2 ». Ainsi, ces mesures « n'ont pas freiné l'envolée des profits », ni favorisé les crédits bancaires aux entreprises et en particulier aux PME pourtant pourvoyeuses d'emplois dans les territoires qui doivent toujours faire appel au marché pour se financer. Et pour cause. Ces mesures s'attaquent aux conséquences mais pas aux racines du problème. Pour la CGT, il s'agit donc de mettre le système financier au service de l'économie réelle et des besoins de la société, d'en dégager une part suffisante des pressions actionnariales et des contraintes de rentabilité, de développer les banques publiques et coopératives, de réorienter le rôle des banques centrales.
C'est dans cet esprit que la centrale syndicale a soutenu, voici quatre ans, la création de la BPI (Banque publique d'investissement), filiale de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), dont le capital est public et émane de la CDC et de l'État. La BPI regroupe dans une même structure des activités publiques d'aide financière à l'investissement – en particulier dans les PME et TPE – et d'innovation. Pourtant, quatre ans plus tard, le résultat souhaité n'est pas au rendez-vous, et la BPI s'éloigne de son objectif de financement de l'économie, de l'emploi durable et de qualité. Au point que, le 12 octobre dernier, elle a organisé à Paris la troisième édition de « Bpifrance Inno Génération », où n'ont été abordées ni les questions de l'emploi ou de la formation professionnelle, ni celles du développement des territoires, des politiques industrielles, de l'artisanat, de la transition écologique… N'y étaient invitées ni les entreprises de l'économie sociale et solidaire, ni les organisations syndicales. La CGT interpelle donc le gouvernement sur la nécessité de financer des projets de développement donnant la priorité à la réindustrialisation des territoires avec une politique de filières, et d'évaluer les critères et les modalités des interventions de la BPI. Elle réclame aussi un renouvellement des comités d'orientation régionaux (COR) suite à la fusion des régions, et une nouvelle loi permettant aux organisations syndicales de salariés de participer enfin au conseil d'administration de la Bpifrance.
La CGT souhaite également qu'un pôle public financier permette notamment de réorienter le crédit au service de l'emploi et du développement durable. Il s'agirait d'un réseau intégrant les établissements publics financiers et des structures comme le fonds stratégique d'investissement, permettant, sur la base de choix collectifs, de renforcer l'appareil productif par une nouvelle politique industrielle et de financement des PME-TPE, de réorienter l'épargne vers les besoins sociaux et économiques et d'assurer l'accès de tous aux services financiers.
Autant dire que, loin de relever de seuls experts autodésignés ou non, l'avenir du système bancaire et financier concerne tous les salariés et tous les citoyens.
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