Les entreprises sous emprise de la finance
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« Alléger la charge mentale qui pèse sur les entrepreneurs » et « supprimer la bureaucratie » : tels sont les objectifs affichés du grand chantier de simplification de la vie des entreprises ouvert par l’exécutif. Fin 2023, une consultation nationale auprès de chefs d’entreprise et d’entrepreneurs avait été lancée par le gouvernement dans la foulée des Rencontres de la simplification. Le but ? Faire émerger des propositions et idées pour abonder un futur projet de loi Simplification/Pacte II. Le rapport parlementaire « Rendre des heures aux Français : 14 mesures pour simplifier la vie des entreprises » , rédigé par cinq parlementaires de la majorité présidentielle et rendu le 15 février à l’exécutif, se veut la poursuite de cette consultation, et ambitionne de « résoudre ce mal français qu'est celui de la complexité administrative », selon les termes du rapport. « Les organisations syndicales ont été reçues après que le rapport ait été rendu à l’exécutif !», s’émeut Thomas Vacheron, secrétaire confédéral de la CGT. Ce rapport est biaisé car il ne traduit que les volontés des directions d’entreprise et non les demandes des salariés, soit 80% de la population active et que les organisations syndicales représentent. »
Sous couvert de simplification, le rapport parlementaire plaide pour des mesures d’inspiration néolibérale, qui auraient pour conséquence d’affaiblir le dialogue social et de rogner les droits des travailleurs. Le rapport préconise ainsi que les entreprises de moins de 50 salariés ayant moins de cinq ans d’existence puissent déroger aux salaires minimums prévus dans les accords de branche si le salarié l’accepte. « Depuis la création des conventions collectives en 1936, il ne peut y avoir de dérogations aux minima salariaux de branche, déroule Thomas Vacheron. Pour la première fois, cette piste est avancée et il est envisagé que cette dérogation soit négociée de gré à gré entre employeur et salarié, niant complètement le lien de subordination qui existe entre eux. » Concrètement, en suivant cette préconisation, les salariés travaillant dans des secteurs couverts par des accords de branche plus protecteurs que le minimum légal, en raison de la reconnaissance des qualifications ou d’une forte implantation syndicale par exemple, pourraient être contraints de revoir leur minimums salariaux à la baisse.
« Avec ce rapport parlementaire, on poursuit la logique selon laquelle le dialogue social est un coût pour l'employeur. On souhaite adapter au maximum les dispositifs du dialogue social aux objectifs de compétitivité des entreprises », analyse pour sa part Baptiste Giraud, maître de conférences en science politique à l'université d'Aix-Marseille. Déroger aux accords de branche revient à ôter leur caractère régulateur, protecteur non seulement pour les salariés mais également pour les entreprises. À terme, de telles dérogations pourraient mettre en difficulté les entreprises pour attirer des salariés qualifiés. « Il ne faut pas déconnecter ce rapport et la philosophie qui l’inspire des mesures d’ores-et-déjà prises par le gouvernement sur les droits des chômeurs : on dégrade les conditions salariales des travailleurs en emploi et dans le même temps, on accentue la pression sur les chômeurs, pour qu’ils acceptent ces emplois dégradés », poursuit Baptiste Giraud.
Cette mesure a réuni contre elle l’ensemble des organisations syndicales et ne fait, finalement, pas partie du « Projet de loi de simplification de la vie économique ». Toutefois, elle pourrait inspirer la future Loi Travail annoncée par le Premier ministre Gabriel Attal et prévue après l’été. D’autres mesures, défendues par le rapport, ne sont, également, pas intégrées au projet de loi mais pourraient être étudiées dans un texte ultérieur. C’est le cas notamment de la proposition visant à réduire la durée minimale de travail hebdomadaire pour les temps partiels, actuellement fixée à 24 heures par semaine. Une mesure qui précariserait en premier lieu les femmes, premières concernées par les temps partiels subis. Enfin, le rapport plaide pour modifier à la hausse les seuils sociaux à partir duquel les entreprises doivent se doter d’un Comité social et économique (CSE), pour le passer de 50 à 250 salariés.
Le texte présenté par Bruno Le Maire en conseil des ministres le 24 avril sera discuté au Sénat à partir du 3 juin. Pour l’heure, il rassemble une cinquantaine de propositions dites de « simplification » visant à faciliter la vie des entreprises et dont un certain nombre représente une menace pour le monde du travail. Ainsi, le texte prévoit de restreindre l’information préalable aux salariés d’une société (de moins de 50 salariés) faisant l’objet d’une opération de cession. Actuellement, les directions sont tenues d’informer les salariés au moins deux mois avant la mise en vente, afin que ces derniers puissent constituer une offre de reprise. Cette obligation d’information passerait à un mois. Le gouvernement souhaite également simplifier la fiche de paie : cette dernière serait réduite à une quinzaine de lignes. La proposition du bulletin de paie simplifié reposerait désormais sur deux lignes principales : le « coût total employeur » et le « total net à payer ». L’objectif est clair : il s’agit de « faire apparaître le coût du modèle social français », selon les mots du ministre.
« La fiche de paie fait apparaître l’entièreté des droits auxquels on peut prétendre aujourd’hui et demain. Enlever ces informations, c’est prendre le risque de perdre ses droits par la suite », défend Thomas Vacheron. La mesure est loin de faire l’unanimité, y compris chez les organisations représentatives du patronat. De fait, les entreprises seront obligées de garder une double comptabilité, car le salarié conserverait le droit de demander un bulletin de salaire comportant toutes les informations déjà existantes. « La logique affichée est d’alléger les contraintes bureaucratiques reposant sur les PME. En réalité, dans leur très grande majorité, les PME ont externalisé le service paie… », analyse Baptise Giraud.
Enfin, le projet comporte un certain nombre d’entraves au contrôle démocratique des populations affectées par la création d’un projet industriel et aux obligations environnementales qui pèsent sur les entreprises. Le texte prévoit ainsi la fin de la saisine obligatoire de la Commission nationale du débat public (CNDP) pour les projets locaux relatifs à l’industrie verte. Le projet entend, par ailleurs, donner plus de temps aux entreprises pour compenser les atteintes à la biodiversité qu’elles pourraient générer. Un texte, donc, dans la droite ligne du projet macronien de mise au pas du monde du travail, de la société civile et de l’écologie au profit du capital.
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