22 août 2019 | Mise à jour le 22 août 2019
L’annonce par la ministre des Solidarités et de la Santé, du lancement « probablement la semaine prochaine » d’une nouvelle « concertation citoyenne » sur la réforme des retraites confirme le report après les élections municipales de l’examen d’un texte. Et témoigne aussi de l'embarras de l’exécutif devant les risques d’une confrontation sociale sur un sujet fondateur du pacte social.
« Nous attendons les retours de nos concitoyens sur les propositions qui ont été faites » par le Haut commissaire à la réforme des retraites le 18 juillet, a expliqué Agnès Buzyn. Une nouvelle étape donc dans le processus alors que Jean-Paul Delevoye avait lui-même mené une « consultation citoyenne » l’an dernier. Après des mois de crise sociale des gilets jaunes et de mobilisations diverses, Emmanuel Macron a donc renoncé à réformer les retraites par une manœuvre de sidération comme il a pu le faire en début de mandat sur la réforme du code du travail. Le calendrier avant l’adoption d’un futur texte semble devoir s’allonger « après les élections municipales, voire en septembre 2020 sur injonction du gouvernement », selon la délégation de la CGT qui a rencontré le Haut commissaire Jean-Paul Delevoye le 24 juillet. Ce temps long, jalonné de rencontres avec les organisations syndicales permet à l’exécutif de diluer le dossier sans permettre à l’opinion et à chaque citoyen de se faire une juste idée des impacts de la réforme sur sa future retraite et de réagir en conséquence. Il permet aussi au gouvernement de maintenir ses interlocuteurs syndicaux autour de la table afin de donner l’impression d’un dialogue social nourri.
Premières mobilisations catégorielles
Pas sûr que cette stratégie fonctionne car même si pour l’heure les grandes confédérations n’ont pas encore pris date pour une première riposte unitaire, CGT, FO, FSU, Solidaires ont mis à l’ordre du jour de leur intersyndicale une plate-forme commune revendicative. Évidemment, la consultation citoyenne n’a pas d’autre fonction que de leur couper l’herbe sous le pied en occupant le terrain médiatique ces prochaines semaines. Pas sûr non plus que cette diversion entame la détermination de plusieurs professions ou secteurs. Ainsi, d’ores et déjà des organisations d’avocats, infirmières et pilotes de ligne, hôtesses et stewards se disent prêtes à défendre bec et ongles leurs régimes spécifiques redoutant la disparition des 42 régimes existants dans un futur « système universel » et une décote pour ceux qui partiront avant un « âge d’équilibre » fixé à 64 ans. Le Conseil national des barreaux, appelle ainsi « tous les avocats (…) à une manifestation nationale à Paris » lundi 16 septembre. Les avocats redoutent ainsi « hausse conséquente des cotisations » prévue pour aligner ces libéraux sur les salariés du privé, et dénonce une « mise à mort économique« . Le Conseil national des Barreaux accuse les pouvoirs publics de vouloir « spolier la profession des réserves constituées » par la Caisse nationale des barreaux français (CNBF), (environ 2 milliards d’euros). Le principal syndicat de pilotes de ligne et six organisations d’hôtesses et stewards ont décidé d’agir également pour défendre le régime complémentaire des personnels navigants (CRPN) et ses 4 milliards d’euros de réserves financières. D’autres professions, notamment les médecins libéraux fourbissent leurs armes.
Les confédérations syndicales se préparent à un long bras de fer
Confronté à des ripostes catégorielles ou corporatistes, le gouvernement peut évidemment jouer la carte des oppositions comme il l’a fait de manière grossière en opposant les intérêts des cheminots à ceux des usagers dans le cadre de la réforme ferroviaire. La tâche lui sera plus difficile dans un cadre interprofessionnel animé par les centrales syndicales. Le calendrier et l’ampleur de la réforme imposent en effet aux syndicats un processus long d’information, de débat avec les salariés, tout en marquant l’urgence impérieuse du rapport de force en proposant crescendo des échéances de mobilisation. La CGT a lancé une consultation de ses syndiqués jusque fin septembre pour les associer plus largement aux décisions de mobilisations sur ce sujet comme sur d’autres, leur rythme, leur périmètre. Elle a également lancé une formation des militants et animateurs de la vie syndicale sur la réforme des retraites et appelle à un premier temps fort interprofessionnel le 24 septembre, trois jours après que FO rassemble ses militants à Paris pour un meeting.
Emmanuel Macron fait tout pour s’épargner une nouvelle crise sociale, mais les risques que fait porter cette réforme des retraites pourront difficilement être écartés sans une confrontation.