Loi immigration : camouflet pour le gouvernement
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« En temps de crise, c'est un devoir pour une société solidaire que d'assurer l'accès des migrants à la santé, à la stabilité de l'emploi et au logement. » C'est avec ces mots que le ministre de l'Intérieur portugais commentait la décision prise, le 28 mars dernier, par le gouvernement socialiste portugais de régulariser les sans-papiers du pays.
Une première en Europe et une « mesure salutaire » pour Pierre Coutaz, conseiller confédéral à l'espace Europe et International de la CGT. « Dans le contexte de crise sanitaire actuelle, les migrants sont souvent les populations les plus précarisées, les plus fragilisées. Cette mesure va leur permettre d'accéder aux soins et à une protection sociale. Surtout, de ne pas rester en dehors de tout suivi médical et d'augmenter les risques de pandémie. » Un chemin sanitaire qu'empruntera à son tour l'Italie le 13 mai, annonçant la régularisation de quelque 220 000 travailleurs.
De beaux exemples de solidarité ? Oui, si l'on compare à ce qui se fait dans le reste de l'Europe, c'est-à-dire rien. Et non. « Ce qu'il se passe au Portugal et en Italie, c'est un peu une régularisation en trompe-l'œil », regrette Pierre Coutaz. « Cette régularisation concerne des personnes qui avaient déposé des dossiers de demande avant le début des mesures de confinement dans ces deux pays et ne touche donc que la partie émergée de l'iceberg. Ceux qui étaient dans l'économie purement informelle et n'étaient pas identifiés par les services de l'État ne sont pas plus « régularisables » qu'avant la crise. » Autre souci pour le syndicaliste : ces régularisations sont temporaires. Pour trois mois au Portugal, pour six mois en Italie.
Des critiques confirmées par Shqiponja Dosti, responsable Immigration pour la CGIL romaine. « Le nombre d'immigrants irréguliers pourrait atteindre plus de 670 000 en 2020 [en Italie, NDLR] or le décret de relance prévoit la régularisation de 220 000 migrants. Et celle-ci n'est valable que pour deux secteurs d'activité : l'agriculture, avec l'élevage, la pêche, l'aquaculture et les activités connexes, et l'assistance et les soins aux personnes et les travaux ménagers. »
« Ces premiers pas sont à saluer, bien sûr, mais ils ne prennent pas en compte la réalité sociale diverse des métiers qu'exercent les travailleurs sans-papiers aujourd'hui dans tous les pays », reconnaît Marilyne Poulain, du collectif Immigration de la CGT. « Il est clair que, en Europe comme en France, un grand nombre de migrants sont aujourd'hui en première ligne face au coronavirus sur des métiers comme le nettoyage, la collecte et le tri de déchets, le commerce, la manutention, le BTP ou les aides à domiciles… »
« Cela fait des années que la CGT porte cette question de la régularisation des sans-papiers », rappelle Marilyne Poulain. « Il est plus que temps de la prendre en compte afin de garantir l'égalité de traitement dans les entreprises et de permettre à ces travailleurs d'être protégés de manière pérenne et de pouvoir exercer leurs droits comme les autres. »
Une prise en compte que la CGT, avec six autres organisations, syndicales ou de la société civile (Cimade, Médecins du monde, Emmaüs, Fédération des acteurs de la solidarité, CFDT, Secours catholique), réitérait dans une lettre envoyée à Emmanuel Macron le 13 mai, lui demandant « la régularisation des personnes sans papiers sur le territoire [national, NDLR] ». « Il faut une large mesure de régularisation qui permette de prendre en compte à la fois les questions de justice et de reconnaissance liées au travail et les questions sanitaires », plaide Marilyne Poulain. « Cette régularisation doit aussi être un instrument de lutte contre la grande pauvreté. » La CGT et ses cosignataires, tout comme des dizaines de milliers de sans-papiers installés en France, attendent toujours la réponse.
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