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ÉDUCATION

Rentrée scolaire : la grande improvisation

26 août 2020 | Mise à jour le 27 août 2020
Par | Photo(s) : Sébastien Bozon/AFP
Rentrée scolaire : la grande improvisation

Après l'épreuve due au confinement, cette rentrée scolaire suscite bien des interrogations chez les parents et les personnels. Les syndicats enseignants dénoncent quasi-unanimement l'impréparation du ministère de l'Éducation nationale tant sur le registre sanitaire que pédagogique.

C'est à chaque fois un nouveau départ, avec ses espoirs, ses craintes, mais celle-ci aura un goût particulier. Après une interruption de presque six mois pour certains, ce retour en classe suscite bien des appréhensions. Face au regain de la pandémie de Covid-19, parents et profs n'ont pas caché leurs inquiétudes dès la mi-août. Malgré les demandes de plusieurs syndicats d'un report, la rentrée scolaire aura bien lieu mardi prochain, pour les quelque 12,4 millions d'élèves français, au lendemain de la rentrée des professeurs.

Blanquer droit dans ses bottes

« L'éducation n'est pas une variable d'ajustement », a martelé le ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, le 21 août, au journal de France 2, invoquant le risque d'accroissement des inégalités creusées par le confinement. « Les conditions de protection sont rassemblées », « nous sommes pédagogiquement prêts », a-t-il assuré sans pour autant convaincre, le port du masque obligatoire pour les plus de 11 ans apparaissant comme la seule nouvelle donnée par rapport à une circulaire de juillet dépassée.

Impréparation

Derrière cette mesure, dont l'association de parents d'élèves FCPE dénonce les coûts supplémentaires laissés à la charge des parents malgré la revalorisation de l'allocation de rentrée, « c'est l'impréparation qui domine alors qu'on a souvent demandé à préparer collectivement la reprise, pose Marie Buisson, secrétaire générale de la Ferc CGT. Les profs sont heureux de retrouver les élèves et en même temps inquiets des conditions dans lesquelles ils vont pouvoir exercer leur métier, dans l'intérêt des deux. Le ministère de l'Éducation donne l'impression d'être le nez dans le guidon, de ne jamais prévoir bien loin, et de toute façon, jamais en fonction des besoins des personnels. »

Risque sanitaire

Contre le risque sanitaire, se pose bien sûr la question de l'organisation des espaces. Quid des aménagements de locaux pour accéder à des sanitaires et à des lavabos supplémentaires ? Quid des files pour se rendre à la cantine et des sens de circulation ?

Quid de la distanciation physique dans des classes surchargées, notamment dans le primaire où les élèves ne seront pas masqués ? Nombre de mesures d'organisation n'auraient pas encore été prévues pour un retour en masse des élèves. La protection santé-travail des personnels se pose aussi alors que ceux-ci ne seront équipés que de masques grand public. « En tant qu'employeur, le ministère de l'Éducation devrait nous fournir des protections de qualité professionnelle c'est-à-dire des masques FFP2 », relève Samuel Delor, co-secrétaire du syndicat Éduc'Action CGT du Rhône.

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Risque pédagogique

« Si le ministère de l'Éducation nationale avait pris en compte l'aspect pédagogique, continue le syndicaliste, il aurait pu anticiper une adaptation aux réalités du métier en équipant les profs de masques avec une bande transparente au niveau de la bouche pour faciliter les apprentissages… au lieu de ça il a complètement renoncé à son rôle organisateur et logistique. L'important, c'est d'accueillir les élèves… »

Or, derrière l'enjeu économique, l'enjeu pédagogique est d'autant plus déterminant cette année que les classes post-confinement seront hétérogènes et que l'avenir reste suspendu aux risques de reconfinement ciblé ou d'enseignement à distance si nécessaire.

Manque de moyens

« Nous réclamons la mise en place de vrais groupes de travail et de journées pédagogiques pour s'organiser en vue de l'année scolaire particulière qui arrive », confirme Matthieu Brabant, membre du bureau de la Ferc CGT.

« Nous revendiquons également de nouveaux recrutements en masse pour pouvoir scinder des effectifs de classe, dans la période. C'est la raison pour laquelle nous avons réclamé dès juin dernier que l'ensemble des personnels admissibles au concours interne soit titularisé et non pas seulement la moitié (environ 3 600 profs) comme l'a décidé le ministère ».

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Situation compliquée dans les universités

La rentrée universitaire pourrait être encore plus compliquée. Les universités qui gèrent des masses croissantes d'étudiants arrivant dans l'enseignement supérieur vont faire face à une augmentation particulière, cette année, due à la consigne de bienveillance — logique, car ils n'avaient pas eu cours en fin d'année et qu'ils étaient en contrôle continu — accordée aux bacheliers de juin. « L'augmentation du nombre de bacheliers a notamment entraîné la nécessité de créer en toute hâte, fin juillet, des places supplémentaires en L1 », explique Marie Buisson.

Bien sûr, la ministre de l'Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, a assuré au cœur de l'été que chaque étudiant aurait une affectation. « On nous promet ça depuis la mise en place de Parcoursup on sait bien que beaucoup n'obtiennent pas la filière demandée, note la syndicaliste. Nous attendons un bilan qualitatif et non pas seulement quantitatif de cela ». Les facs vont en outre devoir imaginer et mettre en place chacune — avec la grande autonomie dont elles disposent — des systèmes d'enseignement adaptés à la pandémie.

Des configurations hybrides telles que des cours assurés pour la moitié avec des étudiants présents et l'autre moitié à distance en visio-conférence. Une formule qui selon Marie Buisson « n'a pu être imaginée que par des personnes qui n'ont jamais fait classe, car ce ne sont pas du tout les mêmes procédures pédagogiques. Sans transposition du cours d'une version à l'autre, le risque est de rater les deux publics. »

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Manque de recrutements dans le privé sous contrat aussi

Alors que la rentrée scolaire des profs du public aura lieu le 1er septembre, celle de leurs homologues de l'enseignement privé sous contrat aura lieu le 28 août — sans que son caractère obligatoire ne soit clair pour le ministère lui-même…

« Nous le dénonçons syndicalement, mais depuis le temps qu'on ne s'est pas vus, entre collègues, une journée pour se retrouver on se dit que ce n'est pas du luxe, explique Alexandre Robuchon, professeur de mathématiques dans un lycée privé d'Angoulême et co-secrétaire du SNEIP (Syndicat National de l'Enseignement Initial Privé CGT). D'autant que nous sommes en pleine confusion par rapport à la communication interministérielle et que nous avons beaucoup d'incertitudes quant aux conditions de reprise. »

Comment protéger les élèves ? Comment protéger les personnels ? Accueillant près de 20 % des élèves en France, le corps enseignant du privé se pose peu ou prou les mêmes questions en cette période de retour en classe. « Il ne s'agit pas de reprendre pour reprendre, explique le syndicaliste. Il reste un arrière-goût de contrainte économique, dans laquelle les profs étaient ceux qui devaient garder les enfants pendant que les parents retournaient au travail, alors que notre travail est autre. »

Le SNEIP-CGT qui revendique la création d'un grand service public, laïc et gratuit d'éducation, réclame la fonctionnarisation de tous les personnels. On en est loin. « Cette année, seuls 1500 enseignants ont été admis au concours interne du privé alors que nous réclamions que les 3000 admissibles le soient », regrette le syndicaliste, qui précise que « plus de 20 % des enseignants sont des précaires avec une paye de misère, sans garantie d'être repris d'une année sur l'autre et souvent à temps incomplet sur des postes pourtant pérennes. »

Malmenés par l'imposition de lourdes réformes idéologiques et structurantes qui ont changé les programmes et leurs méthodes d'enseignement ces dernières années, mis à l'épreuve pendant le confinement, les enseignants vont devoir encore compter sur leur conscience professionnelle et leur capacité collective à s'organiser pour faire face à cette nouvelle année scolaire. Nul doute que la question des conditions de travail sera discutée dans les salles de profs, mais n'effacera pas celle des recrutements et des revalorisations de salaire qui traîne depuis trop longtemps…

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