Alerte sociale contre les 4000 postes de profs supprimés
L’ensemble des organisations syndicales d’enseignants lançait le 14 octobre une alerte sociale, préalable au dépôt d’un préavis de grève du 4 novembre 2024 au 31 mars... Lire la suite
Le 4 mai, le chef de l’État a rendu public depuis le lycée technologique et professionnel Bernard-Palissy à Saintes (Charente-Maritime) les derniers arbitrages de la réforme du lycée professionnel. Plusieurs dispositions doivent entrer en vigueur dès la rentrée de septembre 2024, et ce en dépit des mobilisations des professeurs de lycée professionnel, qui se sont tenues tout au long de l’année scolaire 2022/2023. La représentation nationale n’aura pas voix au chapitre sur ce dossier : les mesures phares seront mises en place par voie réglementaire.
En France, la formation initiale professionnelle peut s’effectuer à travers deux voies : l’apprentissage, où l’élève, inscrit en centre de formation pour les apprentis (CFA), est salarié et majoritairement en entreprise ou la voie scolaire, en lycée professionnel. À la rentrée 2022, 621 600 lycéens, soit un jeune sur trois, étaient scolarisés au sein de ces établissements pour préparer un CAP ou un Bac Pro.
Après la réforme de 2009, où le baccalauréat professionnel passe d’une durée d’obtention de quatre à trois ans, puis la réforme Blanquer qui a remplacé un nombre conséquent d’heures d’enseignement général par des « innovations pédagogiques », cette énième réforme est supposée combler les défaillances de cette institution scolaire créé en 1985. Brandissant les statistiques du décrochage scolaire (un élève scolarisé en lycée professionnel sur trois décroche avant le Bac), le gouvernement accuse le lycée professionnel de favoriser la reproduction sociale, de mettre en échec l’insertion professionnelle des jeunes et d’être trop éloigné des besoins de l'emploi. C’est que le lycée professionnel scolarise les élèves connaissant le plus de difficultés scolaires et accueille un public très largement issu des classes populaires : 60 % des élèves sont des enfants d'ouvriers, contre seulement 11,5% d’enfants de cadres.
Les contours de la réforme avaient été esquissés par Emmanuel Macron en septembre 2022 lors d’un discours au lycée professionnel Éric Tabarly des Sables-d’Olonne. Fermeture des filières « non insérantes », gratification des périodes de stages (les périodes de formation en milieu professionnel ou « PMFP »), doublement du temps passé en entreprises, recrutement de professeurs issus du monde de l’entreprise, refonte de la carte des formations, autonomie supplémentaire pour les établissements… Les premières annonces avaient suscité le rejet de toutes les organisations syndicales de la voie professionnelle et des mouvements de grève très suivis. Résultat, la ministre déléguée sous la double tutelle du ministre de l’Éducation nationale et de celui du Travail Carole Grandjean, en charge de la réforme, avait semblé faire volte-face sur l’allongement de 50% de la durée des stages. Une victoire en trompe-l’œil, puisque, selon les arbitrages définitifs, si le doublement de la période des PMFP ne sera pas mis en place pour les seconde, les premières et les CAP, il aura bien lieu pour tous les élèves de terminales suivant le module insertion professionnelle.
L’année de Terminale va, en effet, être totalement remise à plat. Selon le dossier de presse, en Terminale, « pour ceux qui envisagent une insertion dans l'emploi dès l'obtention du diplôme : la durée des stages sera augmentée de plus de 50% [ passant de 6 à 12 semaines ]; le dernier stage de l'année ayant vocation à favoriser une insertion directe dans l'emploi ; pour ceux qui souhaitent poursuivre leurs études après le diplôme : ils suivront quatre semaines de cours intensifs d'enseignements généraux et professionnels adaptés pour leur permettre d'acquérir les compétences nécessaires à la réussite dans l'enseignement supérieur. » Dans le même temps, certaines épreuves du Baccalauréat seront passées plus tôt dans l’année, vraisemblablement en mars au moment des vœux sur Parcoursup. Enfin, les stages seront effectivement payés, ainsi que l’a annoncé en grandes pompes le gouvernement. « Avec la nouvelle réforme, la durée du Bac Pro sera donc de deux ans et demi. On réduit donc encore la durée de formation des élèves et on introduit une sélection qui va se faire sur des critères financiers, explique Yannick Biliec, professeur en lycée professionnel à Ris-Orangis (Essonne) et secrétaire fédéral de la Ferc-CGT. À l’issue de la première, les élèves auront le choix entre préparer leur BTS et avoir 600 euros ou prendre plus de stages en entreprise et toucher 1200 euros… »
Rapprocher toujours plus l’école du monde de l’entreprise : tel est le fil rouge de la réforme. Ainsi, afin de faire coïncider l’offre de formation avec les besoins des entreprises locales, de pourvoir les métiers « en tension » et de viser l’objectif de 100% d’insertion pour les élèves sortant du lycée professionnel, la carte des formations va être intégralement remodelée. Cette annonce d’Emmanuel Macron s’est par ailleurs accompagnée de déclarations hasardeuses de Pap Ndiaye, annonçant la fermeture de « 80 filières du tertiaire et l’ouverture de 150 autres » créées dans des métiers d’avenir dès la rentrée prochaine. Les enseignants des filières supprimées « peuvent se diriger vers le professorat des écoles ou les collèges », a ainsi lancé le ministre de l’éducation au micro de Franceinfo, confondant filières et formations et suscitant l’émoi de la communauté éducative. En réalité, la fermeture de certaines formations à la rentrée de septembre 2023 avait été actée bien plus tôt dans l’année. Aucun enseignant ne va être contraint de se reconvertir subitement en un l’été, mais le mal est fait : « on craint des risques psycho-sociaux pour les collègues enseignants des filières du tertiaire qui vont devoir à nouveau se reconvertir, explique Philippe Dauriac, professeur en lycée professionnel et secrétaire national à la Ferc-CGT, en charge de la voie professionnelle. Il s’agit souvent de femmes, de plus de 50 ans, qui avaient déjà dû se reconvertir vers la gestion-administration suite à la réforme Blanquer de 2018, qui avait supprimé 1500 postes en comptabilité… » Quant aux élèves, la réforme fait peu de cas de leurs aspirations personnelles : « Les élèves deviennent prisonniers, dans leur orientation scolaire, du lieu dans lequel ils habitent et du bassin d'emploi local.C’est contraire à ce que doit être le lycée professionnel public » déplore Philippe Dauriac. Dès la rentrée, des « bureaux des entreprises », dédiés aux relations avec les employeurs, doivent ouvrir dans tous les établissements. Les enseignants pourront être amenés à y consacrer des heures de travail s’ils sont volontaires dans le cadre du nouveau « Pacte », à l’image de celui instauré dans l’enseignement général. En échange de 7500 euros brut par an, ce nouveau dispositif entend « permettre aux professeurs volontaires d'exercer de nouvelles missions rémunérées pour favoriser la réussite et un meilleur accompagnement des élèves ». Certaines de ces missions ont peu de choses à voir avec l’enseignement : ainsi de l’accompagnement des élèves dans leur relations avec Pôle emploi ou la pérennisation des partenariats avec les entreprises… L’intersyndicale a appelé à boycotter le « pacte » et invite les enseignants à refuser de se porter volontaires.
Retrouvez notre enquête sur la réforme du lycée professionnel dans le numéro 5 de notre revue trimestrielle La Vie Ouvrière
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